Pragmatique et les pieds sur terre, ardéchoise comme il le souligne, Arnault Thouret est le président de Healabs, une start-up pas comme les autres.
Dans le cadre de la préparation de ma thèse de MBA Spécialisé Digital Marketing & Business, option Health, sur les modèles économiques et l’adoption de la télésurveillance médicale et les DTx en France, j’ai eu l’occasion de l’interviewer pour mieux comprendre les enjeux du domaine avec un acteur historique, présent depuis 2013 dans l’aventure.
tcA 51 ans et père de 3 filles, Arnault Touret est un entrepreneur dans l’âme, ayant créé sa première entreprise à la fin de ses études à l’université de Michigan et une première expérience en conseil. C’est l’arrivée de l’internet et il propose le premier service de connexion Web aux établissements de santé, « après un séjour à l’hôpital où j’ai été stupéfait de constater qu’aucune connexion n’était disponible ». Du flaire simplement! Il créé ainsi Airmedis, puis TMM Software pour équiper les hôpitaux français en terminaux multimédia. TMM Software se lance dans la télésurveillance médicale en 2013. En automne 2022, le spin-off de la société donne naissance à Healabs, l’entité qui a repris la solution aptelecare et consacre 100% de son activité à la télésurveillance médicale. « Nous avons pris cette décision stratégique pour permettre à aptelecare de se développer de façon autonome et exploiter pleinement notre potentiel dans un marché de la télésurveillance réglementé et en expansion, avec des équipes expertes et dédiées. »
,ses aL’origine d’aptelecare – une solution créée autour de l’usage.
aptelecare est né de l’écoute attentive du besoin des clients – celui de digitaliser le suivi des patients insuffisants rénaux traités à domiciles. L’usage était là. Et étant donné que les patients insuffisants rénaux sont souvent polypathologiques, l’équipe a développé une solution de télésurveillance globale, capable de répondre à des enjeux multiples. « Notre historique nous a permis de construire une solution logicielle qui peut répondre à la grande majorité des parcours, quelle que soit la pathologie », affirme Arnault Thouret. Actuellement référencé dans le droit commun pour trois pathologies (rénale, cardiaque et respiratoire), aptelecare est également utilisé dans des études cliniques portant sur la santé mentale, le lymphœdème ou encore le cancer.
Quand on interroge Arnault Thouret sur les spécificités d’aptelecare, il souligne en premier l’expérience de 11 ans en télésurveillance. Cet historique a permis à la société de disposer aujourd’hui d’une solution mature, avec un moteur technologique extrêmement souple pour répondre à des besoins des différents parcours patient. Cet historique a permis aussi de construire une solution centrée sur l’usage et l’utilité.
Une approche centrée sur l’usage et l’utilité
L’objectif est de mettre en place des solutions qui sont complètement intégrées dans l’écosystème des professionnels de santé et simples d’utilisation pour les patients. Arnault Thouret souligne l’importance d’une approche axée sur l’utilité réelle. « L’enjeu n’est pas d’obtenir un remboursement, mais d’apporter un service utile », explique-t-il, citant le fort taux d’observance comme preuve de solutions ergonomiques et intégrées. « Parce qu’on a dû grandir en dehors de financement du programme ETAPES ou le droit commun, il était essentiel de s’assurer que nos solutions apportaient en soi l’efficience et les bénéfices cliniques et organisationnels attendus par nos clients ».
Là on touche un point qui m’intéresse particulièrement pour la rédaction de ma thèse – le business modèle.
Le rôle essentiel du programme ETAPES et de l’entrée de la télésurveillance dans le droit commun
Il y a eu un avant et un après l’expérimentation ETAPES. Lancé très tôt sur le marché et précurseur, le business modèle d’aptelecare n’était pas évident avant 2019, les clients n’étant pas prêts pour une solution payante. « Le programme ETAPES a été un catalyseur majeur, nous permettant d’avoir de la visibilité et de relancer les investissements. Nous avons affiné notre solution technique et assuré la conformité réglementaire. Cette initiative a renforcé notre engagement envers les solutions qui proposent de l’efficience organisationnelle et de vrais bénéfices cliniques pour une variété de pathologies. »
Malgré les contraintes réglementaires fortes et couteuses, l’arrivée du remboursement en France est un vrai booster positif pour toutes les sociétés du domaine. « On a un cadre réglementaire claire, qui nous permet de nous projeter et de travailler. C’est maintenant à nous, industriels, et aussi aux établissements de santé, de prendre conscience de cette chance que l’on a et de faire grandir la télésurveillance pour le bénéfice organisationnel et clinique des parcours patient. »
L’enjeu de l’adoption par les établissements de santé et les professionnels
La télésurveillance médicale est une pratique jeune, qui manque de maturité. L’adoption par les professionnels reste lente, car elle nécessite des changements organisationnels dans un système qui est déjà tendu. La montée en puissance de l’adoption nécessite du temps et des ressources, ce qui peut être compliqué pour un service au démarrage, mais ensuite l’efficience s’installe. « Dès qu’un service atteint un seuil critique autour de 200 patients télésuivis, ils ont la capacité de recruter des infirmières dédiées et exploiter tout le potentiel proposé. Les équipes pionnières bénéficient déjà d’une réelle efficience organisationnelle et d’une satisfaction accrue des patients. » Ils réfléchissent constamment à approfondir les parcours, avec de l’éducation thérapeutique, des PREMS et PROMS ou encore des questionnaires qualités.
