Interview : Les coulisses de l’UGC avec Ivana Moreno

INTERVIEW

Les coulisses de l’UGC avec Ivana Moreno 

Depuis toujours, les réseaux sociaux regorgent d’avis spontanés des consommateurs partagés sous forme de photos, d’avis ou de vidéos, appelés UGC (User Generated Content). Ce phénomène initial, toujours présent, a aujourd’hui inspiré l’avènement de créateurs de contenu passionnés. Ces professionnels sont désormais rémunérés pour produire du contenu de qualité en adoptant le point de vue d’un consommateur fidèle à la marque avec laquelle ils collaborent.

Parmi ces professionnels se trouve Ivana Moreno (@ivanamrn), une figure incontournable de cet univers en constante mutation et depuis peu fondatrice de sa propre agence UGC : I’mGenCy. Dans cet article, nous explorerons cette évolution du contenu en ligne en compagnie d’Ivana afin de dévoiler les secrets, les défis et les perspectives d’avenir de l’UGC.

Ivana Moreno

Peux-tu décrire brièvement ton parcours en tant que créatrice de contenu UGC et influenceuse, comment tu as commencé, comment tu as eu ce déclic ?

Je suis sur les réseaux depuis que j’ai 14 ans et à cette époque, l’influence et l’UGC n’existaient pas. Je faisais des vidéos juste pour le plaisir ! Au fil du temps, ça a pris un peu d’ampleur et j’ai commencé à être un peu influenceuse. C’est à ce moment-là qu’il y a eu le début de l’influence, les premières collaborations, les premières agences. Ça va donc faire 7/8 ans que je suis dans ce monde maintenant.

Quand j’étais en agence d’influenceurs, j’ai entendu parler de l’UGC. J’étais dans une agence d’influence en tant qu’influenceuse mais j’étais aussi cheffe de projet et on m’a demandé de gérer une campagne de gifting avec Lancaster. À ce moment-là, on m’a dit “on ne veut pas que les créateurs postent sur leurs comptes, ce sera juste pour les réseaux sociaux de la marque” donc je n’ai pas trop compris au début… La personne qui gérait ça m’a dit “on appelle ça de l’UGC, même des membres de votre staff peuvent recevoir un sac en échange de faire une vidéo”. On était tous choqués que cela existe et c’est là que je me suis dit : Ok, il y a un truc à faire.

C’est là que j’ai commencé à m’y intéresser, c’était l’année dernière en début d’année et comme je faisais déjà de l’influence (micro-influence), je me suis dit que ça pouvait être intéressant pour moi d’avoir plus d’opportunités grâce à ça et c’est comme ça que je me suis lancée. Mon agence m’a alors offert plus d’opportunités et j’étais mieux rémunérée. Aujourd’hui, je n’ai pas continué les études et je me suis mis à temps plein en UGC et en influence depuis septembre que je m’y consacre à 100%.

 

Comment tu différencierais l’UGC (User Generated Content) de l’influence, et comment ces deux aspects se complètent-ils dans ton travail ?

Pour moi, la principale différence réside dans deux aspects : le script et la diffusion de la vidéo. En UGC, le script est souvent très « brandé ». En tant que créateurs UGC, nous devenons véritablement l’image de la marque. Les marques nous fournissent généralement des scripts à suivre, que nous adaptons à notre style tout en respectant les directives. Quand tu es influenceur, on te choisis en fonction de tes statistiques et de ton affinité avec la marque, ce qui te donne plus de liberté dans la création de contenu sans forcément de script imposé. Pour moi la grosse différence elle est là.

La deuxième différence notable réside dans la diffusion de la vidéo. Le contenu UGC est souvent destiné exclusivement à la marque, bien qu’il puisse être utilisé en Spark Ads mais c’est pas ça ne représente pas dutout la majorité. En revanche, le contenu d’influence est principalement destiné à la communauté de l’influenceur. Cependant, si la marque souhaite réutiliser le contenu sur ses propres réseaux sociaux, cela nécessite un budget supplémentaire.

De par mon expérience, je constate que l’UGC est bien plus contrôlé. Je suis plus attentive à ce que je dis dans mon contenu UGC qu’à ce que je partage avec ma communauté. Bien que nous ayons une certaine liberté créative, il y a souvent des previews à envoyer aux marques pour validation.

Malgré ces différences, je suis convaincue que l’UGC et l’influence ne doivent pas être opposés. Au contraire, ils devraient collaborer ensemble. J’aimerais voir davantage de micro-influenceurs s’investir dans l’UGC pour que les marques puissent à la fois bénéficier car cela bénéficierait à la fois d’une communauté engagée d’un micro-influenceur et aussi du bon contenu fait par quelqu’un qui sait bien faire pour ses réseaux.

Quels sont, selon toi, les principaux défis auxquels les marques sont confrontées lorsqu’elles intègrent l’UGC dans leur stratégie social media ?

