UBERISATION, un ennemi qui vous veut du bien ?

Son titre, volontairement provocateur, est en fait assez réducteur. En effet, cet essai sur « l’Uberisation » nous incite à nous poser une question essentielle sur la transformation digitale : « en quoi cela est-il facteur de progrès ? »

Livre : UBERISATION, un ennemi qui vous veut du bien

UBERISATION, un ennemi qui vous veut du bien ?

A la suite de mon article sur Homo Deus de Yuval Noah HARARI, qui pousse à la réflexion (où allons-nous ?), je vous recommande également fortement ce livre de Denis JACQUET et Grégoire LECLERCQ : UBERISATION, un ennemi qui vous veut du bien ? 

Denis JACQUET et Grégoire LECLERCQ

Grégoire LECLERCQ et Denis JACQUET

Pourquoi l’uberisation est-elle bonne pour la société ? Et à quelle condition ? En quoi peut-elle être source de progrès pour l’humanité ? Car c’est bien de l’homme qu’il est question et non de la technologie. Posons nous toujours la question : le service acheté peut-il améliorer notre vie, et quels sont ses impacts potentiels sur la société à moyen terme ?

C’est à cette question que Denis JACQUET a tenté de répondre lors d’une conférence sur le thème « l’Uberisation dans le B2B« , organisée par la société TOKSTER dans les locaux de Bpifrance, le 14 septembre 2017, et Grégoire LECLERCQ qui a animé un débat sur le thème « Précarité ou réel emploi ? La vérité, rien que la vérité sur le monde caché des travailleurs des plateformes » sur le salon Share Paris 2017, le samedi 23 septembre 2017, avec des représentant des entreprises Stuart, Hopwork, BeeBoss, et Brigad.

Conférence sur l'Uberisation du B2B par Tokster chez Bpifrance

Conférence sur l’Uberisation du B2B par Tokster chez Bpifrance

Pourquoi utiliser le digital dans notre vie, à commencer par des services comme ceux d’UBER bien sûr, mais aussi ceux d’AMAZON, de GOOGLE et tous les autres, ainsi que les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter etc. ? Cette nouvelle économie numérique peut-elle avoir un impact positif sur notre vie et sur la société en général ? Tout dépend de la manière dont nous les utilisons. Comme à chaque révolution industrielle, la question n’est pas de l’accepter ou de la refuser, mais de s’adapter plutôt que de subir.

Voici un résumé du livre par son co-auteur Denis JACQUET, dans une courte vidéo de 3 minutes :

Comment définir l’uberisation ? Le terme uberisation est un néologisme, qui provient du nom de l’entreprise de VTC Uber, un service de voiture de tourisme avec chauffeur entrant directement en concurrence avec les taxis. Les chauffeurs de ces véhicules ne sont pas des professionnels du taxi mais des conducteurs désireux d’exercer la profession en contournant le système de licence coûteux et fastidieux.

Selon Wikipedia, « c’est aussi un mouvement récent permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière instantanée, grâce à l’utilisation de l’internet mobile et de la géolocalisation. Ce phénomène s’inscrit de manière plus large dans le cadre de l’économie collaborative. Ce concept s’oppose en fait à celui connu depuis des générations, et particulièrement depuis les trente glorieuses, c’est-à-dire le monde fixe et réglementé du salariat ».

Uber Application mobile

Uber Application mobile

Effectivement, ce livre se veut aussi le relais de Jeremy RIFKIN, essayiste américain, spécialiste de prospective, qui prêche pour l’utilisation de la technologie pour améliorer la vie des terriens, et en particulier de l’humanité. Comment ? Notamment en associant le digital et l’économie collaborative pour permettre à de nouveaux échanges de se développer entre le prestataire et le consommateur, remplaçant ainsi progressivement le modèle dominant, fondé notamment sur une relation de subordination entre le salarié et son employeur. Ces nouveaux échanges permettent, tant au fournisseur qu’au client, de simplifier et de réduire les démarches administratives et les délais en pensant la relation autrement grâce aux technologies numériques. S’ensuit souvent une réduction du coût du service acheté, ce qui agit comme un électrochoc sur les systèmes traditionnels et les systèmes de taxation des échanges commerciaux que ces nouveaux paradigmes contournent.

