Interview de Samuel Gaulay, tech-magicien et CEO de MagicTech

Samuel est le fondateur de MagicTech (start-up qui combine storytelling, technologie et magie lors de talks, conférences, happenings et animations) et de IT Social (média dédié aux enjeux tech et innovation).

 

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

Quelle est l’histoire de Magictech ? Comment est-ce qu’on devient « tech magician » ?

J’avais déjà une activité avant de lancer Magictech qui était le media ITsocial.fr : un média dédié aux nouvelles technologies, à l’innovation, à l’IT. Donc j’avais déjà une bonne culture des sujets cloud, cyber-securité, IA, digital et tech… Je suis également magicien depuis que j’ai 11 ou 12 ans. Au début, je faisais de la magie avec du digital, avec des écrans. Puis, j’ai travaillé sur des nouvelles technologies (robotique, IA, réalité augmentée…) et un jour, j’ai rencontré le directeur du lab innovation de Capgemini. On s’est revu plusieurs fois et finalement je ne les ai plus quitté. Je collabore maintenant beaucoup avec Capgemini. Je travaille avec des spécialistes de la réalité augmentée, de l’IA, de la robotique etc… On explore la technologie, on essaie de comprendre leur impact au niveau BtoB et BtoC, comment elle impacte aussi nos modes de vie, et on mélange ça dans des talks pour inspirer les gens en les surprenant avec les nouvelles technologies. 

Combien de temps mettent vos tours de tech-magie à être au point ?

On a choisit d’utiliser 6 technologies : l’intelligence artificielle, la robotique, l’impression 3D, la réalité étendue, les drones, le digital et l’IoT puis on travaille dessus pendant un ou deux ans pour comprendre leur impact au niveau BtoB sur nos entreprises et sur nos modes de vie au niveau BtoC. À partir de là, on travaille avec des partenaires dans la partie storytelling, écriture (interviews, recherche…). Ensuite, on met en scène la tech avec un partenaire technologique. On a donc travaillé sur de la réalité mixte avec Holoforge et Microsoft pour faire un show avec un Hololens 2, auquel on vient ajouter une couche de magie à la fin, qui vient sublimer la présentation en combinant la tech et la magie et en perdant le spectateur sur la limite entre la tech et le fantasme. Donc, ce n’est pas que de la magie, c’est aussi un vrai talk technologique avec une mise en scène. 

Comment va Sia ? Quelles technologies réunit-elle ?

Sia était le nom qu’on avait donné à Pepper au début pour s’amuser dans un talk (AI is magic), qui signifie “Système d’Intelligence Artificielle”. Mais elle n’est pas une vraie intelligence artificielle. On utilise cependant l’IA à plusieurs niveaux. On a développé une application qui s’appelle AI Motion avec Capgemini basée sur du computer vision, qu’on met en scène avec des techniques de magie pour faire du “mentalisme” (deviner ce que la personne pense). L’objectif est que l’audience ne sache pas où est la limite du computer vision dans cette capacité à réaliser un exploit de magie. Par exemple on demande à 4 personnes de prendre 4 objets différents que IA Motion va deviner. 

À propos d’IA, vous dites que le monde ne ressemblera pas à ce qu’on connait aujourd’hui, et que les métiers à venir émergeront autour de nos qualités humaines. 

Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre la relation entre l’homme et la machine. Pour synthétiser, la collaboration homme/machine a vraiment commencé pendant la guerre de 1939-1945, avec les sous-marins allemands qui bombardaient les navires américains qui arrivaient en Europe. Enigma cryptait les communications de ces sous-marins, et après avoir rajouté un 3e retord sur cette machine, on n’arrivait plus du tout à décrypter ces communications. On se faisait donc bombarder à cause de ça. Turing avait développé une machine qui permettait de décrypter ce code. C’est à ce moment-là qu’on a compris le potentiel qu’il pouvait y avoir entre l’homme et la machine. Donc, déjà à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, la machine est venue augmenter l’homme. 

Il y a eu une grosse accélération lors de la conquête spatiale qui se jouait entre la Russie et les US, grâce à l’informatique et les hommes qui ont laissé leur vie entre les mains de la machine, leur permettant de réaliser notre plus grand rêve de l’époque: marcher sur la Lune. 

