Transformation digitale : entreprises libérées, leadership agile et RSE

La transformation digitale est en cours depuis plusieurs années. Après avoir transformé la communication puis l’expérience client, les entreprises sont désormais en train de muer. Elles transforment leurs organisations et leurs collaborateurs, pour dynamiser l’innovation et raccourcir le « Time to Market », se rapprochant du modèle des entreprises libérées et intégrant la RSE dans leur stratégie.

Entreprises libérées, leadership agile et responsabilité sociale et environnementale (RSE)

Après avoir compris l’intérêt pour leur notoriété d’être présentes sur le web, les marques ont lourdement investi dans le e-commerce pendant les années 2000, puis dans les réseaux sociaux depuis 2010, et prennent depuis 2015 le virage de la quatrième révolution industrielle : celle du cloud computing, du big data, de l’Internet des objets, de l’intelligence artificielle et de la robotique. Ces transformations ont toujours commencé par la mise en place d’outils destinés à optimiser les campagnes marketing et à développer les ventes, impliquant notamment les services concernés et la DSI.  On voit désormais les services RH et les managers entrer dans la danse. En effet, attirer et retenir des talents devient un enjeu majeur de la transformation, à un moment où les jeunes générations souhaitent trouver du sens dans leur travail et cherchent des entreprises dont les valeurs font échos aux leurs. D’où la prise en compte grandissante de la RSE dans la gouvernance et l’arrivée de modèles d’organisation et de management plus « libérants ».

Gather-Up

Lundi 19 juin 2017 s’est déroulée – dans le Sud de Paris – une conférence consacrée aux conséquences de la transformation digitale sur les modèles d’organisation et les nouvelles attitudes à adopter pour les managers. Cette conférence s’inscrit dans le cycle des  « GATHER-UP« , organisés par l’association AAF des anciens membres de l’AIESEC en France.

Rémy Gatherup 1

Viva Technology et les « Global Goals »

Plusieurs intervenants ont présenté leur vision sur ce sujet devant les quelques 60 participants. En premier lieu, Remy LECLERCQ a fait part de sa visite au salon Viva Technology  sur lequel il a rencontré plusieurs start-ups contribuant aux objectifs de développement durables promus par les Nations Unies pour 2030, appelés « Global Goals ». Il a constaté un mouvement qui, telle une lame de fond, est en train de prendre de l’ampleur : donner du sens à l’économie en la réconciliant avec la société. Faire des profits, certes, mais pour servir une cause. Ces jeunes pousses sont militantes et s’inscrivent dans l’économie circulaire, le « green business », l’économie collaborative et l’entreprenariat social. A titre d’exemple, l’entreprise make.org est une plateforme qui a pour vocation de faire le lien entre la société civile, le pouvoir politique et les forces économiques dont la responsabilité citoyenne est de plus en plus engagée (RSE).

L’AIESEC

Ensuite, Nicola CIRILLI, président de l’association des anciens de l’AIESEC, a expliqué en quoi les valeurs de l’association sont toujours d’actualité – 70 ans après la création de celle-ci par 7 étudiants de 5 pays européens en 1948 – et qui est aujourd’hui présente dans 125 pays et plus de 2500 établissements d’enseignement supérieur.

  • Viser l’excellence,
  • Faire preuve d’intégrité,
  • Agir de façon durable,
  • Stimuler le leadership.

Nicola Gatherup 1

Compte-tenu de la situation géopolitique mondiale actuelle, – le Brexit, l’élection américaine de 2016, la concentration des pouvoirs en Russie et en Chine, les tensions politiques et les conflits au Moyen-Orient et en Afrique, il est évident que le monde nécessite un leadership plus responsable pour s’attaquer aux challenges nombreux et complexes.

Les leaders d’aujourd’hui doivent non seulement être capables de créer de la « valeur » mais aussi de remettre certaines « valeurs » au centre de leurs processus de décision pour créer du sens. La RSE est donc une réponse logique aux évolutions de la société.

