Interview : La digitalisation de l’hypermarché

Interview de Maxime de Guitarre gérant d’un hypermarché Leclerc

A l’occasion de ma thèse de fin d’étude au MBADMB portant sur la digitalisation du parcours client des commerces de proximité, j’ai eu la chance d’interviewer Maxime. Me baser sur un modèle tel qu’un hypermarché à été très constructif dans l’avancement de ma thèse. Un hypermarché n’est pas un commerce de proximité, mais c’est très intéressant de découvrir son fonctionnement ainsi que ses stratégies de digitalisation.

Je vous invite donc à lire cette interview pour plus d’informations :

Bonjour Maxime, pouvez vous me parler de vos missions dans votre hypermarché ?

Bonjour Eva, alors je gère un hypermarché Leclerc, je m’occupe des stocks qui proviennent de 16 centrales régionales, je négocie avec les fournisseurs et je fais aussi parti d’une coopérative régionale Leclerc. La coopérative permets aux différents acteurs de prendre des décisions stratégique sur le fonctionnement de nos magasins, de donner des idées, de s’entraider…c’est un très gros avantage car on peut s’inspirer de ce qui est fait ailleurs (dans d’autres magasins Leclerc) et en tirer avantage !


Cet hypermarché Leclerc est à 15min en voiture du centre ville et regroupe pas mal d’acteurs locaux.
Nous travaillons sous 4 grands principes :
-Etre le mieux placé niveau prix
-Participer aux groupements Leclerc
-Reversement de 25% des bénéfices aux salariés
-Assurer la qualité du service client/retrait de produit

Quels outils digitaux utilisez-vous au sein de votre enseigne ? Caisse auto, tablettes, smartphones reliés, vitrines et bornes interactives ….

Tout d’abord il y a les catalogues digitaux. Nous concevons des catalogues groupés : Il y a une 50 aine de catalogues (espace culturel, parfumerie, jardinerie…). Aujourd’hui certains Leclerc choisissent même de ne pas faire appel au catalogue papier !

Nous avons des caisses libre service, des scans achat que nous testons en ce moment même avec la carte bancaire directement enregistrée ce qui permet de ne pas passer en caisse du tout. Nous avons aussi des files d’attente électronique qui se font via l’appli Leclerc. Sur le Smartphone du client par exemple : Pour passer à la boucherie il suffit au client de prendre un ticket sur l’appli qui indique le temps d’attente, de continuer ses courses et de se rendre à la boucherie sans avoir à attendre en plus. Cela fonctionne aussi sur un écran installé à l’entrée du magasin pour les personnes qui n’ont pas l’appli ex : 5 personnes attendent avant vous, vous avec 15 min devant vous. Nous avons aussi des bornes prix pour scanner les promos, des étiquettes électroniques, des borne d’accueil pour gérer sa carte fidélité. Car nous essayons de ma dématérialisé le plus possible, maintenant les bons d’achat se font principalement via la carte de fidélité. Pareil pour le principe de la machine à pièce jaune qui applique un transfert directement sur la carte de fidélité. Nous auront bientôt un robot nommé Tali qui aura pour objectif de proposer une cartographie du magasin, proposer au client le parcours le plus adapté pour ses courses.

L’appli permet aussi de récupérer sa commande en drive. En fait, presque tout fonctionne grâce à l’application Leclerc: que ce soit la carte de fidélité, le scan achat avec contrôle de fiabilité qui créée un coefficient de contrôle aléatoire automatique ou le Drive.

A contrario de cet élan technologique nous avons aussi des principes mis en place pour les personnes moins réceptives aux nouvelles technologies :

Comme la mise en place de caisses lentes. Le client peut rester papoter avec la caissière, nous avons augmenté notre personnel par exemple avant la boulangerie était en libre service maintenant une boulangère est là pour vous accueillir. Cette stratégie nous permet d’élargir notre cible et de donner la possibilité au client pressé comme au client qui prend son temps de faire leurs courses de manière optimale et comme ils le souhaite.
Nous misons aussi beaucoup sur l’engagement et la qualification de notre personnel. Par exemple en jardinerie, rayon digital, poissonnerie ou boucherie, le client souhaite souvent des conseils et l’avis d’un professionnel.

