La galerie d’art et le phygital

La galerie d’art a longtemps été considérée comme un lieu réservé et intime dans lequel les non-initiés n’osaient pas se rendre. Dans la liste non-exhaustive des arguments avancés, on entendait souvent « Je ne me sens pas très à l’aise », « Je trouve ça beau mais je ne connais pas vraiment l’artiste », « J’ai l’impression que je vais passer pour un idiot si je pose une question » … N’en déplaise, le white cube impressionne et a tendance à freiner son propre marché.

Internet a-t-il une place à tenir dans l’ouverture du marché ?

L’arrivée des stratégies digitales a certes permis de démocratiser l’art. Les professionnels et les amateurs ont maintenant accès à grand nombre d’informations en ligne : CV, portfolios d’œuvres, agendas des expositions, critiques, mises en relation avec les galeries par l’intermédiaire de marketplaces, etc. L’art devient de plus en plus accessible, principalement grâce à la mise en place de stratégies de promotion sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et Pinterest.

Le marché de l’art est très concurrentiel. Les collectionneurs avertis sont donc plus aptes à sauter le pas et à acheter en ligne si l’artiste est réputé, car ils savent que le produit est rare et la demande forte. L’achat sur image fonctionne donc dans les cas où il faut être très réactif car la production rare, on pourrait citer en exemples des grandes personnalités telles qu’Anish Kapoor, Jeff Koons, Damien Hirst, Kaws… Dans ce cas, Internet fluidifie les échanges donc la décision d’achat. Mais encore une fois, cet achat n’aura pas lieu sur une plateforme de vente en ligne, la transformation aura lieu par une démarche d’e-mailing ultra-personnalisé, une relation de confiance avec un marchand. Une sorte d’antichambre du web à laquelle seuls les collectionneurs déjà connus auront accès.

Cependant les galeries peinent à digitaliser leur espace d’exposition et à y intégrer leur contenu digital. De fait, la plus-value de la visite est parfois amoindrie par le manque de moyens techniques et d’informations mis à disposition des visiteurs sur place, qui eux se sentent frustrés de ne pouvoir accéder et consulter qu’un quantième des sources online.

Une démarche à laquelle il faut réfléchir pour inciter les nouveaux followers à pousser les portes des galeries et à acheter de l’art.

Contrairement aux produits de consommation courante, les amateurs d’art se font d’avantage séduire par une pièce quand ils peuvent l’observer. La décision d’achat est avant tout basée sur une valeur émotionnelle, déclenchée au regard de l’œuvre. La conversion d’achat en ligne est donc encore limitée, plus particulièrement sur les pièces évaluées à plus de $5000. C’est d’ailleurs pour cette raison que les espaces d’exposition, galeries et foires, sont encore garantes de la stabilité du marché.

Le recrutement de nouveaux clients

La galerie est toujours à la recherche de nouveaux prospects. Ces collectionneurs novices vivent alors une toute autre expérience d’achat, davantage basé sur les pratiques du commerce digital avec toutes les informations auxquelles ils pourraient avoir accès s’ils achetaient en e-commerce.

C’est notamment pour ce segment que le virage digital ne doit pas être pris à la légère, car ils souhaiteront :

  • Voir l’œuvre en vrai
  • Consulter un contenu enrichi sur l’artiste à la galerie
  • S’assurer de l’authenticité
  • Avoir connaissance des coûts logistiques (transport, installation…)

Dans son article « Le phygital, qu’est-ce que c’est ? » posté en juillet dernier sur le blog, Dominique Yvelin explique l’intérêt de faire converger l’offline avec l’online, et mentionne très justement que si « les consommateurs consomment de plus en plus en ligne, ce n’est pas pour autant qu’ils délaissent le point de vente physique : le point de vente reste encore un lieu d’achat important où 82% des décisions d’achat y sont encore prises. » Il est donc important de mettre en place une stratégie marketing globale pour « augmenter » l’expérience client en magasin.

Cette notion est d’autant plus importante dans le marché des biens culturels. Comme le souligne l’Hiscox dans l’Online Art Trade Report 2017 : « La conversion des acheteurs en ligne a marqué le pas pour la troisième année consécutive, ce qui laisse à penser que le marché de l’art en ligne pourrait peiner à convaincre un nombre suffisant d’acheteurs hésitants ». Même si on évoque souvent le terme d’achat passion, les prix du marché tendent à appeler les nouveaux prospects à la raison.

Bien que la force de vente soit importante, de plus en plus d’intéressés souhaitent pouvoir parcourir l’exposition à leur propre rythme et avoir un certain libre-arbitre comme ils le feraient au quotidien. La mise en place d’un dispositif omnicanal trouve alors ici tout son sens.

Quels leviers pourraient être dans un premier temps amorcés ?

Le phygital est avant toute chose la création d’un réel parcours client et d’un service client très personnalisé et optimisé. L’art est un marché de luxe, les clients veulent donc vivre en galerie l’expérience corrélée.

On ne rappelle plus la nécessité de créer une base CRM. Nombreuses sont encore les entités à n’avoir déployé ces infrastructures. La gestion des stocks, la relation client, les logiciels d’archivage… sont encore segmentés, et l’analyse des datas peu exploitée.

Quelle que soit leur taille, les galeries doivent absolument se munir d’un tel dispositif pour pouvoir répondre favorablement aux attentes de leur clients, qui vont considérablement se modifier dans les années à venir. Notamment car ces derniers ne supporteront plus de se déplacer pour rien.

Petit à petit l’oiseau fait son nid. Oui, mais alors on commence par quoi?

  • Prise de rendez-vous en ligne

L’ère digitale a permis d’optimiser le temps, à tel point que le consommateur a de moins en moins le temps et surtout attribue de moins en moins de temps. Toutes ses démarches doivent être fluidifiées et actées, notamment s’il prend le temps de se déplacer personnellement. L’attente « en magasin » est de moins en moins tolérée, le collectionneur aura l’impression d’être bafoué et non reconnu à sa juste valeur. De la même manière, il ne patientera pas pour avoir un rendez-vous. Si vous le rappelez dans quelques jours, sa décision d’achat pourra s’être partiellement estompée.

Ainsi mettre à disposition une interface de rendez-vous en ligne, sur laquelle il pourra consulter les différents créneaux horaires et choisir celui qui lui convient le mieux pourrait être un levier favorisant sa venue, et potentiellement son achat.

  • Présélection en ligne pour présentation en showroom

Les mouvements des œuvres d’art demandent une logistique particulière. Quand un collectionneur se présente spontanément en galerie, il est rare d’avoir en présentation toutes les œuvres qu’il a repéré. Certaines pièces sont parfois dans des stockages extérieurs.

Afin de favoriser la vente, l’option de présélection en ligne pourrait permettre à la galerie de mettre tous les moyens en place pour satisfaire la venue de son client.

  • E-réservation

Un collectionneur peut mettre « une option » sur l’œuvre, c’est-à-dire qu’il réserve l’œuvre pendant un certain délai. Cette pratique est courante mais requiert encore la venue du collectionneur, la rédaction d’un e-mail ou un appel téléphonique.

Avec la rapidité des échanges actuels, le fait de développer une plateforme CRM permettant la mise en option d’une œuvre par l’intermédiaire d’un clic semble devenir progressivement une obligation.

Il est possible de penser à une mise en option quelques jours seulement à l’instar des réservations pour des billets d’avion où la demande est forte. Avec la mise en place d’emailing personnalisé de relance  pour permet de fluidifier l’échange entre la galerie et le collectionneur, et d’aboutir plus rapidement à la concrétisation de la vente ou à la remise de l’œuvre sur le marché.