Digital et parfums : Rencontre avec Marielle DUBREUIL RUQUET.

Digital et parfums : Rencontre avec Marielle DUBREUIL RUQUET.

 

Je vous invite à découvrir ci-dessous mon article passionnant : Digital et parfums : Rencontre avec Marielle DUBREUIL RUQUET.

Image couverture article Digital et parfums.

Introduction : 

Il y a quelques semaines maintenant, dans le cadre de ma formation au sein du MBA DMB, j’ai eu l’opportunité de suivre un cours passionnant sur le marketing des parfums.

Cette intervention a été faite par Madame Marielle Dubreuil Ruquet. Après 4 h 30 de partage de son expérience professionnelle et de son expertise dans le domaine des parfums, j’ai ressenti l’envie et le besoin d’approfondir notre échange. En tant que réelle passionnée de l’univers cosmétique, je souhaitais en apprendre davantage sur ce secteur.

Pour cela, j’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer. Étant actuellement étudiante en marketing digital, je voulais en savoir plus sur l’impact du digital sur l’industrie des parfums et l’avenir de ce secteur. Mon objectif à travers cet entretien était simple : continuer à échanger avec une professionnelle de la parfumerie. Mais également et surtout, pouvoir accroître mes connaissances sur cette industrie à travers une conversation ouverte et constructive.

Je vous laisse prendre connaissance de la suite de cet article pour découvrir notre discussion enrichissante.

Voici quelques questions auxquelles Madame Dubreuil Ruquet a accepté de répondre :

Marielle DUBREUIL RUQUET

Interview :

Présentation : 

Pouvez-vous vous présenter ?

“Je suis Marielle DUBREUIL RUQUET. J’ai démarré ma carrière, il y a un certain temps. J’ai travaillé pendant plus de 20 ans pour le groupe Chanel en tant que Parfumeur Créateur.

Donc je créais des parfums. Pour la parfumerie de luxe (Ungaro Parfums, Tiffany), mais aussi pour la grande distribution, comme pour la marque Bourjois que possédait le groupe Chanel auparavant et qui appartient maintenant à Coty. Donc mon rôle était de créer des parfums pour des parfums bien sûr, mais aussi pour toutes les déclinaisons pour le corps, pour les produits de soins et pour le maquillage. Parce qu’un rouge à lèvre, par exemple, c’est parfumé, et ça doit avoir bon goût.

Et puis maintenant, depuis une grosse dizaine d’années, je suis indépendante. J’interviens dans des entreprises quand je suis sollicitée sur des problèmes qualité. Par exemple, vous voyez, je peux travailler pour des gros groupes, ou faire du conseil pour des petites marques de niche. J’ai enseigné à l’ISIPCA, l’Institut Supérieur International de la Parfumerie, de la Cosmétique et des Arômes, dont je suis alumni. Je suis aussi diplômée Executive MBA.”

L’impact du digital :

Avez-vous perçu un changement sur le secteur de la parfumerie avec l’avènement du digital ? Si oui, comment ?

“Oui. Je pense que le digital a contribué à l’explosion des marques de niche.
Cela correspondait à une époque où toute une partie de la clientèle aussi bien masculine que féminine, mais surtout féminine, était à la recherche d’une parfumerie différente, et ne voulait plus sentir comme tout le monde. Il y avait une attente de la clientèle pour une expérience plus authentique. Et là, les marques de niches se sont multipliées.

L’IA (intelligence artificielle) a clairement aidé à l’expansion des marques de niche, en permettant notamment la commercialisation sur Internet. Des marques comme NOSE, qui grâce à des algorithmes personnalisés, sélectionne des parfums via des questionnaires qui ciblent et aident la consommatrice, la cliente à choisir son parfum en sélectionnant une offre, en prenant le temps.  Ça, oui, je pense que la digitalisation a aidé.”

Digitalisation et expérience client :

Comment la digitalisation transforme-t-elle l’expérience d’achat en ligne pour les consommateurs de parfums ? Quels sont les défis à surmonter pour recréer la complexité des senteurs à travers un écran ?

“Alors là, on va parler des marques vraiment de luxe. Ce qui va être très difficile, c’est justement de faire partager, de réussir à faire vivre en ligne une expérience que la cliente pourrait avoir en boutique. Voilà donc là, c’est très compliqué.

Comment pouvez-vous sentir à travers un écran ? L’expérience sensorielle est limitée, et ça, pour moi, c’est la difficulté principale. C’est-à-dire comment peut-on offrir une expérience en ligne de même niveau que celle proposée en boutique ? Et ça, on ne l’a pas. Clairement, on ne l’a pas, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le conseil. Vous avez certainement testé le service de chat en ligne. C’est horripilant parce qu’en fait, le chat est formaté pour telle ou telle question, et ne peut pas répondre exactement à votre demande. Voire il vous répond complètement à côté de la plaque. Donc ça pour moi, c’est un vrai défi.

