Immersion dans la digitalisation des évènements …
« L’hybridation des évènements, c’est la solution pour profiter et tirer parti du meilleur des deux univers ! »
– Fred Conté
La crise sanitaire est à l’origine de la digitalisation de nombreux secteurs. Pour mettre en lumière comment celle-ci à transformé le secteur de l’évènementiel, je suis allée à la rencontre de Fred Conté, directeur de l’agence Smith and Josette pour qu’il nous partage son expertise sur le sujet.
En tant que professionnel des secteurs de l’évènementiel et du digital, comment avez-vous traversé la période de crise sanitaire ?
Avec du recul, notre expérience a été plutôt singulière. Mon associé et moi avons fondé notre entreprise, SMITH & JOSETTE, en avril 2020, juste au moment où le monde s’est figé. Plutôt que de rester inactifs, le confinement nous a incités à réorienter notre objectif. Au lieu de nous attarder sur des solutions conçues pour le présentiel, nous avons pivoté vers des solutions optimisées pour le distanciel. Comme beaucoup, nous avons été pris au dépourvu, face à une situation à laquelle personne n’était réellement préparé.
Aujourd’hui, je peux dire que nous avons bien vécu cette période. Nous avons tout simplement exercé notre métier, qui consiste à trouver des solutions. Notre agilité et notre capacité à nous adapter nous ont permis de rebondir. En fin de compte, il nous a fallu 8 mois pour développer notre solution phare, qui est désormais opérationnelle sur 4/5 des plus grands événements en France.
Quel aura été le constat face à la crise sanitaire et les besoins en termes de digitalisation ?
Le constat principal à ce moment-là, il existait de nombreuses solutions numériques pour la retransmission d’événements, mais qu’aucune d’entre elles ne couvrait leur intégralité. Ces solutions se limitaient davantage à diffuser occasionnellement une session ou un replay, plutôt que de proposer des plateformes capables d’assurer l’intégralité d’un événement. Il y avait donc un vide à combler à ce niveau.
Malgré l’essor des premières plateformes, les agences et les clients ont rapidement constaté qu’il manquait quelque chose. Ils étaient obligés de jongler avec plusieurs prestataires. Par exemple, certaines solutions ne permettaient pas les votes. D’autres nécessitaient plusieurs mots de passe pour naviguer entre les sessions. Ou ne proposaient pas à la fois des lives, des expositions et de la 3D.
Pour exemple, c’est notamment le problème qu’a rencontré MCI groupe, pour un de leurs événements clés « Les Journées Francophones de la Nutrition » rassemblant entre 2 500 et 3 000 personnes. Voulant maintenir l’événement malgré la crise, ils avaient besoin d’une agence pour gérer sa digitalisation.
C’est dans ce contexte que nous avons présenté notre solution, offrant plusieurs sessions simultanées dans des salles indépendantes, un retour sur plateau à la fin de chaque session avec la présence d’un animateur. Ainsi que la possibilité de réagir via le chat ou des réactions en direct. L’objectif était de répondre de manière globale à une demande sans avoir à recourir à plusieurs plateformes et prestataires.
Selon vous, quelle était la place du digital dans l’évènementiel avant la crise ? et qu’en est-il aujourd’hui ?
L’impact de la crise sanitaire a été marqué par une transition significative, passant des événements physiques à du 100% distanciel, et surtout, vers quelque chose d’inévitable à mes yeux : l’hybridation.
La crise a révélé qu’il existe des individus qui ne participaient pas aux événements physiques, et maintenant que nous avons pleinement pris conscience de leur importance, nous devrons toujours les inclure. À titre d’exemple, j’ai réalisé un congrès attirant en moyenne 2 000 participants, la digitalisation a permis d’atteindre 2 800 inscriptions, une différence loin d’être négligeable. Les entreprises ont compris que le distanciel attire un public plus large, générant ainsi des meilleurs revenus.
Auparavant, la réticence à envisager la digitalisation ou l’hybridation était liée à la crainte que moins de personnes participent. Cependant, l’expérience a montré que l’implication d’un public plus vaste est possible, soulignant l’importance de penser à ceux qui ne peuvent pas être présents physiquement.
Prenons l’exemple de La Prairie, pendant le Covid, nous avons géré la digitalisation d’un de leur événement annuel. Autrefois limité à 650 personnes en présentiel, il a réunit lors de cette édition 1 500 participants grâce à la digitalisation. Cette approche a également ouvert la porte à de nouvelles expériences, comme la visite en 3D de nouveaux magasins, une expérience impossible en présentiel.
Cette évolution montre que nous pouvons mobiliser davantage de personnes, y compris à l’échelle internationale, en abandonnant l’idée qu’il est nécessaire de réunir tout le monde physiquement, tout en intégrant parfaitement ceux qui sont à distance.
La digitalisation aura permis l’essor de nouveaux formats, quelle aura été la principale prise de conscience autour de ces changements et leurs bénéfices ?
