L’intelligence artificielle et la parfumerie

Intelligence artificielle en parfumerie : L’expérience et les perspectives de Julia Gemmellaro Lacoste

Julia Gemmellaro Lacoste

Dans le monde fascinant de la parfumerie, l’avènement de l’intelligence artificielle (IA) représente une révolution aussi prometteuse que controversée. Julia Gemmellaro Lacoste, parfumeuse émérite chez Aromwave, nous offre un aperçu riche et nuancé de cette nouvelle ère, à travers son expérience personnelle et sa vision professionnelle.

L’adoption de l’IA : Une évolution, pas une révolution

Julia commence par clarifier sa position vis-à-vis de l’IA : elle se positionne en faveur de cette technologie, non pas comme un substitut au talent humain, mais comme un outil d’assistance précieux. Pour elle, l’IA ne remplacera jamais le « nez » du parfumeur, cette sensibilité unique qui permet de créer des fragrances captivantes. Elle souligne que, malgré les progrès technologiques, le métier de parfumeur conserve toute sa pertinence et son importance.

Symrise et IBM : Pionniers de l’IA dans la parfumerie

Julia partage son expérience de travail sur un projet d’envergure au Brésil avec O Boticário, une initiative pionnière visant à créer le premier parfum développé avec l’aide de l’IA. Ce projet, résultat d’une collaboration entre Symrise et IBM, illustre le potentiel de l’IA à innover dans le domaine de la création olfactive. Elle décrit comment l’IA a été utilisée pour analyser des données sur les préférences des consommateurs et générer des formules de parfums qui ont ensuite été peaufinées par les parfumeurs. Cette expérience souligne la complémentarité entre l’intelligence humaine et artificielle dans le processus créatif.

Les avantages pratiques de l’IA

Au-delà de la création, Julia évoque comment l’IA facilite la conformité aux réglementations complexes de l’industrie, comme les normes de l’IFRA. Elle décrit l’IA comme un gain de temps précieux, permettant aux parfumeurs de se concentrer sur l’aspect créatif de leur travail en automatisant des tâches administratives et réglementaires fastidieuses.

L’IA et l’émotion : Une frontière indépassable ?

Malgré son enthousiasme pour l’IA, Julia met en garde contre une dépendance excessive à cette technologie. Elle insiste sur le fait que l’IA, quelle que soit son avancée, ne peut pas remplacer l’émotion et la sensibilité humaines dans la création de parfums. Les fragrances, selon elle, sont des vecteurs d’émotion et d’histoires personnelles, des aspects que l’IA ne peut pas pleinement saisir ou reproduire.

Perspectives sur la personnalisation et le marketing numérique

Julia aborde également le rôle de l’IA dans la personnalisation des parfums et les nouvelles stratégies marketing numériques. Elle reconnaît le potentiel de l’IA pour offrir des expériences sur mesure aux consommateurs, tout en exprimant ses craintes que cela puisse conduire à une standardisation des goûts et à une perte de l’authenticité créative. De plus, elle critique l’usage du marketing numérique, comme les QR codes, qui, selon elle, peuvent détourner l’attention de l’essence même du parfum.

L’impact de l’IA sur les « dupes » et la propriété intellectuelle

Julia soulève la question des « dupes » de parfums, ces imitations bon marché de fragrances célèbres, et le rôle potentiel de l’IA dans l’exacerbation de cette tendance. Elle appelle à une meilleure protection de la propriété intellectuelle dans l’industrie pour préserver l’innovation et l’intégrité des créations originales.

Conclusion : Une vision équilibrée

Julia Gemmellaro Lacoste offre une perspective équilibrée sur l’intégration de l’IA dans la parfumerie. Elle souligne l’importance de maintenir un équilibre entre l’exploitation des avantages de l’IA et la préservation de l’essence de l’art de la parfumerie : la créativité humaine, l’émotion, et la passion. Sa vision met en lumière les défis et les opportunités que représente l’IA pour les parfumeurs, tout en rappelant que l’âme des fragrances réside toujours dans le cœur et l’esprit de ceux qui les créent.