Jeremy RIFKIN La troisième révolution industrielle

Jeremy RIFKIN La troisième révolution industrielle

Cette nouvelle façon de concevoir les échanges permet de renouveler une société française vieillissante qui s’est laissée distancée par ceux qui on prit le virage du digital : les Etats-Unis d’abord, mais aussi la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, la Russie, bientôt suivis par de nombreux pays émergents, l’Afrique en tête. Et savez-vous qu’Israël a investi cette année dans ses start-ups numériques pas moins de 2,2 milliards de dollars, soit 134 fois plus que la France ? De plus, plus de 4,7 milliards de dollars ont été investis dans la Tech israélienne…notamment par des fonds étrangers. A lire l’article paru dans Frenchweb : « Comment Israël entretient son image de «Startup Nation» »

Le modèle actuel de l’économie française, majoritairement basé sur le management pyramidal et les grandes entreprises centralisées, peut évoluer sans pour autant renier ses valeurs. Au contraire, c’est parce qu’il évoluera qu’il pourra les conserver ! Que deviennent « liberté, égalité, fraternité » dans un monde où la pauvreté et le chômage augmentent inexorablement du fait de la délocalisation ou de l’automatisation des industries ? Car l’intelligence artificielle et la robotisation font disparaître certains emplois dans les grands groupes au profit d’autres liés au numérique. Selon une étude de chercheurs du MIT et de la Boston University, la robotique a créé des milliers d’emplois qui font disparaître des millions d’emplois dans le monde, ce ne sont pas les mêmes profils qui sont demandés. Je vous invite aussi à regarder la vidéo de Laurent ALEXANDRE, « évangéliste » bien connu du sujet de la transformation des emplois :

Cela soulève la question « qui achètera les produits de ces entreprises » ? Si le nombre de salariés baisse, et que le nombre de retraités augmente, comment allons-nous compenser les revenus manquants ? Car toute l’économie repose aujourd’hui sur un système de répartition entre actifs et inactifs… et sur la dette publique. Le système de retraite est principalement financé par les cotisations sur les revenus versées par les employeurs et les salariés.

Les taux de cotisations retraites des salariés du secteur privé sont de 26% sur le salaire brut : 10,5% sont à la charge du salarié, le reste à la charge de son employeur. Le complément est apporté par les impôts et taxes affectés. Les allocations chômage, de leur côté, sont financées par des cotisations prélevées aussi sur les salaires bruts : 2,4 % pour la part salariale et 4 % pour la part employeur. Pour garantir le paiement des allocations, l’Unédic fait appel à l’emprunt.

Et ce n’est que le début, car en 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 ans ou plus pour 100 actifs, soit deux fois plus qu’en 2005. Par conséquent, si le nombre de salariés baisse, le système s’effondre.

Graphique Seniors en 2050

Graphique Proportion de seniors en 2050

L’Uberisation de l’économie va permettre de multiplier les services entre particuliers et donc les sources de revenus. On voit souvent dans ces nouveaux emplois des métiers précaires (les chauffeurs Uber ou LeCab, les livreurs chez Deliveroo, Stuart, Foodora etc…). Certes, mais cela permet aussi à ces personnes d’avoir des revenus en devenant entrepreneurs. De la même façon que les esthéticiennes ou coiffeurs à domicile comme Popmyday ou Wecasa. Ils apportent un service supplémentaire, génèrent de la valeur. Car les prix bas et le service quasi instantané a créé un nouveau segment. On prend aujourd’hui facilement Uber dans Paris alors qu’on hésitait devant le prix d’une course de taxi, sans compter la difficulté à trouver le dit taxi. Et bénéficier chez soi d’un soin à 21 h ou être livré d’un repas car on n’a pas l’envie de cuisiner ?

Application PopMyDay

Application PopMyDay

Alors, oui, on constate aujourd’hui que ce sont des sociétés capitalistes qui s’imposent encore dans ce modèle : Uber, AirBnB…Selon Denis JACQUET, il y a un risque que ces plateformes s’enrichissent sans partager la valeur avec ceux qui la font et accroissent toujours les inégalités :

« Ce n’est pas la machine le problème, mais ceux qui s’en servent. Il faut donc chercher comment, par quel mécanisme, nous pourrions assurer le partage de la valeur créée » dit-il dans une interview sur le site www.consocollaborative.com.