Pour accélérer l’adoption, Healabs travaille en mode partenariat, un mot qui est revenu souvent lors de l’interview. Proposer aux établissements de santé un accompagnement dédié, les aider à mettre en place les process, bâtir un réseau de structures partenaires pour apporter des soutiens organisationnels, médicaux, infirmières ou back-office – le secret de l’adoption passe par l’intelligence collective et une équipe de confiance. L’ergonomie de la solution a aussi son rôle à jouer pour limiter le temps de formation et de mise en place.
Arnault Thouret évoque un autre facteur important qui impacte l’adoption – les habitudes dans la pratique médicale, difficiles à combattre lorsqu’on manque tu temps et du personnel. « Pour convaincre les professionnels de santé, l’enjeu est dans les études cliniques pour montrer les bénéfices pour les patients d’abord, puis pour leur structure organisationnelle ». Healabs, avec ses 9 études cliniques en cours, a compris l’importance de la preuve clinique dans la décision médicale et n’a pas hésité à investir pour l’avenir.
Nous évoquons la dynamique de l’adoption, elle est là et elle est inévitable. « Face à cette inévitabilité, l’enjeu pour un professionnel de santé serait de s’y mettre rapidement, afin de ne pas se retrouver en retard et pouvoir proposer des vrais services demain. Les établissements et les professionnels de santé doivent embrasser maintenant la télésurveillance, en prenant conscience que le financement par l’état résulte des constats des bénéfices apportés pour les patients et pour l’organisation des soins des maladies chroniques à long terme »
Ces bénéfices ne concernent pas uniquement les domaines pris en charge par le remboursement en droit commun. Des patients hors des parcours spécifiques peuvent également en profiter – par exemple, par la prévention et l’éducation thérapeutique apportée avec les outils de télésurveillance, on peut retarder la progression de la maladie et le démarrage de la dialyse pour les patients en MRC (Maladie Rénale Chronique) de stade 1, 2 et 3, ce qui est un vrai gain de qualité de vie pour les patients et peut apporter de réelles économies pour le système de santé.
Avec ses 11 ans d’expérience, Healabs reste convaincu des bénéfices que cette pratique apporte. La télésurveillance médicale est une des briques de services digitaux qui peuvent être proposées. La remontée de l’information précise permet de construire des parcours de santé individualisés, et d’aborder des thématiques essentiels autour de la pathologie, comme la nutrition, le bien-être physique et mental, fondamentaux pour la ré-éducation du patient.
Healabs, une start-up pas comme les autres
Contrairement au modèle classique de financement des start-ups par des levées de fonds, Arnault Thouret a préféré garder jusqu’à aujourd’hui un modèle familial. Financée entièrement par ses associés historiques, Healabs est aujourd’hui menée par trois associés impliqués dans l’activité quotidienne de l’entreprise.
« Cela impose d’avoir une approche constamment guidée par l’usage et l’utilité, pour proposer des services utilisés et efficients pour les établissements et les professionnels de santé. » Ainsi, Healabs a choisi de garder le cap en se focalisant sur son domaine d’expertise et sa valeur ajoutée – proposer un moteur technologique hautement performant, adossé à une conformité réglementaire de rigueur.
« Notre objectif est d’établir des partenariats stratégiques avec des experts autours de pathologies qui peuvent bénéficier des avantages cliniques et économiques de nos solutions « . Arnault Thouret cite l’exemple du projet Symphonies, financé dans le cadre de France 2030 et visant à développer des solutions innovantes pour la prise en charge du lymphœdème, en partenariat avec le laboratoire Sigvaris. D’autres collaborations sont en cours, comme avec le CHU de Bordeaux sur la dépression post-AVC.
Dans un marché en pleine expansion, Healabs compte bien rester maître de son développement et capitaliser sur sa culture entrepreneuriale « les pieds sur terre ».
Je remercie chaleureusement Arnault Thouret pour son temps et ses précieuses réflexions partagées lors de cet entretien. Les insights recueillis me seront très précieux pour l’élaboration de ma thèse. Je souhaite à Arnault Thouret et toute l’équipe de Healabs une suite remplie de succès et d’innovations.
Note méthodologique de l’usage de l’IA:
https://blog.mbadmb.com/note-methodologique-de-lusage-de-lia-interview/(ouvre un nouvel onglet)