Arnould Gatherup 1

A la suite de quoi Amandine RICHEL et Jean-Pierre LANNOU, dirigeants exécutifs de l’AIESEC France, ont présenté leurs activités, conférences et projets, contribuant aux objectifs de développement durables des Nations Unies. AIESEC est en effet un partenaire de référence grâce au projet Youth For Global Goals qui vise à impliquer la jeunesse dans ce programme mondial et est reconnu comme le porte parole de la jeunesse via son YouthSpeak Forum. Les étudiants d’aujourd’hui seront les acteurs de la RSE de demain.

Amandine Gatherup 1

Cyril OGEE, consultant en gestion des organisations, leadership et transformation digitale, a pris la suite en expliquant que la plupart des entreprises actuelles ont encore une organisation dont la structure est héritée du passé et des premières révolutions industrielles. Ces modèles ont une hiérarchie plutôt pyramidale, favorisant les décisions descendantes, ce qui est désormais inadapté pour relever les défis de la révolution digitale.  En effet, les outils numériques tels les smartphones ou tablettes permettent d’être connecté en permanence (phénomène ATAWAD : anytime, anywhere, any device), les réseaux sociaux ont donné le pouvoir aux consommateurs qui attendent des marques des preuves de leur engagement et une réponse quasi en temps réel, les objets qui seront un jour tous connectés (IoE pour « Internet of everything ») qui fournissent des données innombrables (ou big data) stockées sur des serveurs distants (le Cloud Computing) et permettent à l’intelligence artificielle (machine learning) de mieux comprendre les tendances et comportements des clients. Concrètement, si les collaborateurs n’ont pas l’autonomie suffisante et la capacité à décider en temps réel, ni la possibilité de coopérer pour trouver en permanence de nouvelles solutions innovantes en utilisant l’intelligence collective, les entreprises seront très vite dépassées par des organisations plus agiles, à l’instar des jeunes pousses de la Frenchtech ! Sans compter le développement de la robotique qui va nécessiter de développer de nouvelles compétences pour travailler ensemble dans une nouvelle relation « homme-machine », ce qu’on appelle la robotique collaborative (« Cobots« ). Ce nouveau paradigme va donc influer sur les aspects sociaux et inciter les entreprises à inclure dans leurs politiques RH et RSE les machines et l’intelligence artificielle.

Cyril Gatherup1

Avec l’accélération exponentielle du progrès technologique suivant la loi de Moore, le monde est devenu volatile, incertain, complexe  et ambigu (selon l’acronyme VUCA inventé par l’armée américaine). Ce concept a été créé pour déployer de nouvelles techniques ne reposant plus sur les règles d’intervention traditionnelles mais élaborées pour répondre à une situation où les adversaires sont multiples et parfois même inconnus, voire virtuels. Cela signifie que personne n’a désormais la capacité d’anticiper seul les évolutions du marché, et doit coopérer avec les autres experts pour co-créer, tester, abandonner, itérer, et finalement trouver collectivement les produits et services pertinents dans un contexte donné. De fait, les organisations restées ancrées sur le modèle du « comment », expliquant systématiquement à leurs employés comment ils doivent accomplir leurs tâches, vont petit à petit céder la place à des entreprises dont le management est fondé sur le « pourquoi ». Ces organisations « à responsabilité augmentée » demandent à leurs collaborateurs d’éclairer leurs décisions opérationnelles par la raison d’être même de l’organisation et la satisfaction systématique des clients. Cela permet de toujours se poser la question du « pourquoi je fais cela » et de son impact potentiel sur l’expérience client et sur la contribution au succès de l’entreprise.

Des ouvrages récents détaillent des exemples d’entreprises ayant adopté un management libérant : Isaac GETZ et Brian CARNEY avec « Liberté & Cie », Frédéric LALOUX qui fait référence avec « Reinventing Organizations », Brian ROBERTSON avec « La révolution Holacracy », Kazuo INAMORI avec « Amoeba Management », ainsi que Aaron DIGNAN & Adam PISONI qui ont lancé un mouvement communautaire « Responsive Organizations ».

