L’amour sous algorithme

L’amour sous algorithme c’est-à-dire ? Selon une étude Ifop publiée en décembre 2020 1 français sur 3 est présent sur une application de rencontre en ligne. Un phénomène de société qui s’amplifie avec les confinements. Ceci a un impact sur nos modes de rencontres, sur notre société et nos relations. L’application la plus connue (et la plus lucrative !) est Tinder. Dans son ouvrage L’amour sous algorithme Judith Duportail analyse son fonctionnement.
Judith Duportail, « la Française qui a défié Tinder »
Journaliste française indépendante d’une trentaine d’années Judith Duportail s’interroge sur l’influence des réseaux sociaux et les relations amoureuses. Elle écrit des articles en français et en anglais pour The Guardian, Aeon, Les Inrocks, Grazia, etc. Judith collabore aussi avec des ONG de défense des droits numériques. Elle est également conférencière et enseignante. Engagée, elle a co-fondé le collectif de journalistes indépendantes et féministes les Journalopes. En 2019 elle a écrit L’amour sous algorithme (La goutte d’Or) sur le fonctionnement de Tinder. Et en Mai 2021 elle a publié Dating Fatigue (Editions de l’Observatoire) où elle s’interroge sur le couple, la rencontre et le célibat. Enfin elle est reconnue mondialement pour son expertise sur les applications de rencontre.

Tinder : passion…
L’amour sous algorithme est un documentaire-témoignage. Le récit de la vie de l’autrice se mêle à son enquête sur le fonctionnement de Tinder.
Tout commence quand elle télécharge l’application à la suite d’une rupture. Elle enchaine les « matchs » ce qui provoque un formidable boost d’ego et débouchant sur de nombreux rendez-vous. Tout au long de l’ouvrage Judith Duportail décrit des mécanismes qui rendent Tinder populaire et addictif. La « peur du râteau » est supprimée (on ne se parle qu’entre personnes a priori intéressées). Le fonctionnement de l’application est basé sur une récompense (le match) aléatoire et variable. C’est le même mécanisme que celui des machines à sous et il est aussi addictif. Nos données Spotify, Facebook, notre comportement sur l’appli (qui on matche, ce que l’on écrit, les photos que l’on utilise) sont analysés par l’algorithme pour nos proposer des profils similaires au notre.
… et désillusion
Cependant L’amour sous algorithme est bien un livre sur les failles et les défauts de Tinder. L’autrice alerte notamment sur la collecte et l’utilisation de nos données. Premièrement l’algorithme Tinder est nourri par ce qui se passe hors de l’appli (pages Facebook likées par exemple). Plus préoccupant l’ONG de défense des droits numériques Tactical Tech démontre que Tinder revend des informations sur ses utilisateurs à des entreprises qui les exploitent pour leur envoyer de la publicité privée. (En complément, article publié par Le Temps : https://www.letemps.ch/economie/une-enquete-revele-tinder-cie-siphonnent-nos-donnees ). Autre problème : l’algorithme est biaisé. Il mettrait de préférence en relation les hommes avec des femmes plus jeunes, moins diplômées et moins fortunées. Tinder contribuerait à reproduire une logique patriarcale. Enfin les utilisateurs sont notés (désirabilité, attractivité des photos, estimation du QI etc.) et présentés à des personnes d’un rang similaire. On est loin de la rencontre au hasard! Le seul moyen de dépasser les disparités algorithmiques est alors de souscrire à des options payantes.
Judith Duportail montre aussi les effets négatifs des applications sur les rencontres et les comportements. Parmi ceux-ci : évaluation sur l’apparence uniquement, objectification des individus, comportement consumériste et instauration d’un marché concurrentiel où les individus deviennent marchandises etc.
L’amour sous algorithme : on swipe à droite
Avec ses 234 pages L’amour sous algorithme est agréable à lire. L’intrigue est prenante, on se passionne pour l’enquête de la journaliste. Il est facile de s’identifier à l’héroïne. Malgré le ton léger il y a un vrai travail de recherche, avec de nombreuses références à des psychologues, sociologues, universitaires. Un excellent début pour mieux comprendre les enjeux des applications de rencontre au 21ème siècle.
Pour aller plus loin
https://www.letemps.ch/societe/lamour-algorithme-devoile-cote-obscur-tinder
Interview de Judith Duportail
https://blog.mbadmb.com/amours-solitaires-le-romantisme-a-lere-du-digital/
Article par Melvyna Deschamps du MBADMB
Sources :
IFOP – Le confinement a t-il accéléré la digitalisation des rencontres ? – Etude du 21/12/2020
Le Temps- Une enquête révèle comment Tinder & Cie siphonnent nos données – mardi 14 janvier 2020 per Anouch Seydtaghia