Être créateur de contenus BtoB : Interview de Jonathan Chan

Afin de mieux comprendre le phénomène qui tourne autour de l’influence BtoB, j’ai organisé un échange avec Jonathan Chan, créateur de contenus BtoB sur Twitter et LinkedIn.
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Peux-tu décrire comment tu es devenu un influenceur et comment ton influence a évolué au fil des années ?

J’ai commencé officieusement mes activités d’influenceur en 2013 lors de mon intégration MBA MCI spécialisé dans le Marketing Digital.

A cette époque, je voulais m’intégrer dans ce secteur et donc j’appréciais de partager des informations de mes médias préférés sur Twitter. Et puis comme je me suis perfectionné tout en me perfectionnant sur la compréhension de ma communauté ainsi que sur mes compétences sur les réseaux sociaux. Mon audience a grossi pour qu’elle atteigne 100 000 abonnés cumulés sur Twitter et LinkedIn.

Mes pratiques d’influenceur ont évolué en fonction de plusieurs facteurs :

Premièrement avec un contenu de plus en plus qualitatif, j’estime que la concurrence est de plus en plus rude. Il est prouvé que le métier peut générer des revenus et donc l’exigence du contenu a évolué avec des internautes qui veulent que ce soit plus facilement consommable avec de introductions captivantes, de l’émotion et du storytelling.

Tout est dans l’art de bien concilier la forme à travers des outils pour concevoir des infographies, vidéos avec un bon storytelling et le fond en donnant de la valeur ajoutée aux contenus et avec les bonnes sources.

Deuxièmement, mes pratiques évoluent en fonction de la consommation des réseaux sociaux de mon audience.

Il y a quelques années en B2B, Twitter était le réseau roi, désormais il s’agit de LinkedIn.

Ensuite, ce n’est pas assujetti uniquement aux réseaux sociaux. J’ai remarqué que les internautes préféraient de plus en plus consommer des formats différents ce qui impliquent également que je sache les diversifier en proposant de la vidéo ou du podcast.

Troisièmement, l’expérience va me donner plus confiance en moi. J’incarne mieux mes contenus par rapport à auparavant et je n’hésite plus à exprimer mon avis (une éditorialisation plus forte) sur les sujets où je me sens à l’aise.

As-tu une préférence entre le terme “influenceur” et celui de “créateur de contenu” ? Si oui, pourquoi ?

J’ai une préférence pour le terme de créateur de contenu jusqu’à que celui-ci devienne péjoratif.

En soi, « influenceur » a été connoté négativement par de mauvaises pratiques d’un groupe de personnes notamment issu de la télé-réalité. Le fait de se revendiquer comme étant un créateur de contenu va mettre l’accent sur la création de contenu qui va attirer une audience plutôt que le contraire où l’influenceur attire une audience à travers sa personnalité.

 Être créateur de contenu, c’est dire que le savoir-faire est supérieur au savoir-être.

Avec quels types de marques travailles-tu et quel a été l’impact de ces collaborations sur ton audience et ton contenu ?

Lors des collaborations avec les marques, je leur montre que j’ai une communauté principale qui est relative à mon expertise sur les réseaux sociaux et le marketing d’influence. Puis j’ai une communauté secondaire plus large sur les sujets du digital, de la technologie, du marketing en général et dans tous les sujets du web.

Avec ces éléments connus, je collabore pour les marques en B2B, elles peuvent aller des gros acteurs digitaux américains, des entreprises françaises cotées au CAC40 aux petites startups. Il arrive aussi que je sois en partenariat avec des entreprises événementielles. Plus que l’acteur en question, je recherche d’abord des synergies dans le contenu.

L’impact des collaborations vis à vis de mon audience est relativement bien accueilli car avant tout, je fais attention aux synergies du partenariat.

Comment perçois-tu le rôle des influenceurs dans la modification des stratégies digitales des entreprises ?

Les influenceurs occupent un rôle que les entreprises n’arrivent pas maîtriser, c’est à dire de générer une communauté autour de leurs produits alors il s’avère qu’il est plus simple de la constituer à travers des influenceurs. Cela s’explique car ils sont plus authentiques et ceux-ci répondent avec leurs expériences ce qui génère un mimétisme.

