Elden Ring et la culture de l’expérience

Un succès unanime...

C’est le succès de ce début d’année 2022, et un très bon prétendant au titre de GOTY (comprenez Game Of The Year) de cette année.

Elden Ring, dernier né des studios Japonais de From Software (Bloodborne, Sekiro) est un carton plein.  Bandai Namco, éditeur du jeu, a publié les résultats des ventes et le constat est sans appel : trois semaines après le lancement (lancé le 25 Février 2022), le titre s’était écoulé à pas moins de 12 millions d’exemplaires, et à 13.4 millions d’exemplaires au 31 Mars, dernier jour de l’année fiscale précédente.

Le public semble donc unanime, le jeu est un succès. A titre de comparaison, Fifa 22, jeu le plus populaire en France, avait selon Electronic Arts 9 millions de joueurs en Décembre 2021 pour une sortie au 27 Septembre 2021. Loin de dire que la formule de jeu annuel à la Fifa est dépassée, les résultats d’Elden Ring prouvent également que le public est large et sensible aux expériences différentes.

Elden ring promotionnal picture
Elden Ring, jeu de l'année?

...ou presque

Pour autant, le jeu n’est pas exempt de défaut. Très critiqué pour sa difficulté, le titre souffre également de nombreuses lacunes dans son accessibilité. L’user interface est pour ainsi dire, en dehors des menus, inexistante, ou tout du moins réduite à sa plus simple expression. Hormis les traditionnelles barres de vie, magie et endurance, une boussole et un aperçu des objets placés en raccourci, nulle information n’est disponible. Et c’est bien là une des critiques que formule contre le jeu certains développeurs.

Tweet from an Ubisoft developper
Critique twitter provenant d'un développeur d'Ubisoft

Bien que justifiées, ces critiques démontrent également d’un manque d’objectivité flagrant, et d’un manque de compréhension de l’expérience utilisateur. S’il est commun pour les open world d’inonder le joueur d’informations, Elden ring fait le pari contraire, en « perdant » le joueur dans les possibilités qui s’offrent à lui. Mais bien évidemment, le titre n’aurait pas vécu un tel succès si son seul atout était de perdre le joueur.

Elden ring, 1rst open world screen
Le 1er écran que l'on voit après l'étape du tutoriel

Un choix audacieux qui paie

Subtilement, et sans aucune interface visible, l’expérience Elden Ring s’ouvre au joueur, en s’intégrant complètement au tout premier écran qui s’offre lorsque le joueur devient libre de ses mouvements. L’objectif final, à moyen terme, à long terme, à court terme et immédiat sont tous visibles. Et c’est en cela que le jeu est un exemple de game design, un exemple d’user expérience.

Le joueur est libre de ses actions, libre d’aller où il le souhaite et d’explorer le monde ouvert, mais le design du monde oriente le joueur vers certaines actions, qui lui permettront de progresser dans le jeu. Libre, mais pas abandonné, et surtout sans être inondé d’icones, d’informations parasites qui au final sèmerait encore plus le doute dans ses choix, le joueur avance naturellement et profite d’une expérience inédite dans le monde du jeu vidéo, de celles dont devrait s’inspirer de nombreux développeurs. From Software fait le choix de la cohérence pour enrichir l’expérience du joueur: l’histoire est mystérieuse, on ne sait que ce qui est raconté par les personnages que l’on croise, les trésors sont cachés, parfois si bien qu’il faut emprunter des chemins invisibles pour les trouver, et la route à suivre n’est pas indiquée clairement au joueur.

Tous ces éléments, bien que contraire aux traditionnelles recommandations que l’on peut faire aux développeurs de jeux-vidéo, sont au final autant d’atouts participant à l’immersion du joueur dans l’entre-terre, un monde hostile où il progressera et prendra plaisir à évoluer.

Quand disruption rime avec innovation

Cela vaut concrètement pour toute expérience offerte à un client ou un utilisateur. 

L’User Interface et l’user experience sont indissociables, mais ne devraient pas s’entre limiter. Innover, sortir des sentiers battus, ce sont les choix qu’on fait Facebook, Spotify, Tinder et From Software. 

Facebook faisait le choix de laisser les utilisateurs partager leurs moment de vie avec tout un chacun, là où Tinder introduisait le swipe à gauche ou à droite pour manifester son envie ou non de rencontrer, sans nous donner la possibilité d’aborder directement les personnes qui nous intéressent. Spotify quant à eux ont littéralement supprimé le support physique de la musique, en rendant accessible des millions de titre pour le prix d’un seul disque par mois. L’expérience utilisateur s’en est retrouvé changée, révolutionnée, avec les résultats que l’on connait aujourd’hui.

Qu’il s’agisse de jeux vidéos, de produits ou de services, on peut toujours innover, même dans des secteurs où on a pris pour habitude de travailler en mode « cahier des charges ».