Il y a une méconnaissance assez généralisée du sujet en France, mais c’est compréhensible étant donné que la France a souvent du retard par rapport aux États-Unis. Aux États-Unis, l’UGC est solidement ancré dans les stratégies de communication, chaque entreprise a sa propre stratégie UGC. En France, ce n’est pas encore le cas, mais les marques émergentes commencent à y accorder de l’importance. Il est important de rappeler que l’UGC désigne initialement les contenus générés par les utilisateurs eux-mêmes. Par exemple, lorsque quelqu’un identifie une marque de soins de la peau dans une publication Instagram montrant son dernier colis, c’est un exemple authentique d’UGC. Cependant, nous, les créateurs de contenu, devrions plutôt appeler cela du CGC, ou Creator Generated Content, car nous sommes rémunérés pour le faire. Cela peut parfois compromettre l’authenticité, mais en tant que professionnels, nous apportons notre expertise.

Le marché des créateurs est réel, même s’il est moins authentique que le contenu UGC traditionnel. Cependant, il est bien plus authentique que les publicités classiques maladroites avec un fond blanc et le mot « Promo » écrit dessus. Les marques pensent souvent que l’UGC est simplement ce qu’il était à ses débuts, et elles préfèrent parfois collaborer avec des influenceurs qui attirent plus de public. Mais elles ne réalisent pas toujours le potentiel de la publicité en ligne et la possibilité de créer des contenus qui peuvent devenir viraux et renforcer leur image de marque.

Je suis convaincue qu’une partie de la réticence des marques vient du manque de connaissances et d’expérience dans ce domaine. C’est pourquoi je travaille actuellement sur un projet d’accompagnement visant à enseigner aux entreprises comment mettre en place une véritable stratégie UGC. Je crois fermement qu’il y a un besoin réel dans ce domaine et que cela peut bénéficier à toutes les parties impliquées.

 

Selon toi, quelles seraient les best practices pour créer du contenu de qualité pour les marques de cosmétiques et maximiser l’impact de l’UGC sur leurs objectifs marketing et leur image de marque ?

Les avant/après ont un impact significatif car ils offrent une preuve directe. Par exemple, j’ai récemment vu une publicité pour des produits de nettoyage de WC qui montrait un avant/après impressionnant ! Étant confrontée au même problème chez moi, cela a instantanément capté mon attention. Ils ont simplement utilisé une pastille et ont démontré le résultat, et j’ai immédiatement passé commande. Avoir une preuve tangible est donc crucial pour convaincre les consommateurs.

Le storytelling est également un élément clé. Par exemple, la marque Yepoda utilise cette approche en partageant des anecdotes personnelles des utilisatrices, comme « Comment j’ai rencontré mon copain pendant que je fais ma skincare ». Ce type de narration rend l’expérience plus authentique et moins publicitaire, ce qui attire davantage l’attention.

Enfin, un bon « hook » est essentiel pour retenir l’audience. Les vidéos qui commencent par un simple « Salut à tous » sont souvent ignorées après quelques secondes. En revanche, si vous accrochez l’audience dès le début en montrant une transformation spectaculaire, par exemple une peau à problèmes devenue impeccable, cela suscite immédiatement l’intérêt et incite les spectateurs à regarder jusqu’au bout.

Ainsi, le hook, le storytelling et la preuve sont des éléments cruciaux pour créer des contenus efficaces et captivants.

 

Quelles sont selon toi les tendances à venir avec l’UGC ?

J’espère que je suis dans le bon créneau et que je vais apprendre aux entreprises à faire correctement et que ça va encore plus s’intensifier en France. J’espère qu’il y aura même de plus en plus de créateurs UGC ! Personnellement, j’aimerais voir une reconnaissance accrue du métier de créateur de contenu. Bien que je pratique également l’influence, je dois avouer que mes revenus proviennent principalement de l’UGC. Certains de mes amis sont même à 100% dédiés à cette activité. Je souhaite que ce secteur se démocratise davantage, à l’instar de ce qui s’est produit pour les influenceurs. De plus, j’aimerais que les gens arrêtent de considérer l’UGC et l’influence comme des domaines concurrents. C’est vrai que cela peut susciter des interrogations, notamment chez les influenceurs établis, mais il est important de reconnaître que ces deux métiers sont complémentaires. L’UGC offre une alternative plus abordable et ne requiert pas nécessairement une grande notoriété sur les réseaux sociaux. En somme, il est essentiel que les entreprises prennent conscience de cette demande croissante et adaptent leurs stratégies en conséquence, afin de répondre à un besoin en constante évolution.

Si tu avais une chose à dire aux marques qui hésitent encore à intégrer l’UGC dans leur stratégie ?

Je les encouragerais à approfondir leurs connaissances sur le sujet car la réalité est souvent différente de ce qu’ils imaginent. Mon message ne vise pas à dénigrer l’influence, mais plutôt à souligner l’importance de combiner les deux approches. Plutôt que d’investir une somme importante dans un influenceur, avec un retour sur investissement incertain, il serait plus judicieux de répartir les fonds entre la publicité traditionnelle et la création UGC. Cette approche permettrait d’obtenir un meilleur rendement, ce qui représente une opportunité non négligeable. À mon avis, dans quelques années, la plupart des entreprises adopteront des stratégies UGC. Les professionnels du marketing d’influence élargiront leurs compétences pour inclure l’UGC dans leurs activités. Bien que les grands groupes puissent créer des départements spécialisés dans l’UGC, je pense que cette pratique se généralisera et que les entreprises comprendront de mieux en mieux la différence et la complémentarité entre ces deux approches.

– Camille Amat 

Note méthodologique