Assainir la publicité digitale avec la blockchain

Les investissements publicitaires dans le digital ne cessent d’augmenter, c’est ce que nous montrent les chiffres du rapport Bump sur le premier semestre 2021, la publicité digitale est en croissance de 42%.

Le display capte 46% des annonceurs, pourtant le média est confronté à plusieurs défis dont la fraude et surtout les préoccupations liées à l’utilisation des données personnelles.

La blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations décentralisée offre plusieurs caractéristiques permettant de répondre aux problèmes que rencontre le marché de la publicité digitale.

Selon le rapport de la mission d’information commune de l’Assemblée nationale, une blockchain est « un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie. »

Les limites de l’achat programmatique

Aujourd’hui, l’achat programmatique fait intervenir un nombre conséquent d’acteurs dans la chaine de valeur, c’est un marché complexe qui laisse parfois la porte ouverte à la fraude et qui rend l’évaluation des performances plus compliquée.

La montée en puissance de la publicité digitale a mis en avant ses failles. Du côté des utilisateurs, les intermédiaires captent une part toujours plus grande des revenus, les espaces publicitaires en ligne sont toujours plus nombreux et souvent au détriment de l’expérience des utilisateurs, ces derniers se munissent d’adblockers pour échapper à de la publicité considérée comme trop intrusive. Sans oublier l’inquiétude croissante liée à l’utilisation des données personnelles.

Pour les annonceurs aussi la publicité digitale a ses limites. La fraude est à l’origine de perte considérable, selon une étude Juniper Research de 2019, les pertes dû à la fraude s’élevaient à 35 milliards de dollars en 2018. La mécanique de ces fraudes consiste à détourner une part des investissements publicitaires de leur objet. Le plus souvent à l’aide de faux sites ou applications qui affichent des impressions gonflées via l’utilisation de logiciels, ou « bots ». Mais les techniques de fraude ne s’arrêtent pas là, certaines publicités ont pu être diffusées dans des pays qui n’en étaient pas la cible ou dans des encarts minuscules, voire cachées derrière des espaces publicitaires déjà exploités par d’autres annonceurs, etc.

Ces problématiques poussent le marché de la publicité numérique à revoir son modèle.

La Blockchain permet d’apporter de la transparence et de la traçabilité, chaque transaction est écrite et visible par tous dans la base de données, il est pratiquement impossible d’en supprimer ou d’en modifier des données. Le parcours de diffusion de la publicité peut donc être tracé, rendant possible de déterminer si elle a été vue et par qui. De plus, la technologie permet la mise en place de « smart contracts », ces contrats intelligents (autonomes) sont capables de s’exécuter sans l’intervention de tiers de confiance selon des conditions données.

Livre de Donald Miller "Building a Story Brand"

En plus de pouvoir offrir une visibilité sur le cheminement d’une publicité sans précédent, la blockchain permet d’imaginer des écosystèmes innovants qui rendent aux utilisateurs le contrôle et la propriété de leurs données personnelles.

Le cas du navigateur Brave et du BAT

Aujourd’hui la majorité de l’économie d’internet est basé sur des cookies ou traceurs qui permettent de tracker les utilisateurs et d’en dresser des profils exploitables. Ces fichiers textes automatiquement enregistrés par le navigateur et initialement développés pour améliorer l’expérience utilisateur ont donné vie aux « cookies tierce partie » qui permettent un ciblage publicitaire grâce au suivi de l’activité de l’internaute.

En 2016, Brendan Eich et Brian Bondy lancent Brave, un navigateur open-source privé basé sur le Chromium, dont le code source bloque les traqueurs tiers et les publicités indésirables par défaut.

L’idée est d’offrir aux utilisateurs une navigation internet non intrusive en supprimant, à l’image d’un ad blocker, l’ensemble des publicités habituellement présentes sur les sites web. Brave propose un environnement sécurisé dans lequel les cookies sont remplacés par de simple caches, permettant de protéger les données privées et de les stocker directement dans l’écosystème du navigateur, sans jamais les partager ou les vendre à de tierces parties, tout en maintenant le même niveau d’expérience utilisateur des navigateurs concurrents : sauvegarde des saisies manuelles précédentes, mots de passes et historiques de navigation.

Si les publicités intrusives sont bloquées par défaut, Brave donne cependant le choix aux utilisateurs de s’y exposer contre rémunération valorisant leur attention sous la forme de « Basic Attention Token », ou BAT, l’actif numérique du navigateur Brave, basé sur la technologie Ethereum. Ce token donne ainsi naissance à un système d’échange entre les annonceurs et leur audience basé sur le respect de l’anonymat, réinstaurant la confiance perdue après des années d’exploitation des données privées.

Le navigateur met à disposition une audience anonyme et disponible pour l’annonceur sans qu’il puisse la suivre : l’ad system de Brave choisit la meilleure publicité dans un catalogue selon les informations dont il dispose, sans les partager. L’algorithme de machine learning du navigateur permet de diffuser les bonnes publicités aux bons utilisateurs aux bons moments, ce à un niveau inatteignable par les systèmes utilisant des trackeurs tierce partie.

Lorsqu’une publicité et visionnée, l’utilisateur, Brave et le créateur du contenu reçoivent des BAT de la part de l’annonceur. L’attention pour les publicités est prise en compte uniquement dans l’onglet actif du navigateur en temps réel. La valeur d’attention de l’utilisateur est calculée en fonction du temps supplémentaire que l’utilisateur passe à interagir et des pixels affichés proportionnellement au contenu visualisé.

C’est en proportion de la valeur d’attention qu’ils créent grâce à leurs contenus que les éditeurs et créateurs peuvent être rémunérés, en plus des tips que peuvent leur accorder les utilisateurs qui le souhaitent.

Les possibilités d’utilisation de la Blockchain dans la publicité sont multiples, la technologie est en mesure d’apporter des modifications de nos usages qui impacteraient utilisateurs, annonceurs, éditeurs et intermédiaires. Son adoption à grande échelle pourrait amener à de gros changements pour les entreprises et certains acteurs, en particulier les intermédiaires qui devront sans doutes réinventer leurs approches.