Aujourd’hui, la gestion de données et le marketing sont devenus indissociables, impossible de parler stratégie, sans parler datas. Connaître son audience, acquérir des prospects, engager ses clients, créer une expérience client personnalisée, rentabiliser ses investissements : ce sont tous ces avantages et plus encore, que la data apporte à la performance business.
Afin de mieux comprendre l’importance des datas dans la stratégie d’une entreprise et leurs impacts sur la prise de décision, je me suis entretenue avec Christophe Charpentier, Director Product Management, Transportation & Delivery Network chez Wayfair.
– Comment définissez-vous le « Big Data » ?
Le Big Data est un concept / branding qui se résume à la manipulation et l’analyse de très gros volumes de données. Pour être honnête, une terminologie que je n’ai jamais utilisée au cours de ces 6 dernières années. Pourquoi? Tout simplement parce que des Petabytes de données sont la norme aujourd’hui. A titre d’anecdote, chez Amazon on analysait les traces gps de plus de 100,000 véhicules et on collectait un point gps par secondes, soit près de 4 milliards de records par jour, soit 122 milliards par mois.
– Quelles places ont les datas dans votre métier ?
ESSENTIELLE. 100% des décisions sont fondées sur des données (data driven decisions). Notre modèle de définition des objectifs annuels et trimestriels est fondé sur l’utilisation de données.
Cela commence dès la phase d’ideation (la définition du concept d’un nouveau produit). Pour définir l’opportunité, on va analyser toutes les données à notre disposition : établir des hypothèses d’impact, créer un prototype de solution, mesurer l’impact de ce prototype et confirmer ou ajuster nos hypothèses. C’est sur ces bases qu’on définira les succes metrics du produit que l’on crée. C’est-à-dire les performances attendues la date du lancement ainsi que 12 mois plus tard.
Une fois le produit développé, on organise une montée en puissance (dial up). Durant cette phase, on test, mesure en temps réel et si les performances sont au rendez-vous, on continue le dial up. A ce moment-là, la phase de build est terminée et on entre dans la phase de run. Là encore, on mesure et on continue à développer le produit pour améliorer les metrics de performance (from X to Y).
Puis arrive l’identification de bugs ou de sous-performance. Cette fois, on analyse les données pour essayer d’établir les root causes du problème (les causes profondes). Les datas nous permettent d’établir des relations de causalité entre phénomènes, au-delà de l’intuition de telle ou telle personne.
Afin de s’assurer du progrès de l’ensemble des équipes, on organise chaque semaine des metrics reviews. Chaque équipe a établi des output metrics (l’impact escompté par le produit) et des health metrics (metrics de performance technique – nombre de crash, up time, temps de latence, nombre de réponses qui sont des false-positives …)
En résumé, la donnée est présente à toutes étapes, de la conception à l’opération des produits.
– Quelle est leur utilité dans l’élaboration des nouvelles générations de transports et de livraisons ?
ESSENTIELLE, également. Dans le monde de la Supply Chain notre obsession est de réduire les délais de livraison. Pour y parvenir, il faut faire de la modélisation de product placement (quel inventaire je prévois, dans quel entrepôt au nord de la ville et quel inventaire pour l’entrepôt du Sud)
Il faut donc établir des modèles prédictifs de ce que les clients voudront, et dans quelle quantité. Tu y parviens en analysant ce que les clients ont commandé dans le passé, en analysant les structures de consommation, la météo… De ce fait, il faut énormément de données pour modéliser les besoins des clients, ce qui permet en retour de désigner des solutions innovantes.
En d’autres termes, faire une livraison par drone ou en 1 heure, ne se résume pas à avoir plus de voitures pour livrer ou de designer un joli drone qui porte un carton, mais requiert une stratégie complète des flux logistiques, qui n’est possible que par l’analyse de données et la modélisation.
– Selon vous, peut-on créer une bonne expérience client, répondre aux attentes/besoins clients sans datas ?
Short answer, NO. Sans données, on peut avoir un coup de chance, mais la plupart du temps, on se loupe.
On peut prendre un exemple dans le cadre de l’expérience utilisateur, avec l’interface graphique (GUI). Si tu écoutes uniquement les designers, ils voudront changer la forme d’un bouton, la couleur de l’interface, etc… Mais est-ce vraiment utile ? Comment le définir ?
En analysant le comportement des consommateurs dans leur utilisation, on peut non seulement détecter toutes les hésitations et incompréhension des clients, mais aussi découvrir par agrégation ce qui faciliterait l’expérience client. Ensuite, on fait des prototypes et évidemment du A/B testing pour comparer l’utilisation de l’ancienne et la nouvelle version.
Ce sont les données, qui une nouvelle fois, permettent d’obtenir des résultats factuels afin de décider si la nouvelle version apporte la valeur escomptée.
– Établir la stratégie de l’entreprise grâce à la data en temps réel est l’un des principaux enjeux pour les années à venir, qu’en pensez-vous ?
La réponse est plus complexe qu’à première vue. De manière générale, la donnée est essentielle à la stratégie de l’entreprise. Mais la donnée en temps réel n’est pas suffisante, ce n’est qu’une image à un moment spécifique. L’entreprise doit aussi avoir une vision long terme, maintenir un cap.
Il faut utiliser la donnée en temps réel pour mesurer ses progrès, mais simplement réagir à un événement en temps réel ne suffit pas. L’entreprise doit surveiller les tendances qui se dégagent des données en temps réel pour se remettre en cause (be self critical) afin de décider s’il faudra adapter la stratégie et à quel moment.
