Interview d’Emmanuel Vivier – IA Générative

Intelligence artificielle

IA Générative : Interview Emmanuel Vivier

L’Intelligence Artificielle Générative 

Emmanuel Vivier, expert en intelligence artificielle générative nous partage son point de vu sur l’impact de l’IA et ce, plus particulièrement dans le secteur de la communication et du marketing.

À l’ère du numérique, l’intelligence artificielle (IA) façonne progressivement les contours de notre réalité, influençant divers aspects de notre vie quotidienne, du travail à la communication, en passant par la création artistique. Au cœur de cette révolution se trouve l’intelligence artificielle générative, une branche fascinante de l’IA qui a le pouvoir de créer, d’innover et de transformer. Capable de générer du texte, des images, de la musique et bien plus encore, l’IA générative est à l’avant-garde de la créativité numérique et de l’innovation technologique. Mais quels sont exactement son impact et son potentiel ? Comment façonne-t-elle les industries créatives et quelles sont les implications éthiques de son utilisation ?

Pour répondre à ces questions brûlantes et démystifier le monde complexe de l’intelligence artificielle générative, nous avons l’honneur d’avoir une interview d’Emmanuel Vivier, un expert dans le domaine de l’IA. Avec une carrière riche et diversifiée, Emmanuel Vivier a contribué de manière significative à l’avancement de l’intelligence artificielle, et est parfaitement placé pour nous éclairer sur les enjeux, les défis et les opportunités que présente cette technologie révolutionnaire.

 

INTERVIEW: L’impact de l’IA Générative

Co-fondateur de HUB Institute & Expert en Transformation Digitale à la tête de HUB Corporate Training et de la conférence HUBFORUM (après 10 ans à la tête de l’agence Vanksen (France, Suisse, Luxembourg, USA), Emmanuel Vivier est reconnu comme l’un des experts internationaux de la transformation numérique et du marketing digital.

Depuis 24 ansil conseille de nombreuses grandes marques telles que TF1, L’Oréal, Carrefour, Orange, Chanel, P&G, Nestlé, Renault, Bouygues, PWC, Air France, Prisma, etc. dans leurs stratégies de transformation digitale et de communication 360°. Il est directeur du conseil d’administration de l’EFAP Digital Marketing & Business MBA, et intervenant pour ScPo, ESCP…

 

Emmanuel Vivier a formé plus de 10 000 cadres dans plus de 20 pays lors de plus de 1 000 conférences, formations et séminaires. Emmanuel Vivier est également le co-auteur du « Guide de la Transformation Digitale » (fiche de lecture disponible via ce lien) et du « Guide du Futur des RH et du Management« .

Emmanuel vivier expert intelligence artificielle

Karine Mancel : Comment définirais-tu l’IA Générative et l’importance qu’elle peut avoir sur les métiers de la communication et du marketing ?

Emmanuel Vivier : L’IA Générative est un sous-ensemble ou une évolution de l’intelligence artificielle et plus spécifiquement du machine learning. Il s’agit d’algorithmes basés sur des LLM, des larges languettes modèles, fondés sur de grands volumes de contenu, qu’il s’agisse d’images, de texte, de code, etc. Ces technologies ont commencé en R&D il y a 8 ans, et depuis novembre 2022, avec la publication de GPT-3.5, il y a eu un engouement pour ces outils. Ils sont capables de créer des photos, des images, des vidéos, du texte, et du code de manière pertinente et efficace. L’impact est de pouvoir accélérer certaines tâches dans le domaine du tertiaire. De grands acteurs privés et traditionnels, comme Microsoft et Adobe, investissent massivement dans ce domaine. On assiste à une nouvelle vague d’innovation autour de l’IA générative qui va toucher les logiciels, les métiers, les process du tertiaire, dont le marketing et l’innovation.

Ayant un rôle d’expert en IA Générative, comment tu décrirais ton rôle en tant que formateur pour accompagner les entreprises ?