Étant franchisés vous ne pouvez agir pleinement comme vous le souhaitez, quels peuvent être les freins à la digitalisation ? Ex : communication sur les réseaux sociaux, fournisseurs….

Nous sommes dans l’ensemble assez libre de nos choix. Par exemple pour les réseaux sociaux nous avons 3 salariés qui sont chargés de com, nous sommes sur tiktok, fb , insta. Pour répondre aux clients et montrer nos produits, les promos en respectant la charte graphique du groupe. Nous avons aussi la chance de dépendre d’une grande marque et donc d’apparaître sur le compte national qui est considérablement suivi.
Pour les fournisseurs c’est pareil, nous en avons des présélectionnés mais c’est à nous de choisir les agriculteurs locaux qui vont nous fournir.

Certains trouvent que les grandes enseignes “ prennent le travail des plus petites” que pensez-vous de cela ?

A un moment donné les gens ont besoin de se nourrir. Avec Leclerc nous parvenons à ne pas être cher grâce aux flux de livraisons, notre premier objectif c’est de donner du pouvoir d’achat à nos clients. Contrairement par exemple au fromager du coin qui est une niche.
Nous sommes aussi engagés dans la politique d’accompagnement du centre ville, nous participons aux événements de la ville et sommes dans l’association des commerçants car il ne faut pas oublier que plus la ville est développée mieux mon magasin se porte. Je ne suis absolument pas là pour « prendre » le boulot des commerces de centre ville !

Aussi, un des plus gros soucis pour les commerçants en centre ville c’est le prix des loyers, qui peuvent parfois être exorbitants…
Nous avons su nous adapter à l’évolution du commerce et proposer des loyers bien moins chers qu’en centre ville pour y accueillir des commerçants. Pour se faire nous avons fait exprès de baisser nos loyers afin d’attirer les commerçants. Nous préférons perdre du chiffre sur le loyer plutôt qu’avoir des emplacements vides qui ne rapportent rien. Le mauvais calcul des bailleurs en centre ville est donc un gros problème pour les commerçants.

Etes-vous en relation avec les autres commerçants locaux ?

Bien sûr. C’est notre politique, depuis 20 ans nous avons un approvisionnement local au maximum , poisson, viande, épicerie toujours à moins de 50 km max.

Sentez-vous une différence depuis les marketplaces ou autre plateformes digitales ? Avez vous un service de livraison ?

L’avantage d’être auprès d’une grande marque c’est que le client peut directement passer par le site Leclerc pour la livraison. C’est un système mis en place depuis longtemps et géré à l’échelle nationale ce qui nous à grandement facilité la chose.

Pour Amazon nous n’avons pas vraiment senti de différence flagrante en termes de vente (même si il y en a très certainement eu, mais les chiffres lors de la période covid sont difficiles à analyser). Par contre Amazon nous à obligé à nous bouger en termes d’exploitation des données clients et data. Pour tout ce qui est du secteur, jardinerie, déco, digital…nous sommes obligés de mettre à jour notre market place nationale. Avant les stocks n’étaient pas toujours à jour ce qui faussait le s délais de livraisons et pouvait refroidir le client.

Mais nous avons tout de même la chance d’être spécialisé dans l’alimentaire, un des seuls secteurs pour lequel Amazon n’est pas spécialisé.
Aussi, nous ne pourrons jamais rivaliser avec l’offre de produits d’Amazon mais nous proposons à l’inverse du conseil, de l’écoute et des produits locaux.

D’accord Maxime, merci pour toutes ces infos et à bientôt j’espère !

Pour aller plus loin :

Je vous invite à en découvrir d’avantage sur la grande distribution en lisant cet article très complet réalisé par Jean-Antoine Martos : Grande distribution : la guerre du physique et du numérique – LOGOS – Audit & Quality Monitoring des Services Clients (logostmk.com)

Ainsi que cette article DMB sur le retail face au covid-19, un sujet toujours d’actualité : Les adaptations du retail face au Covid-19 – MBA DMB