Le levier de l’influence marketing va continuer à être dynamique dans le monde.

Pour les entreprises, le plus gros axe de travail est de comprendre que le marketing d’influence est d’abord un canal à construire en collaboration avec les influenceurs pour que les campagnes fonctionnent.

Il ne suffit pas de faire un brief et avec un contenu à publier comme élaboré avec les leviers d’acquisition comme le SEA ou la publicité sur les réseaux sociaux. Au contraire, le levier de l’influence se caractérise par des échanges humains et représente un levier indirect où l’influenceur doit proposer un contenu authentique qui plaît à son audience. Cela explique que les annonceurs ne doivent pas totalement prendre la main sur la stratégie et la co-construire avec les influenceurs.

Peux-tu partager des exemples concrets de campagnes d’influence marketing auxquelles tu as participé et de quelle manière elles ont influencé les entreprises concernées ?

Le premier qui me vient en tête est un carrousel réalisé pour Agorapulse sur une étude « Vidéo & Réseaux sociaux 2023 : Chiffres-clés et bonnes pratiques ».

L’objectif de la campagne était de faire télécharger le livre blanc de l’étude en question et nous avons eu un lien tracké sur les performances.

Ce que j’ai apprécié est que ce livre blanc reflétait ce que je pouvais partager naturellement pour mon audience et j’ai proposé un carrousel sur LinkedIn qui donnait les meilleures astuces et conseils pour réussir ses vidéos sur LinkedIn.

La Brigade du Web dont je fais partie est arrivé en tête des téléchargements.

Le second est pour la promotion de l’événement de Vivatech où nous avons travaillé pour La Poste et KPMG en mettant leurs innovations et startups sur Vivatech.

Un dispositif en amont a été réfléchi pour sélectionner les startups et réfléchir sur ce qui apporte au quotidien ainsi qu’un live audio pour KPMG.

J’ai eu le sentiment que nous avons pu pour Vivatech à la fois bien couvrir le salon (ce que souhaitait ma communauté) et donner satisfaction à nos marques. J’estime qu’être présent à un événement est un privilège et que nous devons donner de la visibilité à ce qui passe lors de ces événements et ne pas se cantonner à la promotion des marques.

Quels critères prend-tu en compte avant d’accepter une collaboration avec une marque ou une entreprise ?

Le premier critère est de trouver une synergie entre l’objectif de la marque ou entreprise et le contenu que je vais proposer à mon audience.

Si j’estime que les idées de contenu ne vont pas plaire à mon audience, je ne souhaite pas prendre de risques en refusant le partenariat car le plus important est de ne pas trahir ma communauté.

En tant qu’influenceur, il faut des années à construire une confiance auprès de son audience par contre elle peut se perdre en un rien de temps.

Le second critère est lié à mon éthique, j’estime qu’être influenceur est une profession qui est exposé à de la visibilité et par conséquent j’ai un devoir de responsabilité de ne pas travailler avec des marques peu éthiques, elles sont caractérisées par la localisation, leur histoire ou leur produit.

J’ai récemment refusé un partenariat avec un pays non-démocratique même si je comprends que la question est en réalité plus complexe car je sanctionne une entreprise néanmoins je ne connais pas la contribution réelle du pays à l’entreprise en question, d’où ma décision de ne pas y prendre part.

Cependant, c’est libre à chaque influenceur ou créateur de contenu de faire son choix, j’estime que j’ai le luxe de choisir ce qui n’est pas le cas pour tout le monde.

Comment évalue-tu l’authenticité et la pertinence d’une marque ou d’un produit avant de le promouvoir auprès de ton audience ?

Pour l’évaluation de la marque ou du produit, j’effectue déjà une veille sur Twitter/X, ce qui me permet de situer l’image de la marque ou du sujet donc je connais déjà la situation de l’entreprise précédemment et son image actuelle avant de choisir.

Ensuite si je ne connais pas assez bien, il est toujours intéressant d’aller recueillir un maximum d’informations sur leurs sites internet, les messages sur les réseaux sociaux mais aussi les avis récoltés.

En complément, il m’arrive d’utiliser une veille de la marque à partir des outils de Social Listening comme Talkwalker.
Un exemple concret, je peux utiliser l’analyse de sentiment qui détermine si un élément de contenu est positif, négatif ou neutre.