Les petites marques de niche, elles, s’en sont sorties, ou peuvent s’en sortir. Parce qu’elles ont mis au point des questionnaires en ligne et cetera. Mais ce qu’il faut bien voir, c’est que c’est toujours plus facile pour une marque qui n’est pas très connue, qui ne propose pas d’expérience client boutique car elle n’a pas de boutique, qui ne propose pas d’expérience particulière, ou spécifique. La plupart des marques de niche sont vendues dans des boutiques multi-marques, sans univers spécifique à une marque particulière.  Donc là l’online les a vraiment aidées. Pour les autres labels de parfums (luxe, mainstream, collections privées…), beaucoup ne commercialisent pas l’intégralité de leur catalogue sur leur site. Parce qu’il y a, je dirais, une perte de qualité du service, entre ce qu’on peut vivre en boutique et en ligne.

Et puis il y a une chose aussi, qu’il ne faut pas oublier. C’est que si vous allez en boutique par exemple, vous allez tester, essayer bien souvent, le rôle de la conseillère aussi ou du conseiller est important. Sur Internet, vous ne pouvez pas. En boutique, les vendeurs, vont aussi essayer de vous faire augmenter votre panier d’achat, de manière plus ou moins subtile et vous donner différents échantillons.”

L’impact de l’intelligence artificielle : 

L’intelligence artificielle offre-t-elle de nouvelles possibilités pour la personnalisation des parfums ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d’innovations basées sur l’IA ?

“Alors ça, je pense que oui. Après, est-ce qu’on réussit ou est-ce qu’on tombe à côté de la plaque ? On n’est pas encore complètement au point là-dessus, malgré les rapprochements de différentes technologies, avec les neurosciences par exemple. Mais il y a des limites. Il faudrait presque une IA particulière pour chaque personne, en lien avec ses propres émotions, son vécu et son éducation olfactive.

Il y a des marques de luxe qui font des parfums sur mesure. Dans ce cas, ce n’est pas l’IA, mais le parfumeur qui est sur le devant de la scène, en face à face. Cela se passe avec un questionnement, des allers-retours, c’est-à-dire qu’on va faire sentir chaque essai à la cliente pour approcher au plus près de ses sensibilités et créer ce qui va lui plaire le plus. Qu’est-ce que l’IA peut apporter dans ce cas ? Pas grand-chose.

En fait chaque personne a sa propre définition d’une odeur, selon ses impressions. Même entre parfumeurs, si sur les grandes caractéristiques et schémas olfactifs, nous avons des classifications sur lesquelles tout le monde s’accorde, quand va loin dans le détail et la précision, il peut y avoir des perceptions différentes d’un parfumeur à l’autre. On n’a pas exactement la même finesse descriptive.”

Digitalisation et durabilité : 

De quelle manière la digitalisation peut-elle aider les marques de parfum à promouvoir des pratiques plus durables et transparentes ? Quel impact cela a-t-il sur la perception des consommateurs ?

“La plupart des marques l’ont maintenant depuis plusieurs années. Les problèmes liés à l’écologie, existent depuis très longtemps. Même si maintenant, le niveau de préoccupation est plus élevé. Les marques s’engagent sur un travail de reforestation, dans des contrats à long terme avec des agriculteurs notamment pour les matières premières naturelles…


D’autre part, si on regarde les molécules aromatiques, les normes exigées par les marques en termes de traçabilité, de biodégradabilité etc avec les fournisseurs, sont de plus en plus exigeantes. Cela s’est mis en place depuis des années et des années. Mais les grandes marques de luxe ne communiquent pas ou peu sur le sujet parce qu’elles partent du principe que c’est sous-entendu.

Elles travaillent au recyclage des flacons, au remplacement des flacons pour les rendre plus durables, avec du verre recyclé, ou avec des flacons rechargeables. ll y a un vrai travail de fond. Je pense qu’il y a beaucoup de marques qui n’ont pas vraiment envie de communiquer sur ce point, car ce n’est pas la motivation première d’une cliente d’un produit de luxe, ce n’est pas ce qui va déclencher l’acte d’achat. Les marques de luxe sont censées montrer l’exemple, cette valeur est quasi intrinsèque.

Après, beaucoup de petites marques de niche, puisqu’il y a profusion maintenant, qui n’ont pas trop d’arguments de vente, qui n’ont pas trop de gages de différenciation, vont mettre certains aspects « green » en avant : un packaging en papier recyclé, un flacon avec du verre recyclé et rechargeable, un parfum qui contient 99% d’ingrédients d’origine naturelle… Parce que ce sont des arguments de vente outre l’odeur, pour une certaine clientèle, vous voyez ? Et pour ces petites marques là, c’est plus nouveau et c’est un moyen de se distinguer. Les vraies marques de luxe le font, mais presque, je dirai, depuis toujours et assez discrètement.

