Intelligence Artificielle créative : perspectives juridiques en France

La définition du détenteur des droits d’auteur d’une œuvre générée à l’aide d’une IA générative suscite des débats juridiques complexes à l’échelle internationale. Dans cette guerre économique à laquelle participe entre autres la France, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Chine, les réglementations varient et s’actualisent au gré des évolutions technologiques. Les divergences et les similitudes entre ces cadres normatifs mettent en lumière les défis posés par la protection juridique des œuvres créées par des Intelligences Artificielles.

Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle, c’est quoi ? définition

La transformation digitale est charnière dans le domaine de l’innovation et de la création. Propriété intellectuelle et droit d’auteur sont plus que jamais essentiels à la bonne protection des créatifs. La confusion entre les deux termes est courante. Pourtant, juridiquement, la différence est bien là.

  • Grossièrement, la propriété intellectuelle est un outil juridique au service de la protection de l’innovation. Une entité, une entreprise ou un individu peut prétendre « à la création et au bénéfice exclusif » d’une invention ou d’une création. « La propriété intellectuelle (PI) désigne l’ensemble des droits portant sur les créations, tels que notamment les inventions, les œuvres littéraires et artistiques, les dénominations, les titres, les logos, les images, le design etc. » (1) On retrouve à l’intérieur de cet outil deux branches : la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique à laquelle se rattachent les droits d’auteur.

  • Dans le cas de création générée à l’aide d’Intelligence Artificielle générative, c’est le droit d’auteur qui nous intéresse. La définition qu’en fait l’INPI est la suivante :

« Le droit d’auteur protège les œuvres littéraires, notamment les créations graphiques, sonores ou audiovisuelles et plastiques, les créations musicales, mais aussi les logiciels, les créations de l’art appliqué, les créations de mode, etc. Les artistes-interprètes, les producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes, et les entreprises de communication audiovisuelle ont également des droits voisins du droit d’auteur. Attention : le droit d’auteur ne protège pas les idées ou les concepts. »

Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)

Les principes généraux du droit d’auteur en France et son application aux œuvres crées par ou à l’aide d’une Intelligence Artificielle générative

Le droit français protège une œuvre dès lors qu’elle est originale. Si la personnalité de l’auteur ressort de l’œuvre, celle-ci est protégeable. Alors que cette subtilité est une caractéristique pleinement humaine, comment déterminer à qui appartient une œuvre générée à l’aide d’une Intelligence Artificielle ? Qui peut en être titulaire des droits ? Appartient-elle au propriétaire du logiciel, au propriétaire de l’œuvre utilisée ou à celui qui donne l’instruction au logiciel (prompt) ?

Le propriétaire du logiciel n’étant pas à l’origine des œuvres qui se cachent derrière un prompt, la logique semble être que sa personnalité n’en découle pas sur l’œuvre créée. Il ne peut donc prétendre au droit d’auteur ou de co-auteur. Si cette option semble s’écarter facilement, reste à définir parmi les deux choix restants, qui pourrait le détenir, y compris dans les cas où la société qui gère l’Intelligence Artificielle octroie une licence mondiale et gratuite aux utilisateurs, y compris pour un usage commercial.

En France et dans l’Union Européenne, l’intervention humaine étant nécessaire pour pouvoir prétendre au droit d’auteur, il faut que le créateur ajoute de sa personnalité et dépasse la simple instruction à la machine. Par exemple, si le contenu généré sert de « base » à l’artiste, nous pourrions envisager une cotitularité de l’œuvre conçue.

Alors que l’Europe autorise depuis 2019 le « droit de fouille » sur des contenus libres de droit et sous droit d’auteur publiquement accessible, comment le titulaire des droits peut-il s’assurer que son œuvre n’a pas été utilisée dans la phase d’apprentissage d’une Intelligence Artificielle et que son opposition a été respectée ?

Vers une harmonisation des droits d’auteur au sein de l’Union Européenne et des Etats-Unis

Face à une vitesse de progression phénoménale mais incertaine, les grandes puissances mondiales se préparent à devoir supporter les conséquences économiques et sociétales de l’Intelligence Artificielle et adoptent ainsi une stratégie adaptée à leurs propres ambitions.

Fin mai 2023, l’Union Européenne et les Etats-Unis, conscients des dérives que pourrait engendrer l’Intelligence Artificielle générative, ont évoqué le travail collaboratif d’un projet de « code de conduite » commun à l’issue d’une réunion du Conseil du Commerce et des Technologies (CCT). L’objectif de ce code est de réunir les géants américains et les acteurs européens autour d’idéaux communs sur la base du volontariat. C’est avant tout un projet franco-américain, qui devrait servir de standard de législation aux autres pays.

En bref ?  

La question du droit d’auteur des œuvres créées par une Intelligence Artificielle générative soulève des enjeux juridiques complexes à l’échelle internationale. Alors que la France et l’Europe cherchent à adapter leur législation pour prendre en compte ces créations, les États-Unis adoptent jusqu’ici une approche plus restrictive, laissant place à des litiges en cours. Des accords entre certaines grandes puissances mondiales sont en cours. Ces évolutions influenceront inévitablement la manière dont les créations produites à l’aide d’Intelligence Artificielle seront reconnues et protégées. A noter qu’en prime, des défis techniques et éthiques sont également posés par cette nouvelle forme de création artistique.

(1) Propriété intellectuelle – Droit d’auteur, droit à l’image à l’ère du numérique