Concernant le produit, je crois qu’avant toute promotion, il est vital de l’essayer au moins une heure afin de comprendre les tenants et aboutissants de la solution.
Le but est de donner des conseils pertinents à son audience et de ne pas le tromper. Sur ce point, il est dommage que beaucoup d’annonceurs ne font pas cette démarche.

Quels sont les avantages et les défis auxquels vous êtes confronté en tant qu’influenceur dans le cadre des collaborations avec les entreprises ?

Les avantages sont que nous nous sentons considérés par les marques et il est bon pour la confiance en soi.

Un autre bénéfice est que nous sommes rémunérés pour faire des publications que nous sommes censés faire naturellement.

Les défis sont liés à l’immaturité du levier et l’incompréhension de la marque. J’ai déjà expliqué que les marques avaient du mal à comprendre le souhait de leur contenu et ce que propose en réalité les influenceurs.

Le second défi est propre à mon secteur qui dans le B2B qui contrairement au grand public, les décisions ne sont pas prises immédiatement et prennent un certain temps à être validé, ce qui donne des résultats plus longs qu’escomptés.

Enfin, une frustration est la possibilité d’avoir des intermédiaires entre les marques et les influenceurs, une ou plusieurs interlocuteurs peuvent s’intercaler et le souci est que parfois je ne sais pas ce qui a été vendu ou que je ne connais pas l’historique des échanges, ce qui peut mener à des incompréhensions.

Comment mesures-tu l’impact de tes recommandations sur les comportements d’achat des consommateurs et la notoriété des marques ?

Je pars sur des indicateurs basiques qui peuvent être facilement comparés sur les campagnes d’influence qui sont les impressions, les engagements comme les likes, partages ou commentaires.

Ensuite pour voir si les publications ont vraiment une résonnance auprès de mon audience, je mesure si d’autres personnes reprennent la publication naturellement, on appelle ce phénomène : les publications UGC.

Un cas concret est l’infographie sur l’algorithme LinkedIn qui a été repris plus d’une centaine de fois sur les réseaux sociaux mais aussi à travers les médias.

Quid des leads ou des demandes de contact ? Il s’agit d’un indicateur à prioriser si le client souhaite l’avoir.
La mesure de l’impact des recommandations dépend aussi de la priorisation des clients.

As-tu remarqué des changements dans les attentes des entreprises à ton égard en tant qu’influenceur au fil des années ?

Je crois qu’il y a une plus grande considération en tant que contributeur au succès de la campagne.

Comme je travaille régulièrement avec les médias, il n’existait pas allouer aux influenceurs dans la partie réservée aux médias. Désormais, chaque organisateur d’événements intègre des influenceurs dans leurs espaces.

Personnellement, il y a un changement de perception à mon égard, quand j’ai commencé les personnes étaient courtois envers moi. Maintenant, il arrive que certaines personnes soient fans de ce que je fais et montrent un enthousiasme.

Je l’ai notamment pu le sentir lors de mon annonce de démission début 2023, une grande majorité des personnes ont évoqué ce changement de statut alors que parfois je ne connaissais pas les personnes.

Selon toi, comment vois-tu l’évolution future de l’influence marketing et son impact sur les stratégies digitales des entreprises ?

Assez positivement, le marché de l’influence se structure avec plus de professionnalisation et de transparence.

Je faisais partie des personnes qui trouvaient que les influenceurs pouvaient lasser à cause notamment des affaires des personnalités de la TV-Réalité, en fait ce n’est que le côté visible de l’iceberg.

En fait, il existe beaucoup d’influenceurs qui sont passionnés par leurs secteurs. Je prends le part de l’hédonisme, les influenceurs vont produire un contenu tellement personnalisé, authentique ou bien pertinent que leur audience ne va pas tenir compte que ce soit sponsorisé.

A terme les marques vont se structurer avec de nouveaux outils, il y aura une plus grande segmentation en faveur des nano-influenceurs.

Toutefois, j’estime que les influenceurs restent un canal de visibilité et ne vont pas remplacer les journalistes ou autres experts qui effectuent un travail de recherche ou de chiffres alors que les influenceurs sont davantage doués dans la proximité envers leur audience.