Dématérialisation des services publics

La dématérialisation des services publics peut simplifier l’accès aux démarches administratives pour la plupart des usagers, mais peut également causer une fracture numérique et éloigner certains citoyens de leurs services publics. Une attention particulière doit être accordée au ressenti des usagers, ainsi qu’aux politiques d’accessibilité, de médiation et de couverture numérique du territoire lors de la dématérialisation des services publics. La dématérialisation offre la possibilité d’accéder aux informations et aux démarches administratives via internet.

L’accélération de la dématérialisation

Selon une étude commandée par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), la proportion d’usagers utilisant internet pour leurs démarches administratives a augmenté de 12 points entre 2014 et 2018, même si en 2018, le guichet reste le mode d’accès privilégié (57%), suivi d’internet (36%), du téléphone (24%) et du courrier (21%). La stratégie nationale Action publique 2022 prévoit la dématérialisation en priorité des 250 procédures les plus utilisées par les particuliers et les entreprises d’ici à 2022. En octobre 2020, selon l’observatoire de la qualité des démarches en ligne, 70% de ces démarches peuvent être effectuées en ligne (dont 4% partiellement). La moitié est compatible avec les smartphones. De nouveaux services en ligne sont constamment développés tels que la plateforme « Code du travail numérique » et le service « Pre-plainte-en-ligne.gouv.fr ».

La dématérialisation est un «pharmakon»

Cependant, la dématérialisation entraîne souvent la fermeture des guichets d’accueil physique ou téléphonique. Selon le baromètre « Digital Gouv 2019 » (Soprasteria/Ipsos), 79% des Français interrogés pensent que la dématérialisation des services publics simplifie et facilite la vie des citoyens, et 69% trouvent que les services publics en ligne sont de plus en plus faciles à utiliser, mais 79% craignent que cela ne contribue à la réduction des emplois publics.

En 2019, le Défenseur des droits a considéré que la dématérialisation peut constituer un avantage pour certaines personnes en situation de précarité en améliorant l’accès aux droits (exemples du revenu de solidarité active ou de la prime d’activité). Cependant, le Défenseur alerte également les pouvoirs publics sur les risques d’une transformation numérique à « marche forcée ».

La dématérialisation croissante des services publics engendre trois types de risques : 

  • donner l’impression que l’administration se déshumanise et se distancie des citoyens ainsi que de certaines régions, favoriser une partie de la population plus aisée en matière d’internet et chercher principalement à réaliser des économies ; 
  • compliquer les démarches si la navigation sur internet n’a pas été bien conçue et s’il est difficile de contacter un agent pour obtenir de l’aide ; 
  • et enfin, éloigner encore davantage les utilisateurs ayant des difficultés à utiliser les outils numériques, car ils n’ont pas accès aux équipements, ils ont des problèmes pour les utiliser, leur région est mal desservie en matière de réseau internet ou ils ne maîtrisent pas bien la langue française.

Une fracture numérique encore forte

Seulement 32% des Français affirment ne pas rencontrer d’obstacles dans l’utilisation des services administratifs en ligne. Les autres citent : 

  • une complexité des formalités pour 25% d’entre eux (notamment les seniors, les non-diplômés et les habitants de petites communes) ; 
  • un manque de compétences en informatique et en internet pour 20% d’entre eux (notamment les seniors, les non-diplômés et les retraités) ; 
  • une complexité des procédures pour 18% d’entre eux ; 
  • et des difficultés à contacter un agent pour 18% d’entre eux.

Plus de la moitié des Français (56%) pensent que les interactions avec les administrations publiques ont changé au cours des dernières années. Selon eux, 37% les trouvent plus compliquées et 19% moins compliquées.

L’illectronisme touche 9 millions de personnes, tandis que 25 millions ont des compétences numériques fragiles. Environ 15% des personnes âgées de 15 ans ou plus n’ont pas utilisé Internet au cours de l’année et 2% sont totalement dépourvues de compétences numériques. En outre, 38% des utilisateurs d’Internet âgés de 15 ans et plus et 47,3% de la population âgée de 15 ans et plus (soit plus de 25 millions de personnes) ne maîtrisent pas au moins une compétence numérique de base, ce qui limite leur autonomie numérique.

Les personnes les plus touchées par le manque d’équipements d’accès à Internet et le manque de compétences numériques sont celles qui sont plus âgées, moins diplômées, à faible revenu, vivant seules ou en couple sans enfant, ou résidant dans les départements d’outre-mer.

En 2020, la France comptait près de 12 millions de personnes en situation de handicap, mais seulement 11% des procédures en ligne étaient accessibles. Bien que toutes les personnes en situation de handicap ne soient pas nécessairement en difficulté avec le numérique, un certain nombre d’entre elles peuvent avoir besoin de dispositifs d’accessibilité en ligne. Malheureusement, en octobre 2020, l’observatoire de la qualité des procédures en ligne a montré que seules 11% des 250 procédures étudiées étaient accessibles aux personnes atteintes de handicaps.