Mon rôle en tant que formateur et consultant consiste d’abord à s’intéresser au sujet en amont pour anticiper les innovations. Il s’agit d’être en veille, d’analyser, de décrypter et de comprendre les acteurs et les innovations dans ce domaine. Ensuite, je dois relier ces innovations aux différents métiers de nos clients, comme le RH, la finance, le marketing, le copyrighting, le SEO, etc. L’objectif est de comprendre quels outils, technologies ou process doivent être revus pour supprimer, accélérer certaines tâches, dans un but d’efficacité, de productivité, de rentabilité ou de créativité.

En suivant cette même logique, c’est quoi pour toi les éléments clés qui sont à intégrer dans les formations pour accompagner les professionnels dans ce domaine ?

Il y a deux choses. D’abord, une phase d’acculturation pour expliquer ce qu’est cette nouvelle vague, le principe, les enjeux, les limites et un panorama générique des outils. Ensuite, il y a une phase d’intégration de ces technologies. Après avoir compris et fait quelques ateliers pour bien comprendre les tâches de chaque métier, on arrive à aider à former ces métiers pour les aider à intégrer soit de nouvelles technologies soit des façons d’utiliser cette technologie. Cela permet de gagner du temps dans leur journée de travail, économiser du budget, faire plus de choses, ou être plus créatif.

Comment fait-on pour adapter chaque formation pour les entreprises en fonction de leurs besoins ?

On commence par la culture, et on a défini des formats qui fonctionnent pour tout le monde, car on connaît nos clients et leurs besoins de départ. Ensuite, soit on fait des formations segmentées par métier de manière générique, soit on adapte la formation pour un client spécifique, comme Chanel ou La Poste. Dans ce cas, on fait un travail d’atelier et de diagnostic pour comprendre leurs usages existants et les comparer aux solutions que nous avons identifiées. Ensuite, on sélectionne les bons outils et les bons process et les forme à ces nouveaux outils pour gagner en expertise. Cependant, comme on est sur un sujet qui n’est pas mature, on doit continuer à veiller, à benchmarker de nouveaux outils et à mettre à jour les gens régulièrement, tous les trois ou six mois, pour les aider à maîtriser les nouvelles fonctionnalités, détecter de nouveaux outils ou peut-être résoudre de nouvelles tâches qui n’étaient pas possibles au début.

Quels sont, disons, les principaux défis auxquels tu es confronté lors des formations, soit pour vendre des formations à des entreprises?

Pour les vendre, c’est déjà que les gens sachent que ce sujet existe ou comprennent que ce sujet les impacts parce que s’ils ne sont pas du tout au courant, ils ne vont pas venir te chercher. Ensuite, il faut que moi-même je sois visible et légitime sur ce sujet, car après, ils ont entendu parler de cela, mais ils ne me connaissent pas ou ne savent pas que j’ai une offre. Et puis, après, peut-être qu’ils pensent que je ne suis pas crédible. Donc il faut de la visibilité, de l’awareness et de la légitimité, avoir des références idéalement. Et après, une fois qu’on travaille avec eux, c’est de réussir à comprendre le niveau de l’audience, si elle est homogène ou hétérogène, et les types de tâches ou de métiers qu’ils ont pour essayer de raconter l’IA générative et leur donner des tuyaux qui soient le plus pertinent possible pour leur activité, ou dans leur langage à eux, sans arriver avec un truc artificiellement collé où ils ne voient pas le rapport avec leur business.

Est-ce que tu vois aussi des défis auxquels tu peux être confronté durant les formations, par exemple des participants qui sont réticents ou des choses comme ça ?

Oui, il y a une curiosité et une appréhension. La curiosité, car l’interface de chat GPT ne fait pas peur, c’est un chat, donc ça ne me paraît pas insurmontable de poser une question. Après bien prompter, c’est autre chose, mais le premier pas n’est pas dur. Après, les gens se posent aussi des questions sur le futur de leur job. Ensuite, tu as une ou deux questions sur la créativité. Et c’est un peu comme si tu faisais l’imprimerie ou Photoshop, ça paraît la créativité, en fait. Mais si tu es créatif, c’est mieux. Et après, tu as aussi des questions sur les deep fake, la manipulation de l’information, le plagiat. Et puis, beaucoup de questions sur l’impact sur les jobs, tu vois, est-ce que ça va supprimer les emplois ? Et puis une dernière question sur la Sustanability, est-ce que ça consomme beaucoup d’énergie ou pas? A priori pas beaucoup plus qu’une recherche Google, si ce n’est que l’entraînement des fondations de modèles lui consomme pas mal d’énergie avec des milliers de centaines d’ordinateurs pendant des dizaines de semaines.

