Twitch et le livestream, les réponses d’un acteur culturel : le Musée de l’Armée

Dans mon premier article consacré à Twitch, je vous ai présenté l’intérêt pour les institutions culturelles de s’associer à un streamer. Cela dans le but de proposer un nouveau contenu et toucher une nouvelle communauté. Afin d’illustrer mes propos, je me suis appuyé sur la collaboration de Rivenzi, Hycarius et le Musée de l’Armée – Hôtel des Invalides. En effet, en décembre 2020, ces streamers ont proposé une visite live de deux heures dans les espaces du Musée.

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Ainsi, pour compléter ces recherches et surtout avoir un retour d’expérience, j’ai contacté le service de la communication numérique du Musée de l’Armée – Hôtel des Invalides. Il est représenté par Ravith TRINH, Responsable de la communication numérique et Eleonora GEMMI, Chargée de communication numérique.

Le Musée de l’Armée est présent sur tous les réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Facebook, Tiktok), était-ce une suite logique pour vous d’aller à la rencontre d’un nouveau public sur Twitch ? Un souhait d’augmenter votre audience et être visible sur un nouvel espace ?

​L’idée n’est pas de se démultiplier sur trop de réseaux sociaux et de plateformes. Pour l’instant nous gardons nos réseaux traditionnels à savoir Instagram, Twitter, Facebook et TikTok (une nouveauté) sans pour autant créer un nouveau compte sur Twitch. Cela nous demanderait un travail important de création de contenu. Par ailleurs, complètement différent par rapport au contenu que nous avons l’habitude de créer. Pour le moment, la présence du musée de l’Armée sur Twitch passe exclusivement par la communauté d’influence. Nous avons été tout d’abord contactés par Rivenzi qui connaissait le musée et les équipes par des visites précédentes. Cet influenceur, passionné d’histoire, voulait renouveler ses streams historiques et proposer de nouvelles rencontres et de nouveaux environnements pour son public. Toutefois, Twitch est une plateforme très intéressante. Grâce à elle, nous pouvons toucher une cible plus jeune et une communauté qui s’est développée autour des jeux vidéos.
Or, il nous semble que les gamers ont une sensibilité pour l’histoire et l’action. Beaucoup de jeux vidéos se servent d’un scénario historique pour contextualiser une aventure ou une bataille. Ils s’inspirent également des armes et des armures ayant réellement existées. Les gamers peuvent donc retrouver dans nos collections anciennes, modernes ou contemporaines ces inspirations.

Comme vous l’indiquez, Twitch permet de toucher une cible différente. En tant que professionnels de la Culture, pensez-vous qu’à l’avenir, la plate-forme pourrait devenir un nouvel outil de médiation pour ces nouveaux publics ?  

D’un point de vue éditorial, la place de la culture et des musées sur Twitch reste à ce jour confidentielle avec des actions sporadiques : nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir si le public de ce réseau social adhérera de manière durable à ce type de contenu. Il faudrait continuer dans un premier temps à dresser cette fameuse passerelle gaming. Actuellement, les influenceurs présents sur Twitch et avec qui nous avons travaillé ne parlent pas exclusivement de culture mais aussi de gaming, dans l’objectif de maintenir ce lien. D’un point de vue technique, Twitch serait une formidable plateforme de médiation pour présenter des collections et des expositions. Néanmoins, elle requiert des moyens humains pour assurer une régularité de production de contenus mais aussi un langage, des codes pour le médiateur, le conservateur, le commissaire qui animerait la vidéo.

Avez-vous trouvé des avantages notables à utiliser de cette plate-forme, comparé à une autre (live Youtube, Facebook ou encore TikTok) ?

Suivre un live Twitch d’un compte, c’est aussi adhérer à l’univers de la personne qui l’anime. Aussi, lors de notre expérience de live Twitch avec Rivenzi, nous avons constaté par le biais des commentaires qu’il s’agissait d’une communauté plus engagée avec les valeurs de l’animateur. Ainsi les réactions sont plus bienveillantes à son égard. Les communautés live sur Facebook, sur TikTok ou sur Youtube sont peut-être plus distantes voire parfois critiques, dans une moindre mesure ceci dit…

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Si des acteurs culturels souhaitent tenter le format livestream sur Twitch, pensez-vous qu’il soit nécessaire dans un premier temps d’être accompagné d’un streamer avec une communauté fidèle plutôt que lancer sa propre chaîne ?

L’expérience avec notre streamer confirme cette nécessité. Le streamer est le produit d’appel : le public vient au rendez-vous pour lui avant tout, pour retrouver son univers, ses sujets, sa manière de présenter. Pour qu’un acteur culturel puisse « percer » en s’affranchissant d’un streamer, il faudrait qu’il puisse lui-même se construire une identité forte. Avec par exemple, des contenus radicalement ciblés pour les twitcheurs. C’est une prise de risque pour un acteur culturel. En effet, celui-ci doit concilier ces nouveaux codes avec ses propres exigences en termes d’image (parfois politique) et de véracité scientifique (vulgariser sans tromper). Passer par un streamer permet de ne pas s’exposer à ce risque.

D’autres formats comme celui-ci prévus avec d’autres streamers ? Sur un autre réseau social ?

​En ces périodes de fermeture, de couvre-feu et de confinement, le direct est un format qui devient de plus en plus important pour faire visiter les espaces du Musée à distance. Nous tenons à développer ce format pour pallier cette fréquentation physique qui nous manque tant. Nous avons plein de projets de directs sur nos propres comptes. À commencer par le live sur notre compte TikTok, le 18 décembre dernier. Nous avons aussi quelques idées de collaborations avec d’autres streamers et YouTubeurs. Aussi, pourquoi pas un deuxième épisode avec Rivenzi ! Mais on en reparle durant cette nouvelle année !

Un grand merci à Eleonora et Ravith d’avoir répondu à mes interrogations avec réactivité et bienveillance !
N’hésitez pas à visionner le > replay < de la visite. Consulter aussi le site internet du Musée qui propose ses collections digitalisées.
Pour (re)lire mon premier article, c’est ICI.