Des grandes maisons de luxe ont arrêté d’utiliser dans leurs produits du musc polycyclique, depuis des années maintenant. C’est un ingrédient qui n’a pas de problème de législation, mais sa biodégradabilité n’est pas très bonne et il est utilisé en grosse quantité. Depuis plus de 10 ans maintenant, certaines marques ont dit “non on ne veut plus cet ingrédient dans nos formules de parfum”. Vous voyez, les vraies marques de luxe anticipent les problèmes et continuent de s’améliorer. C’est une préoccupation qu’elles ont depuis très longtemps. Tout simplement parce qu’elles sont sur le devant de la scène.

Quand vous avez des associations « choc » comme 60 Millions de Consommateurs, ou des associations d’écologistes qui vont acheter des produits, pour les tester et les passer au crible. Bien sûr, elles prennent toujours parmi les meilleures ventes, les marques à forte notoriété. Ce sont toujours celles-ci qui sont analysées, décortiquées, et elles se doivent donc d’être toujours absolument irréprochables.

Défis et opportunités :

Quels sont les principaux défis que le secteur du parfum doit relever pour réussir sa digitalisation ? Et inversement, quelles opportunités inexplorées voyez-vous émerger grâce à cette transformation ?

“ Ah, ça, c’est compliqué. Si on arrivait à pouvoir faire sentir en ligne. Je sais qu’il y a des sociétés technologiques qui travaillent là-dessus, grâce à un « boîtier » qu’on ajoute sur son ordinateur ou sur son téléphone, pour sentir le parfum à distance. Ce serait vraiment top. Mais à mon sens, le digital devrait en premier lieu servir à la formation des conseillers de vente. Je pense que le parfum, c’est avant tout de l’humain. C’est de l’émotion.

Je vous ai dit en plus que la perception olfactive change d’une personne à l’autre. Mais justement, une conseillère de vente, si elle arrive à bien comprendre les perceptions et sensibilités de la cliente en face de laquelle elle se trouve, par exemple, avec une cliente qui vient du Moyen-Orient. Elle ne va peut-être pas forcément lui présenter les mêmes parfums qu’à une autre cliente d’une autre culture, elle va essayer de comprendre ses préférences.

Je pense que l’IA peut aider à la force de vente. C’est le travail de l’humain, à mon sens, car la machine, ne fait que traiter et restituer des informations données par l’homme. Voilà et vraiment, si on arrive à mieux jouer avec les émotions, ça, ce sera un pas formidable. Et réussir à immerger dans un monde virtuel la clientèle en boutique. Mais la force de vente reste indispensable pour accompagner la clientèle. L’enjeu est de mieux travailler sur l’accompagnement.”

Conclusion et ouverture :

Dans un monde où la digitalisation redéfinit les normes, l’industrie de la parfumerie embrasse cette transformation avec vigueur. Madame Marielle Dubreuil Ruquet nous dévoile comment le digital facilite l’émergence de marques de niche et révolutionne l’expérience client, tout en promouvant des pratiques durables. Cette transition vers le numérique offre des opportunités uniques. Le futur du parfum, imprégné de tradition mais innovant, s’annonce prometteur et résolument moderne.

J’ai été ravie de partager cette heure d’interview avec Madame Marielle Dubreuil Ruquet. Notre échange était très constructif. Il m’a permis d’avoir une autre vision du marché du parfum. J’ai pu grâce à cela confirmer certaines hypothèses que j’avais déjà pu percevoir lors de ma masterclass.

Je suis convaincue que le digital et les avancées technologiques vont, dans les années à venir, bouleverser le marché de la parfumerie. J’ai dès à présent hâte de voir les diverses transformations que va connaître le secteur. Je suis impatiente de savoir comment s’articulera cette industrie d’ici quelques années. Mais je suis certaine que de belles découvertes et innovations vont faire leur apparition. 

Remerciements : 

Je tiens à remercier Madame Marielle Dubreuil Ruquet d’avoir accepté de partager ce moment avec moi. Merci à vous pour vos réponses détaillées, vos exemples et votre temps.

Merci également à l’équipe pédagogique du MBA DMB de m’avoir permis de rencontrer cette professionnelle du secteur de la parfumerie.

Pour découvrir un autre article rédigé par mes soins traitant de la cosmétique, je vous invite à cliquer ici.

Vous souhaitez savoir comment l’IA m’a aidé pour cet article ? Découvrez ma note méthodologique en cliquant ici.

Rédaction : Emeline LAUER