Quels sont les principaux avantages que tu as pu observer chez les personnes qui ont intégré, du coup, à leur travail, par exemple, toi dans ton équipe ou partout ?

Très clairement, c’est un gain de temps. Ça permet d’économiser du temps sur des tâches qui étaient chronophages, comme la création de contenu, c’est plus rapide. Ça peut aussi être un assistant dans le sens où il y a des tâches, comme le brainstorming, qui sont compliquées. Parfois, avoir un « sparring partner » pour faire relire un texte ou explorer plus de pistes créatives avec un coût bien moindre est avantageux. Même pour les agences, c’est bénéfique car elles peuvent venir avec plus de propositions aux clients en amont avant la création finale pour mieux comprendre son besoin. Il y a vraiment tout un tas de choses où on va pouvoir gagner du temps. Par exemple, Claudine va gagner 55% du temps, et on va surtout pouvoir débloquer la partie des tâches qui ne sont pas toujours les plus intéressantes. Comme le détourage sur Photoshop, ce n’est pas la partie la plus intéressante de l’écriture, donc pouvoir le faire avec Firefly, c’est agréable. De même, débloquer son code avec GitHub Copilot, c’est très pratique. Être bloqué sur un bug n’est pas la partie la plus fun du codage, donc ces outils peuvent vraiment aider.

Comment tu penses que la technologie générative pourrait ou va redéfinir vraiment les rôles et les responsabilités dans tous ces domaines là ?

Elle dit enfin, la technologie générative n’existe pas enfin, dans le sens où c’est pas une personne ou un logiciel, c’est une vague d’innovation concurrente mais qui s’auto-inspire les unes et les autres. Les outils génératifs n’ont pas de conscience, ils n’ont pas de volonté. C’est l’industrie au global du tertiaire, du business, de l’informatique qui va livrer ces technologies et certainement essayer de voir comment l’appliquer à tout un tas de métiers. Mais ça ne fait pas tout non plus, il y a d’autres choses, ce n’est pas la solution magique pour tout.

Par exemple, si tu veux faire de la prédiction, ce n’est pas la technologie générative que tu vas utiliser. La technologie générative est plutôt là pour créer, pour personnaliser du contenu. Les acteurs du logiciel actuel, les start-ups, les grands groupes, vont tous se poser la question de comment l’appliquer à une partie des tâches existantes. Certains vont trouver de meilleures idées que d’autres, certains vont développer de meilleures solutions, certaines en Open Source, certaines sur étagère.

Donc à chacun de comprendre le sujet au plus vite, de faire des tests, d’identifier des ajustements et de transformer d’aller trouver les gains de productivité le plus rapidement possible. Cela doit se faire en accompagnant ses collaborateurs et décideurs pour qu’ils ne paniquent pas et qu’ils arrivent à saisir les opportunités. Le bénéfice est clair, c’est que tout le monde puisse gagner du temps. Donc a priori, les directions et les équipes sont plutôt preneuses.

Au niveau vraiment du rôle de chacun, ça reste à le rôle et la responsabilité pour toi reste à chaque travailleur, à chaque humain en soi ?

Non, la responsabilité est d’abord aux entreprises. Elles doivent réfléchir à mettre en place des moyens de veille, de test, d’innovation, de signer des accords avec des partenaires comme Microsoft, d’investir du budget. Maintenant, l’entreprise toute seule ne pourra pas tout faire, et elle cherche à améliorer la productivité de son business.