Si les personnes qui fournissent le service deviennent les premiers actionnaires de ces sociétés alors ces employés, acteurs et actionnaires, construiront leur propre revenu de retraite et il y aura une bonne redistribution de la valeur, en cas de cession notamment.

DELIVEROO

DELIVEROO

Il est possible de créer de la valeur partagée de façon imaginative : c’est ce que fait par exemple Blablacar dans le domaine de la mobilité. Les illustrations (ou cas) sont innombrables : Drivy, plateforme d’auto-partage, ou Zenpark, qui permet de louer sa place de parking. Ces écosystèmes créent des emplois ou en tout cas des revenus additionnels sans réellement en détruire.

Photo de BlaBlaLines by BlaBlaCar

BlaBlaLines

Je vous invite à lire les articles suivants pour tout savoir sur l’économie collaborative et ses développements récents :

Jean-Pascal POISSONNET : « L’économie collaborative en 6 étapes »

Aurélie DAUCHEZ : « L’économie collaborative transporte la livraison »

Jeanne CHUGUNOVA : « Share Paris : le Premier Salon de l’Economie Collaborative et du Partage »

Dominique YVELIN : « Economie collaborative : les défis pour demain ! »

Karine RICHET : « L’économie de demain sera t-elle collaborative ? »

Gwenaelle HOUEIX : « Le MOOC à la française : BE FUN ! »

Camille FENAYROU : « FoodTech : un repas à la sauce des plus collaboratives »

Et le phénomène de l’uberisation et de l’économie collaborative est un mouvement mondial contre lequel il n’est possible de lutter. Mais on doit le réguler, éviter les excès et les abus qui peuvent apparaître. Le politique doit encadrer et non légiférer, et les consommateurs doivent utiliser le système de notation comme effet de levier pour écarter ceux qui ne pratiquent pas un service de qualité.

Car remettre de la qualité au centre du système est essentiel. La qualité est synonyme de valeur. Le développement de la grande distribution depuis 30 ans a eu un effet désastreux sur l’emploi, en faisant baisser les prix et la qualité, et en fermant tous les commerces de proximité. L’augmentation du pouvoir d’achat contre l’augmentation du chômage ? Est-ce vraiment un progrès ?

En conclusion, l’idée centrale portée par des auteurs est la suivante : cette nouvelle économie collaborative va se développer et sera un espoir immense pour compenser la baisse inéluctable des emplois salariés, compte-tenu de la perte de compétitivité d’une Europe passée en partie à côté de la dernière révolution industrielle. Ces revenus nouveaux, liés à des activités multiples, souvent sous  forme d’entreprenariat, permettront à leurs bénéficiaires de cotiser au système de retraite par répartition (et sans doute aussi à une retraite complémentaire par capitalisation pour certains). De même, ils cotiseront peut-être bientôt pour le chômage, le gouvernement ayant en effet évoqué le sujet de la couverture universelle. Car aujourd’hui les micro-entrepreneurs ou chefs d’entreprise sont leur propres assureurs contre le chômage et ne cotisent pas à l’UNEDIC pour eux mêmes.

En attendant de lire le livre, je vous propose de regarder cette vidéo de 15 minutes qui en donne les points clés :

Denis Jacquet est passionné par l’entrepreneuriat. Il reprend en 1997 une entreprise de e-learning, Edufactory, qu’il dirige encore aujourd’hui. Il est le créateur et le président de Parrainer la Croissance, association dédiée à la croissance et à l’internationalisation des petites et moyennes entreprises. En juin 2014, il co-crée l’Observatoire de l’Ubérisation.

Grégoire Leclercq fonde en 2009 la Fédération des auto-entrepreneurs qui compte aujourd’hui 80.000 membres. Porte-parole dans les médias et auprès des pouvoirs publics pour défendre le régime de l’auto-entrepreneuriat, il est à l’initiative du Mouvement des Poussins. Il est également directeur de la relation client au sein du groupe EBP et le co-fondateur de l’Observatoire de l’Ubérisation.