Entretien avec un professionnel du digital : à la découverte des métiers de demain

 » 80% des métiers de 2030 n’existent pas encore « 

Voici la dernière déclaration de Pole Emploi à propos de l’avenir de nos métiers. De quoi rassurer ou au contraire, inquiéter nombre de futurs travailleurs en France.

Nombre de métiers liés au digital ne sont pas encore apparus, nos compétences et nos envies changent. Il y aura toujours de nombreuses opportunités à saisir à l’avenir, peut-être tomberez vous sur le métier de vos rêves dans quelques années ?

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

 En attendant de le trouver, je vous propose aujourd’hui un entretien que j’ai eu avec une professionnelle du digital dans le cadre de ma thèse   » Comment les réseaux sociaux ont changés à jamais l’industrie musicale « . 

J’ai interviewé Elénore Karoutchi, qui occupe justement un poste récent apparu grace à la digitalisation du milieu de la musique : Brand Manager, chez Warner Music Group.

Brand Manager ? Qu’est-ce que c’est ?

Nouveau métier apparu grace au digital, le Brand Manager, ou Responsable marketing de marque, a pour mission de développer l’image de la marque sur internet et les réseaux sociaux. Un métier récent, mais promis à un beau développement dans le futur !

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

En quoi ça consiste ?

Le Brand Manager est un professionnel de son entreprise, en charge de développer sa notoriété et ses produits sur internet.

Il gère ainsi donc tous les aspects de la « stratégique de marque » :

  • Analyse du marché (benchmark) : la concurrence, l’attente du public…
  • la conception de plan marketing : canaux de diffusion, cible, ton…
  • élaboration des plannings, gestion des budgets, suivi et reporting (kpi) des campagnes, coordination des équipes…

Le Brand Manager est d’abord quelqu’un de polyvalent, d’organisé, qui possède de fortes connaissances en marketing, en communication, en digital et en techniques de commercialisation. Et surtout, maitriser l’anglais est pratiquement obligatoire !

Pour pouvoir prétendre à ce métier, avoir un diplome d’école d’ingénieur, d’école de commerce ou d’école de communication est vivement conseillé.

L’entretien avec un professionnel

Pour pouvoir accéder à ce poste, je me suis intéressé au parcours qu’à fait Eléonore.

Elle a effectuée une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) avant d’intégrer l’Ecole de Management de Grenoble, tout en ayant effectué un échange à l’étranger à la Copenhagen Business School.

S’en suivit plusieurs expériences dans le milieu de la musique tel que la gestion d’un label de musique étudiant, ainsi que la réalisation de la comédie musicale de son école.

Ensuite, elle effectuera de nombreux stages dans des labels musicaux comme Roven Records, ou bien des agences de distributions comme Believe. Avant de travailler chez M6 en tant qu’assistante Cheffe de projet marketing, puis Marketing Assistant chez Warner Music et International Project Manager chez Universal pendant 1 an et demi, pour enfin revenir chez Warner pour devenir Brand Manager.

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

S’en suivit ensuite un échange basé sur la digitalisation du milieu de la musique, plus particulièrement sur l’indépendance des artistes à l’ère des réseaux sociaux et leur rapport aux labels. Un entretien très important au vu de ma thèse portant sur le même sujet.

  • Pour toi, est-il encore possible de monter dans la musique sans passer par les réseaux sociaux ?

Je pense qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux sont partie intégrante de notre société et à fortiori de la musique. Je pense qu’il est très dur pour un artiste de ne pas les utiliser. Je peux comprendre la réticence de certains à vouloir y être présent (et par présent j’entends poster régulièrement et interagir avec son audience) mais aujourd’hui pour moi c’est indispensable. Après je pense que le mieux n’est pas d’exiger d’un artiste qu’il soit sur telle ou telle plate-forme – meme si l’idéal est d’être présent sur un peu toutes – mais de le.a laisser s’exprimer la ou il/elle se sent le plus a l’aise et où une audience peut se transformer en communauté.