Il incombe aussi à chaque travailleur de tester les outils gratuits, de voir si des choses comme Copilot font sens pour eux, et de s’y mettre rapidement. Là, c’est plus en termes d’employabilité personnelle. C’est comme avec l’électricité ou l’informatique – tu t’y mets ou tu ne t’y mets pas, c’est libre à toi, mais après, il ne faut pas se plaindre. Si dans deux, trois, quatre ans, il y a des gens qui savent maîtriser cet outil et d’autres pas, il y aura forcément une énorme différence en termes de ton employabilité si tu sais maîtriser les outils que les entreprises recherchent.

Comment tu vois évoluer un peu la demande de formation du coup depuis novembre 2022 ?

Et bien, on a vu d’énormes vagues et une énorme accélération comme on n’avait pas vu depuis des années avec quasiment plus de 50 formations en quatre mois là. Avril, mai, juin, juillet, il y a eu une accélération de la prise de conscience d’abord de décideurs qui, une fois convaincus du pourquoi, se posent ensuite la question du comment. Ça se traduit par à la fois un chantier IT pour sélectionner les outils, faire des POC (Proof Of Concept) et, en parallèle, commencer à former peut-être des dirigeants et d’ailleurs, il y a des rôles comme « digital champion » ou « générateur de champions ». Ensuite, une fois que les outils ont été un peu plus mûris et sélectionnés, on forme définitivement les gens sur ces outils-là.

Quels conseils tu donnerais par exemple à une entreprise qui a envie d’adopter et de former ses collaborateurs sur ces outils, mais qui envisagerait peut-être de le faire ?

De pas trop, enfin, il vaut mieux démarrer tout de suite, même avec moins de monde. Pour moi, apprendre à nager, tu ne peux pas attendre au bord de l’eau. Il faut que tu sautes dans la piscine. Après, tu n’es pas obligé d’envoyer 100% de tes collaborateurs dans la piscine quand l’eau n’est pas à la bonne température. Tu envoies déjà les pionniers qui vont aller défricher le sujet, des gens de différents métiers qui vont réfléchir, tester, et regarder peut-être avec des outils qui ne seront pas ceux qu’on garde à long terme, mais parce qu’avant il faut déjà aller comprendre les forces et les limites de ces outils-là. Voir par rapport à des process que l’on utilise depuis des années s’il y a un vrai gain et une fois que le gain est avéré, peut-être sur un ou deux exemples, tu réfléchis comment tu fais le choix des bons outils à grande échelle. Ce n’est pas la même chose de faire un test avec 200 personnes que de déployer sur 1000 employés. Là, il y aura un rôle avec le juridique, l’IT, les achats, pour négocier un tarif avec la solution retenue. Et après, c’est une fois que tu as fait ces choix, comment tu accompagnes au maximum les collaborateurs pour qu’ils s’approprient la technologie. Sinon, le risque, c’est qu’on a acheté des outils que les gens n’utilisent pas.

Est-ce que tu as d’autres choses à rajouter un peu sur le sujet ?

En conseil, je conseillerais ce que fait La Poste là, on fait une mission d’accompagnement de deux choses. La première est de faire de la prospective, d’essayer d’anticiper sur les différents métiers des différentes Business Units quel va être l’impact de l’IA générative, les risques et les opportunités, et qu’est-ce que ça veut dire en termes d’évolution de compétences. Il ne s’agit pas de subir, mais d’anticiper. Et la deuxième chose est de former 2000 personnes, des dirigeants en passant par un certain nombre d’équipes opérationnelles métiers. Parce que finalement, cette réflexion sur quel est l’impact positif et négatif de l’IA générative, on ne peut pas juste la gérer au niveau du COMEX dans sa tour d’ivoire loin des métiers de l’opérationnel. Et je pense que le meilleur moyen que les gens n’aient pas peur, c’est de permettre à des gens motivés et volontaires de chaque BU, même s’ils ne sont pas des tops décideurs, de pouvoir tester des choses, expérimenter des choses, parce que c’est eux aussi qui pourront revenir en disant « c’est génial » ou « c’est moyen ».