Organisations : image du livre "Liberté & Cie"

Livre de Isaac Getz

Enfin, Stephanie LORENZO, a pu rebondir sur cette présentation pour donner un éclairage opérationnel à travers son expérience actuelle chez Orange. Stéphanie a en effet la charge d’un programme de développement de produits impliquant 250 collaborateurs, dans lequel est mis en oeuvre un projet de transformation utilisant notamment les méthodes agiles. Après avoir expliqué en quoi ces méthodes reposent sur un mode itératif, incrémental et adaptatif, nécessitant des séances courtes mais structurées de créativité collective, Stéphanie en a montré les résultats pour le moins spectaculaires : une meilleure efficience de l’équipe et une productivité individuelle décuplée. De plus, cela apporte de la reconnaissance pour des leaders naturels, acteurs du changement, qui deviennent sur-motivés. En revanche, les personnes qui ne souhaitent pas s’engager se retrouvent en situation de difficulté, car elles doivent rendre des comptes à tous les autres membres de l’équipe et non plus seulement à leur manager.

Stéphanie Gatherup 1

Ce nouveau mode de management contribue également à améliorer l’ambiance au travail, car les personnes trouvent du sens dans leurs actions, se reposent moins sur leur hiérarchie et sont donc plus responsabilisées. Néanmoins, pour arriver à ce résultat, il est parfois nécessaire de s’armer de patience, afin de prendre le temps de convaincre tout le monde. Il n’est en effet pas rare de voir des collaborateurs effrayés de prendre des responsabilités, surtout quand ils n’y ont jamais été habitués. Sans compter les managers qui voient là un risque de perte de légitimité et de pouvoir. Stéphanie a donc dû faire appel à un coach agile qui travaille désormais au sein des équipes pour les rendre plus autonomes et les emmener un jour vers l’autogestion par le biais d’une culture partagée de la réussite collective.

Pour aider les managers à prendre le changement à bras le corps plutôt qu’à le craindre, il faut les aider à s’ouvrir. Cela nécessite d’adopter une attitude de « lâcher prise » permettant de faire confiance aux collaborateurs. En effet, la complexité du digital rend impossible la maîtrise de toutes les expertises. Il faut donc se reposer sur les autres, et créer un environnement propice à la créativité, la curiosité, la confiance et la veille permanente, afin de prendre collectivement les bonnes décisions. Un ouvrage traite parfaitement du sujet : Leaders du troisième type de Gérald KARSENTI.

Leader du 3ème type de Gérald KARSENTI

Leaders du troisième type

Et que se passe t-il quand les collaborateurs et les managers sont alignés sur la raison d’être et sur la stratégie de l’entreprise ? Ils attendent un engagement fort de l’employeur dans l’application concrète des valeurs affichées par la marque. Sans cela, impossible de créer une culture d’entreprise forte, authentique et durable, permettant de fédérer l’ensemble des collaborateurs et des parties prenantes. Il est donc logique que Caroline RENOUX et Olivier CLASSIOT aient pris la suite de la conférence en abordant le thème de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et de son évolution depuis son apparition au début des années 1990.

Au début, la notion de RSE était associée à la philanthropie et séparée du monde des affaires. A l’époque, seules quelques entreprises comme Ben&Jerry (acquis par le groupe Unilever en 2000) ou The Body Shop (racheté par le groupe l’Oréal en 2006) sont convaincues qu’une entreprise peut être profitable même si sa raison d’être n’est pas le profit mais son impact positif sur le monde. Dans la décennie qui a suivi, la RSE a pris de l’ampleur au travers de l’obligation des entreprises de disposer d’une vraie politique de développement durable pour répondre notamment à la norme ISO 14001.

Aujourd’hui, la RSE devient une composante centrale de la gouvernance, prenant en compte dans la stratégie tous les aspects sociaux et environnementaux, déclinés dans la norme ISO 26000. Cette norme est un cadre pour évaluer les politiques de l’entreprise comme les pratiques  commerciales, les aspects sociaux et humains,  la satisfaction client, le respect de l’environnement, l’engagement dans la société et les droits de l’homme.

Caoline et Olivier Gatherup 1

Néanmoins, la conviction que la RSE est profitable pour l’entreprise n’est pas encore partagée par tous… Il faut donc désormais travailler sur la preuve que la RSE peut non seulement contribuer à améliorer la société, mais également à créer un effet vertueux qui bénéficiera également aux entreprises en optimisant leur résultats financiers. C’est l’enjeux de ces prochaines années.

