Interview Régine Ferrere – Intelligence Artificielle & chef de produit

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE & METIER DE CHEF DE PRODUIT

Interview de Madame Régine Ferrere

photo de Régine Ferrere
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Fondatrice de l’IBCBS, le Premier Campus des Métiers de la Beauté et du Bien-être, Régine Ferrere est une figure éminente dans l’industrie de la beauté et du bien-être en France.

Elle occupe plusieurs postes de leadership, notamment en tant que présidente de la Confédération Nationale de l’Esthétique Parfumerie et vice-présidente de l’Union des Professionnels de la Beauté et du Bien-être, où elle s’occupe du dialogue social.

Elle est également impliquée dans des commissions et des organisations nationales et internationales liées à l’industrie de la beauté. 

Selon vous, est-ce que l’intelligence artificielle va impacter le métier de chef de produit ?

Tous les métiers vont être modifiés. L’Intelligence Artificielle, c’est exactement comme le passage de la bougie à l’électricité. C’est un changement de paradigme, un changement de monde. C’est un monde où on a déjà un stockage de données importantes. On a ce qu’on appelle le Big Data. Alors, au début, le Big Data était minuscule, et il est devenu massif. Au début, nous étions satisfaits, nous pouvions obtenir de nombreuses informations que nous stockions sur des disques durs. Maintenant, l’information a explosé de toute part et a été complètement modifiée par la pandémie de COVID-19, qui nous a contraints à rester confinés. On ne peut jamais mesurer suffisamment comment cet enfermement nous a fait réfléchir et modifier nos comportements et nos modes de vie. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à utiliser pleinement le Big Data. Auparavant, nous le stockions mais ne l’utilisions pas beaucoup, tandis qu’à présent, nous l’exploitons. Finalement, nous avons mobilisé notre cerveau, et il y a des choses qui sont déjà faites, déjà bien en place, que nous pouvons utiliser. C’est ainsi que l’intelligence artificielle est née, car nous nous sommes dit que si nous pouvions transférer ce que nous avons dans notre cerveau vers une intelligence artificielle, et que cette intelligence artificielle devienne notre disque dur, notre centre de stockage, nous obtiendrions beaucoup plus rapidement des réponses à nos questions.

Quel sera le rôle du chef de produit dans le futur ? Que va devenir ce métier ?

Bien sûr, les métiers vont être transformés et même énormément. Le chef de projet qui passait sa vie à chercher des ressources un peu partout pendant près de trois à quatre mois aura maintenant ces informations à côté de lui. Avec l’intelligence artificielle, les informations sont classées et digérées. Mais le chef de projet n’a pas une intelligence artificielle, il a une intelligence humaine. C’est-à-dire qu’il est capable, à partir de toutes les données que lui a transmises l’intelligence artificielle, de les analyser, d’en faire la synthèse et d’utiliser celles qui lui sont nécessaires. Cela permet de gagner énormément de temps. Le chef de projet a beaucoup plus de temps pour réfléchir sur le bien-fondé du projet et ce qu’il va apporter au projet, c’est le côté humain. Quand vous travaillez sur un cosmétique, le facteur humain est essentiel. Je pense que ça doit être à peu près pareil dans tous les métiers. Parce que finalement l’intelligence artificielle va vous « démazouter » de la recherche des fabricants, du sourcing sur un emballage ou sur un composant par exemple. Ça va permettre de se dire tout de suite, « tiens je vais faire du circuit court », « je vais aller là » et « je vais chercher ça », mais une fois que vous avez tout ça, il va falloir faire la cuisine. La recette, c’est vous qui allez la faire. C’est vous qui allez ressentir le produit et allez forcément donner votre « griffe ». Ce que l’intelligence artificielle ne ressent pas. L’IA vous donne des données excellentes, mais ces données il faut les trier, les analyser et les traduire en produit sur la partie technique. Bien sûr, par exemple, ça va vous donner une analyse du consommateur, mais une analyse du consommateur et après quand on va arriver sur l’odeur du produit, sur le toucher du produit. Mais qu’est-ce qu’elle fait votre intelligence artificielle ? Elle va vous dire peut-être aujourd’hui que les consommateurs aiment les produits anhydres, qu’ils aiment les produits à base de poudre, oui mais après il faut créer ce produit, lui donner une odeur, une couleur, une tendance, lui écrire une histoire. Ce n’est pas l’intelligence artificielle qui va écrire l’histoire, c’est vous qui allez écrire l’histoire. Moi, je pense que l’intelligence artificielle vraiment c’est une chance inimaginable. Et voilà, c’est ça l’intelligence artificielle. C’est un stockage de données, un tri des données, pas une analyse des données, mais disons qu’avec des algorithmes, ça les trie en vous donnant quand même, je trouve, ça peut vous créer un profil consommateur, ça peut vous analyser tous les produits qui sont sortis et quelle est la tendance. Mais après il va falloir que votre cerveau réfléchisse.

Selon vous, quels sont les risques de l’Intelligence Artificielle sur les métiers de demain ?

Le risque de l’IA, c’est que les personnes qui vont l’utiliser devront elles-mêmes être intelligentes. Pour moi, le risque de l’intelligence artificielle c’est qu’il va y avoir le bas, le haut mais il n’y aura pas le milieu. C’est que cela crée des personnes à deux vitesses, des personnes très intelligentes qui vont dominer la machine. Comme Kasparov (numéro 1 mondial des échecs) quand on l’a confronté au robot et qu’il a été battu 1 fois par le robot. Et ça là tellement énervé qu’il a analyser les failles qu’il avait et après il n’a jamais plus été battu par un robot. L’homme est l’homme.  

Est-ce que l’IA va impacter la créativité des chefs de produit ?

Je crois que le côté créatif ne sera pas impacté parce que la création ne peut pas être réalisée par l’IA seule. Il va falloir lui donner un ordre. Par exemple, vous allez lui donner l’ordre de mettre sur pied une formule d’une crème hydratante. Ça, très honnêtement, pour les produits qui ne sont pas exceptionnels, je pense qu’il fera très bien le job. Par contre, après, vous allez arriver à la partie technique et financière, il peut vous donner un job avec, par exemple, 14 actifs, mais il y en a qui vont être extrêmement chers ou qui vont être très difficiles à trouver, parce que le sourcing est toujours fonction, surtout à l’heure actuelle avec tous les problèmes climatiques. Et la formule, elle sera certes magnifique, mais il va bien falloir qu’une main humaine intervienne. Donc on aura notre patte. Et puis après, il y a la création pure, c’est-à-dire quelque chose qui est sorti du cerveau d’un chercheur qui a trouvé quelque chose d’exceptionnel, et là on va être vraiment sûr de la nouveauté.

Pour en savoir plus sur l’impact de l’intelligence artificielle sur les emplois et les entreprises, rendez-vous sur cet article :

Sources :

« École Internationale d’Esthétique à Chartres | IBCBS », sur regineferrere.com,  https://www.regineferrere.com 

Profil Linkedln de Régine Ferrere, https://fr.linkedin.com/in/regine-ferrere-a25660b0