  • Penses-tu que les tendances et les algorithmes des RS nuisent à la créativité des artistes ? Sont-ils devenus dépendants de ces nouveaux outils ?

Pour les tendances, typiquement dernièrement celle des « sped up »  versions, qu’on peut voir sur Tik Tok et qui sont souvent utilisées dans des contenus viraux, nuit au côté artistique d’une œuvre…mais pas forcément à la créativité des artistes. Au contraire je pense que ça les pousse à dépasser leur zone de confort et d’aller plus loin dans leur créativité (d’être des artistes quoi !). Et puis faire plusieurs versions de son titre incite à aller découvrir la version originale. Et en plus, en agrégeant ces différentes versions on augmente les streams, donc c’est tout bénéf !

Pour ce qui est des algorithmes, la aussi je pense que c’est tout le contraire : en général une audience est ciblée par des contenus avec lesquels elle peut interagir/des contenus similaires. Des artistes peuvent donc être découverts ainsi tout en laissant exprimer leur créativité comme ils le souhaitent !

  • L’indépendance des artistes offerte par des plateformes comme SoundCloud ou YouTube marque t-elle la fin des labels et des maisons de disques ?

Je pense que c’est une question qui ne cessera de revenir dans l’industrie (rigole). Car on voit très bien comment des artistes aujourd’hui peuvent percer « tous seuls». Alors oui ça peut poser la question de la légitimité des labels aujourd’hui. Perso, je pense que les labels ont toujours une place prépondérante dans la vie des artistes, notamment pour les développements de carrière. Je m’explique : mettre en ligne ses titres sur des plateformes, c’est « facile » : on clique sur un bouton pour qu’ils se retrouvent sur n’importe où (je simplifie). Créer sa communauté sur les réseaux demande du temps mais globalement, quand gérés par des artistes, ils font ressortir l’authenticité de ceux ci et donc créer une forte empathie (d’où la naissance d’une fan base).

Mais ça ne va pas plus loin. Ce n’est pas l’artiste qui va parler aux plateformes pour pousser ses titres et obtenir des playlists, pareil pour la radio (quand ça s’applique) et les médias de manière générale.

De même, un artiste a beau être créatif, il n’a pas forcément le temps de penser à une stratégie marketing et de contenus sur une période donnée. C’est en ça que le rôle des labels reste essentiel : la confiance que les artistes leur accordent afin de développer au mieux leur carrière. Et cela passe par le travail d’« experts » réalisé autour de l’artiste et de son projet (retroplanning, stratégie marketing et promo) et par la notoriété que chaque label/maison de disque possède qui, on ne va pas se mentir, aide grandement un artiste à obtenir plus de visibilité.

 

  • Tik Tok est elle, selon toi, une application bénéfique ou dangereuse pour l’industrie musicale ?

Je dirais un peu des deux (rigole). Bénéfique car elle a permis l’émergence de beaucoup d’artistes, que ce soit de par des contenus où les artistes chantent/se mettent en scène ou pour la viralité d’un son utilisé sur un type de contenus tendance.

Elle a permis de repenser un peu le métier de DA (Directeur Artistique) et d’y intégrer une partie digitale/data. Mais d’un autre côté, ça a rendu l’aspect de viralité et des chiffres (nombre de vues, clics, likes,…) plus important, ce qui fait passer la créativité de l’artiste – et donc l’affect qu’on peut lui porter – au second plan.

Je ne dirais pas que Tik Tok est dangereuse mais qu’elle a néanmoins des inconvénients qu’il faut apprendre à contourner si on veut garder un peu l’aspect « noble » et fédérateur d’un artiste, sans tomber dans la banalité et se dire « encore un artiste Tik Tok », ce qui peut être très péjoratif et par conséquent nuire au développement de carrière.

 

Merci beaucoup à Eléonore d’avoir pris le temps de répondre à mes questions !