ISO 26000

Caroline et Olivier ont témoigné du fait que les entreprises sont de plus en plus exigeantes sur les pratiques éthiques et sociales de leurs fournisseurs. Les entreprises BIRDEO créée par Caroline et DES ENJEUX ET DES HOMMES par Olivier, sont d’ailleurs certifiées B Corporations, qui est un label garantissant l’engagement authentique des entreprises dans une politique RSE.

Organisations : image du livre "The B Corp handbook"

Livre de Ryan Honeyman

Les entreprises labellisées B Corps doivent montrer pattes blanches sur leur performances sociale et environnementale, leur transparence dans la communication financière et démontrer qu’elle utilisent leur expertise comme un moyen d’avoir un impact positif sur la société.  B Corp en France, c’est avant tout une communauté de pionniers souhaitant renforcer l’exigence du principe d’entreprise « citoyenne ».

« Le mouvement B Corp est un des plus importants à ce jour, car il est fondé sur le principe que le développement économique n’a pas pour seule vocation de servir les actionnaires mais également la société toute entière » dit Rose Marcario, PDG de Patagonia. 

Comme Patagonia, des milliers d’entreprises travaillent à faire coïncider les objectifs financiers et les nouveaux enjeux de la RSE : respecter les hommes (qui représentent les clients et les employés) et préserver la planète (qui nous permet de prospérer).

Exemple d'entreprises CSR

Pour conclure cette conférence, nous avons eu le plaisir de recevoir Solenn THOMAS, qui a créé l’association Eklore, qui a pour vocation à faire éclore les talents cachés en nous, et l’honneur d’écouter une personnalité engagée, Ryadh SALLEM, champion aux Jeux Paralympiques et dirigeant fondateur de CAP SAAA, qui promeut une vision positive du handicap.

Solenn Gatherup 1 bis

Solenn a impliqué toute l’assistance dans une expérience de méditation de pleine conscience, permettant d’activer notre cerveau droit et nos émotions après avoir écouté les interventions précédentes via notre cerveau gauche.  L’objectif était de nous faire prendre conscience de notre corps, et de faire le vide pour mieux appréhender l’importance de trouver du sens dans notre vie et nos activités quotidiennes. Et faire sens, n’est-ce pas ce que nous recherchons tous aujourd’hui dans notre vie professionnelle comme dans la sphère personnelle ? Et n’est-il pas au coeur de la RSE ?

De son côté, Ryadh a expliqué en quoi le sport lui a sauvé la vie. Après avoir été hospitalisé pendant des années il a su trouver dans les défis, le travail d’équipe, la mobilisation pour une cause, la force de survivre. Il agit aujourd’hui pour différentes causes, notamment pour sensibiliser les jeunes, les professionnels et le public en général sur le handicap « pour le droit à la différence contre l’indifférence ».

« Promouvoir la mixité, c’est rendre hommage à l’humanité dans sa diversité. Tout le monde peut être touché par le handicap. Le monde que l’on construit aujourd’hui, ce n’est pas le meilleur des mondes, mais c’est un monde meilleur, tout simplement ! » dit Ryadh, qui souhaite que les entreprises prennent en compte le handicap dans leurs politiques sociales au coeur de la RSE.

Ryadh et Solenn Gatherup 1

Ryadh a également fait la promotion de la candidature de la ville de Paris aux jeux Olympiques de 2024 #Paris2024 en faisant mimer à l’assistance un signe évoquant la tour Eiffel.

Paris 2024

De nombreuses discussions ont ensuite eu lieu entre les participants autour d’un cocktail convivial.

Gatherup cocktail 1

Gatherup cocktail 2

Gatherup cocktail

Rendez-vous au prochain Gather-up à la rentrée !

Pour ceux qui souhaitent avoir accès aux supports présentés lors de la conférence voici le lien : Présentation du Gather-Up Paris –  19 juin 2017

If you want to read this article in English, please visit New organizational models, agile leadership and corporate social responsibility.