Le COVID aura vraiment permis une prise de conscience autour de ce sujet. Il est essentiel de penser aux personnes qui ne peuvent pas participer physiquement, qu’il s’agisse de personnes en situation de handicap, souffrant de phobies sociales, ou confrontées à des contraintes financières. Le COVID a montré que l’exclusion n’était pas synonyme de désintérêt. Des situations personnelles, comme manquer une convention à cause d’un autre engagement, soulignent la nécessité de connecter tout le monde. La virtualité offre une inclusion facilitée, même partiellement, permettant à chacun de participer et de se sentir impliqué.
J’ai aussi un autre exemple avec La Prairie, pendant leurs conventions ils s’adressent à une population internationale et c’est toujours compliqué d’impliquer tout le monde car ils ne maîtrisent pas tous l’anglais. Lors d’un événement digital que nous avons fait pour eux, on a mis en place dans le chat une solution de traduction instantanée dans la langue de leur choix. Il y en avait par exemple qui ne parlait que le Farsi, en présentiel, faire venir un traducteur juste pour eux n’est pas rentable. Avec cette solution de traduction personne n’était exclu. On a très vite pu observer une grande différence dans le chat, il y avait beaucoup plus d’interactions que d’habitude, chacun pouvait s’exprimer et dire ce qu’il voulait tout en se faisant comprendre par l’ensemble des participants. Le distanciel c’est aussi un moyen de faciliter la vie des personnes à distance
Il faut prendre conscience de la richesse du numérique, des opportunités qu’il offre. Il y a tellement de possibilités novatrices à exploiter à travers de nouveaux formats qui ne seraient pas réalisables en physique.
Le confinement a aussi révélé l’absurdité de certains déplacements pour des réunions courtes. Les réunions virtuelles offrent un moyen efficace de réaliser ces échanges sans nécessiter des déplacements physiques. Cela permet de gagner du temps, de l’argent et contribue à l’aspect environnemental en réduisant les trajets inutiles. Cette prise de conscience souligne l’importance de repenser nos habitudes professionnelles pour favoriser des pratiques plus durables et efficaces.
Beaucoup sont encore sceptiques et ont une image déshumanisante du digital, comment passer outre ces réticences ?
C’est simple, il faut multiplier les solutions qui vont permettre de créer de la transversalité entre les 2 univers. Il est facile de capter les gens, même à distance ; il faut juste arriver à les impliquer. Cela passe aussi par la sollicitation, les interactions et les commentaires en live sur le chat.
L’objectif, est vraiment de trouver un équilibre entre les deux mondes, de s’adapter et d’impliquer les deux types de population. Car c’est aussi tout à fait possible d’agir à l’inverse, c’est-à-dire exclure le présentiel et ça il ne faut pas l’oublier.
Digitaliser les événements offre vraiment de nombreuses possibilités en termes de configuration et d’animation. Il est possible de développer des concepts uniques, innovants et propres à chaque typologie d’événements. Le problème, c’est que dans l’esprit des gens, il persiste encore trop cette image de simple réunion en visio. Alors qu’on peut vraiment mettre en place des animations comme des plateaux télé par exemple, et ce, pour des coûts minimes si bien optimisés. Mais aussi proposer des solutions de réactions, de votes, des concepts de réalité virtuelle avec la 3D comme la visite de boutiques, ou encore d’expositions.
Il faut aussi penser à la dimension de gamification, c’est une méthode à cultiver fortement. Ce sont des choses auxquelles les gens ne pensent pas, mais nous, on le fait et je te garantis que ça marche. Avec le numérique, on peut quasiment tout faire, on crée de nouvelles expériences, il faut saisir les opportunités et chercher à élargir les possibilités.
Pour vous, face à ces constats l’hybridation fait partie de « l’avenir » de l’évènementiel ?
Bien sûr, à mes yeux l’hybridation c’est vraiment la solution pour profiter et tirer parti du meilleur des deux univers ! Face à tous ces changements, je pense qu’il est nécessaire, surtout pour les agences de prendre la digitalisation comme une entité à part. Par exemple, en recrutant intégrant un poste de chef de projet événement digital. Actuellement, les chefs de projet sont pris par le présentiel, c’est leur cœur de métier, le développement du distanciel passe au second plan et n’est pas du tout optimisé. C’est pour ça qu’en ayant une personne gérant cette dimension à 100% sur plusieurs projets en simultané serait vraiment le moyen idéal d’optimiser et de tirer pleinement parti des possibilités qu’offre le numérique.
En-tout-cas de notre côté, nous continuerons à développer et à optimiser des solutions digitales toujours plus innovantes pour répondre aux cahiers des charges de demain !
Curieux d’en apprendre davantage sur la mutation de ce secteur ?
Découvrez à travers cet article, l’avis d’une autre professionnelle sur la digitalisation du secteur de l’évènementiel.
Cet article, quant à lui, vous livrera deux témoignages de professionnels suite à leur « réinvention ».