La télésurveillance médicale: un levier pour la gestion des maladies chroniques

Telesurveillance-médicale

Les maladies chroniques – un enjeu de santé publique

La télésurveillance médicale gagne du terrain dans le paysage de la santé, se positionnant comme une des solutions d’avenir pour transformer le suivi et le traitement des maladies chroniques.

La gestion des maladies chroniques représente un défi majeur pour les systèmes de santé du monde entier. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) une maladie chronique est une affection de longue durée qui en règle générale évolue lentement. Environ 3000 maladies sont classées comme chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques, le diabète, l’insuffisance rénale, les maladies hépatiques, les allergies, les maladies mentales et bien d’autres. Les maladies chroniques sont responsables de 74 % des décès dans le monde, ce qui en fait la première cause de mortalité (1).

Ces données montrent que les maladies chroniques constituent un enjeu majeur de santé publique dans les pays développés, et avec le vieillissement de la population, il est devenu primordial pour les systèmes de santé de revoir les pratiques de prise en charge et accentuer les efforts de prévention. Avec l’essor des technologies numériques, la télésurveillance médicale est un des leviers identifiés pour améliorer l’efficacité des soins et l’autonomie des patients, tout un apportant de réels bénéfices cliniques et de qualité de vie.

Connaissez – vous la télésurveillance médicale?

La télésurveillance médicale fait partie des 5 pratiques de télémédecine (2) : Télésurveillance, Téléconsultation, Téléexpertise, Téléassistance et Régulation médicale. La télésurveillance est définie par la Haute Autorité de Santé comme un acte de télémédecine qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des mesures relatives à la prise en charge de ce patient (3). Elle est associée à l’utilisation d’un Dispositif Médical Numérique (DMN) qui permet l’enregistrement des données du patient, automatique ou réalisé par le patient lui-même, leur analyse, la transmission aux professionnels de santé et l’émission d’alerte si nécessaire.

Les-5-Pratiques-de-Telemedecine

L’intérêt pour la télésurveillance est croissant, tant de la part des patients qui bénéficient d’une amélioration de la gestion de leur maladie, que de la part des professionnels de santé. Les avantages de la télésurveillance pour la prise en charge des malades chroniques, la prévention et l’anticipation des dérives, l’organisation des soins, et la réduction des coûts pour le système de santé, commencent à être bien documentés, mais restent encore peu connus par la profession.

Les bénéfices de la télésurveillance médicale

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études cliniques ont été publiées, dans le but démontrer les apports de la télésurveillance dans la gestion des maladies chroniques. La plupart des preuves cliniques sont apportées dans les domaines de l’insuffisance cardiaque, respiratoire, l’oncologie ou encore le diabète.

Les études sur l’apport de la télésurveillance pour la gestion de l’insuffisance rénale sont plus récentes et leur nombre est moindre, mais dans ce domaine les bénéfices commencent également d’être bien documentés. Les méta-analyses regroupant les données se multiplient et consolident les informations existantes.

Les apports de la télésurveillance médicale peuvent être classés selon 3 axes :

  • Les paramètres cliniques et de gestion du traitement,
  • La qualité de vie du patient et sa manière de vivre avec la maladie,
  • L’organisation des soins

Concernant les bénéfices cliniques, on a pu démontrer que l’utilisation d’outils de télésurveillance et de télémédecine peut conduire à une amélioration des paramètres cliniques, une meilleure adhérence aux traitements, une réduction des hospitalisation et de la mortalité (études TIM-HF2 (4) pour l’insuffisance cardiaque ; Revue de Stevenson et al de 2022 (5) pour l’insuffisance rénale, méta-analyses de Léo et al 2020 (6) ; Zhu et al, 2000 (7)).

Du point de vue du Patient, la télésurveillance médicale conduit à une réduction de l’anxiété et du stress liés à la maladie (Yeter et al, 2020 (8)), améliore l’autonomie du patient et sa capacité de gérer sa maladie, ou encore son engagement. Ces éléments peuvent se traduire par une meilleure satisfaction du traitement et une amélioration de la qualité de vie (TIM-HF2 (4)). La télésurveillance médicale, consistant au recueil de données quantitatives et qualitative de suivi du patient et de ses paramètres biologiques, peut être aussi associée à la transmission de documents d’éducation thérapeutique et une messagerie entre le patient et le professionnel de santé. La possibilité de garder la proximité entre deux consultations de suivi, permet d’établir une meilleure communication entre le patient et l’équipe médicale, ce qui apporte de la sérénité et de la confiance en soi.