Puis la peur que la machine se retourne contre l’homme est apparue notamment avec le film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Cette crainte s’est renforcée vers la fin des années 1990, après que l’ordinateur d’IBM, Deep Blue, ai battu Garry Kasparov aux échecs. Finalement, l’intelligence artificielle automatise des actions de l’homme, pour lesquelles sa singularité humaine, individuelle, n’est  pas sollicitée. 

Pour l’instant, les jobs automatisés ne sont pas des métiers qui ne nécessitent forcément des qualités propres à l’homme, singulières. Les métiers automatisés vont plutôt tendre vers des qualités individuelles et personnelles. C’est un peu un mal pour un bien. On peut voir qu’IBM, par exemple, a entraîné un programme d’intelligence artificielle à débattre comme les juristes. Pourtant, ces métiers d’argumentation nécessitent des qualités humaines. L’IA est meilleure qu’un médecin dans le diagnostique, et on verra que le métier de médecin ira plutôt vers un rôle d’accompagnement du patient dans l’adoption de ses traitements par exemple. La connaissance du médecin serait essentielle mais ses qualités humaines seraient plus essentielles que son diagnostique. 

Vous vous étiez intéressé à la place de la tech dans l’Éducation en échangeant avec les Directeurs des Systèmes d’Information d’HEC Paris et d’ESCP Europe.

Quel sentiment et quelle perspective d’avenir pour l’Éducation vous a procuré cet échange ?

Je trouve que dans l’Éducation il y a un retard sidérant entre la façon dont on éduque aujourd’hui et les capacités que l’on a pour mieux faire. On l’a vu pendant le confinement, les ¾ des enseignants n’étaient pas prêts du tout, et n’avaient pas pris le pendant du digital pour réinventer la transmission de connaissances. J’imagine l’école de demain avec des enseignants qui auraient un rôle de coach individuel. Il ne serait plus nécessaire que le professeur dicte la leçon ou qu’il recopie le cours au tableau. Je vois des enseignants avec une dashboard digital indiquant les progression de chaque élève et qui irait passer plus de temps avec l’élève pour l’aider à renflouer ses lacunes, en faisant de même avec tous les élèves. On enseigne aujourd’hui comme on a enseigné il y a 30 ans, 50 ans. Les méthodologies ont évolué, mais pas les outils pour augmenter le professeur. L’IA peut aider à mieux anticiper les problématiques, à mieux booster le traitement de la data, à mieux créer et diagnostiquer. Pour moi l’intelligence artificielle ne fera qu’augmenter l’homme, et pas le remplacer comme certaines personnes peuvent laisser entendre pour faire couler de l’encre. 

On aura plus de métiers qui feront appel à nos soft skills. Nous avons énormément de qualités humaines pour lesquelles nous ne sommes pas sollicités : leadership, empathie, écoute, persévérance, persuasion. Sur la cognition, en effet, l’IA fait mieux, mais de voir ça comme une guerre des intelligences ce n’est pas pour moi le bon angle de vue. Il y aura certainement une inégalité dans l’accès à l’IA, comme on peut le voir avec le vaccin entre les pays plus pauvres et les plus riches, et un retard, c’est sûr. 

Devrions-nous sensibiliser les enfants aux nouvelles technologies dès l’école ?

Définitivement. Cela fait partie du retard dont je parlais. C’est évident que ces technologies-là transforment nos modes de vie et seront à la base de nos emplois. J’ai des enfants et j’interviens chaque année dans leur école pour leur faire un petit atelier de magictech

Comment préparez-vous vos enfants aux enjeux que nous apportent les nouvelles technologies ?

Ils ont toujours un peu baigné dedans : à la maison j’ai un Nao (le robot humanoïde), une imprimante 3D et des Hololens par exemple. Après ce n’est pas une obligation, mais je pense que c’est bien de comprendre ces sujets-là pour savoir si on veut faire un métier en rapport au digital plus tard. C’est bien de leur amener une culture du digital assez tôt selon moi.

Quelle est votre définition de l’intelligence ?

L’intelligence selon moi c’est la capacité a résoudre une problématique, et cette intelligence elle peut avoir plusieurs formes en fonction de la problématique. La débrouillardise, par exemple, est aussi une forme d’intelligence.  

Camille Goirand

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

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