Côté organisation des soins, les études médico – économiques suggèrent une réduction du coût de prise en charge de la maladie lors que la télésurveillance est utilisée. Ces résultats positifs semblent liés à la réduction des consultations non programmées et en urgence, réduction des transports et réduction des hospitalisations (8,9).

L’optimisation du temps médical pour les équipes soignantes est souvent mise en avant quand on parle de télésurveillance. Néanmoins, une revue de l’organisation de l’activité au sein des établissements de santé est nécessaire pour bénéficier des apports de la télésurveillance sans surcharge des équipes. Dans la plupart des établissements de santé, des efforts sont encore à mettre en place pour aboutir à une organisation efficiente sur ce point. Un besoin essentiel est relevé souvent –  le manque de  formation des équipes soignantes sur les outils numériques afin de permettre une utilisation sereine et efficace.

Entrée dans le droit commun en France

La France est un des premiers pays de l’union européenne à rembourser les solutions de télésurveillance médicale qui apportent un bénéfice clinique ou améliorent l’organisation des soins.

Suite au programme ETAPES (Expérimentations de la télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé) mené de 2014 à 2021, la télésurveillance a franchi une étape majeure en France, en intégrant le système de remboursement de droit commun. Cette avancée est concrétisée par les deux décrets publiés le 30 décembre 2022. A compter du 1er juillet 2023, grâce à l’aval de la Haute Autorité de Santé et la mise en place des arrêtés d’application spécifiques, fixant les tarifs de remboursement, la télésurveillance est devenue effective pour la prise en charge de quatre pathologies : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire et le diabète. (3). Un cinquième référentiel est disponible, concernant les prothèses cardiaques implantables à visée thérapeutique, mais l’arrêté d’application se fait attendre.

En ce qui concerne le autres pathologies chroniques, telle que l’oncologie, les fournisseurs de solutions de télésurveillance peuvent déposer des dossiers pour une inscription en nom de marque.

Ces récentes évolutions législatives françaises, encadrant la télésurveillance, ouvrent la voie à l’extension potentielle de la prise en charge à d’autres maladies chroniques dans le futur, et offrent une perspective intéressante de parcours de soins innovants.

Il est important de souligner que toutes les solutions de télésurveillance, prétendant à une prise en charge, doivent disposer du statut de dispositifs médicaux marqués CE. Elles doivent également être certifiées par l’Agence du Numérique en Santé en termes de sécurité et d’interopérabilité des DMN (Dispositifs Médicaux Numériques), selon un référentiel très sérieux et exigent pour les éditeurs de logiciels. A ne pas se tromper, toute application de santé connectée ne peut pas prétendre au sésame de la prise en charge de la télésurveillance médicale, tant le cahier des charges est stricte.

Est-ce qu’on peut dire que la télésurveillance a gagné la bataille ?

Malheureusement, un long chemin reste à parcourir. L’adoption par les établissements de santé et les professionnels reste faible, voire très faible. La pénurie de professionnels de santé, la charge de travail des équipes, le manque de formations, l’organisation des soins actuels, voire l’illectronisme, peuvent être cités parmi les freins au déploiement plus large des solutions numériques existantes. Et on peut certainement ajouter un certain manque de connaissance de la télésurveillance médicale, associé à de la défiance envers le numérique en santé. Voilà pourquoi, continuer d’informer et former les équipes médicales, sur la place de la télésurveillance médicale dans le parcours de soin du patient chronique, reste important.

La télésurveillance médicale : un levier pour la gestion des maladies chroniques

L’hospitalisation à domicile émerge comme une solution incontournable face à l’augmentation alarmante des maladies chroniques, exacerbée par le vieillissement de la population et les évolutions de notre mode de vie. Dans ce contexte, la télésurveillance peut être vue comme une étape clé d’une prise en charge à domicile de qualité, assurant une gestion sereine et efficace des traitements.

À l’heure actuelle, la télésurveillance n’est pas encore pleinement intégrée au sein des établissements de santé et plusieurs obstacles doivent être surmontés, tels que la formation numérique des professionnels, l’élargissement du remboursement à d’autres pathologies chroniques, ou encore la réorganisation des pratiques médicales.

Malgré ces défis, restons optimistes: la télésurveillance, dans le contexte d’une médecine de plus en plus personnalisée, préventive et prédictive, promet de devenir indispensable dans le parcours de soin du patient.

Note méthodologique:

https://blog.mbadmb.com/note-methodologique-sur-lusage-de-lia/