Soft skills : Vers une réhabilitation de la force de l’intuition ?

Au début de mois de janvier, alors que je lisais une édition du Figaro, je fus interpellée par un article de la journaliste Aurore Amelet au sein de la rubrique santé. L’article portait le titre suivant : « Intuition ou raison, à qui se fier ? ». A l’aube d’une révolution des ressources humaines et de l’importance des « soft skills », nous dirigions nous vers une réhabilitation de la force de l’intuition dans nos processus décisionnels ?

Cela résonnait comme un appel à tous les créatifs pragmatiques aussi bien capable d’analyse et de réflexion que de fortes intuitions.

Roland Jouvent, professeur de psychiatrie et directeur du centre Émotion du CNRS à la Salpêtrière définit l’intuition comme suit :

« La capacité intuitive consiste à percevoir des éléments contextuels et à les agencer de manière adaptative pour trouver une solution nouvelle dans un programme préétabli ou dans une situation répétitive.« 

Comment fonctionne notre cerveau ?

Notre cerveau possède deux systèmes distincts

D’après Aurore Amelet « Le cerveau a deux façons de traiter l’information ».

Daniel Kahneman, psychologue et Prix Nobel d’économie, les appelle système 1 et système 2. « Le premier est intuitif, inconscient, automatique ; il fonctionne par associations, est très rapide et, grâce à lui nous pouvons percevoir une ambiance, un état d’esprit. Le second est logique, conscient, analytique mais lent et coûteux en termes d’efforts, tant il suppose de concentration. »

De la place de l’intuition à l’ère du Big Data

A l’ère de l’intelligence artificielle, du digital (capable de tout tracker et tout analyser de manière rationnelle), de l’avènement en entreprise de la Data voire du Big Data, ce don est peu valorisé et s’en remettre pour partie à son intuition est bien souvent vécu comme « honteux ».

En effet, notre société et notre système éducatif ont été fondés sur un socle profondément logique et rationnel, laissant peu de place à nos ressentis intérieurs ou encore à nos multiples formes d’intelligences.

La capacité d’analyse étant également davantage reconnue, attendue et saluée dans le monde de l’entreprise parce que plus rationnelle et donc rassurante pour les instances dirigeantes. Les ressentis restants du domaine des émotions, ceux-ci effraient.

Si l’exploitation de la Data est cruciale pour construire une compréhension d’un business à un moment T et développer des stratégies adaptées – Les GAFAM en sont un parfait exemple car elles ont eu conscience très tôt de la richesse et de l’avantage stratégique que représente la Data en érigeant des écosystèmes riches basés sur la collecte massive de cette dernière – est-elle suffisante et doit-elle guider à elle seule les décisions les plus stratégiques ?

A l’ère de la transformation digitale et de la 4ème Révolution, nous sommes tous impactés et nous devons nous adapter de plus en plus vite aux nombreuses évolutions de la société. Les individus et entreprises sont inexorablement poussés en dehors de leurs zones de confort afin de sans cesse trouver des stratégies d’innovation, sous peine de se faire disrupter.

La vitesse d’adoption sans cesse plus rapide des nouvelles technologies en étant un indicateur fort.

La vitesse d’adoption des technologies est sans cesse plus rapide : 19 jours pour Pokémon Go

Quelle posture adopter dans l’entreprise ?

Selon l’auteure Isabelle Fontaine, « tous les managers ont de l’intuition, mais tous n’osent pas – ou ne savent pas – s’en servir. »

En effet, quelle posture adopter en entreprise ?

Quelle est la réalité du processus de décision des managers et dirigeants en 2020 ?

D’après une étude récente d’Oracle Netsuite, les cadres français sont 99% à se sentir submergés par les données lorsqu’ils doivent prendre une décision. Et lorsque ces derniers doivent prendre une décision critique, ils sont 23% à s’en remettre à leur intuition.

La seule analyse et compréhension des chiffres ne suffiraient donc pas à aider nos dirigeants dans leurs prises de décisions stratégiques. La technologie, si elle peut aider à visualiser la donnée de manière plus analytique, plus rapide et de manière transparente auprès de tous, ne peut aider qu’à réaliser une partie du processus décisionnel. 

Savoir intuiter sur l’évolution des modes de vie et de consommation est un avantage indéniable et peut s’avérer stratégique.

Le parcours de décision n’est en tout cas pas linéaire. 

L’intuition : don ou forme d’intelligence ?

Si pour Einstein, l’intuition est un don :

« L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. »

Pour Einstein, l’intuition est un don

Pour d’autres, l’intuition est une forme d’intelligence.

Certains tendent à la décrire comme une « intelligence émotionnelle » ou encore « intelligence de l’inconscient ».

Pour Delphine Pichard :

« L’intelligence émotionnelle est la capacité à interpréter et utiliser ses émotions, à tenir compte de celles des autres, et à les gérer de façon objective, pour en tirer des pistes d’évolution, et adapter ses comportements, sa communication, ses actions, en vue de l’obtention de résultats positifs concrets.« 

L’intuition proviendrait de l’accumulation d’expériences similaires dans notre mémoire qui nous permettrait, lorsqu’on reconnaît une situation, d’être capable de réagir rapidement. Elle ne serait donc pas totalement dénuée de réflexion. Ce serait un ensemble de connaissances inconscientes.

Par ailleurs, de récentes études scientifiques tendraient à démontrer que le ventre serait notre deuxième cerveau. Il contiendrait des millions de neurones qui échangent des informations avec ce dernier. Signe qu’il ne faudrait donc pas négliger les réactions physiques de notre corps pour prendre nos décisions ?

Des Leaders charismatiques à l’intuition forte

Cette voix intérieure qui nous dit que nous devons persévérer et ne rien lâcher même si tous les signes extérieurs démontrent le contraire, de grands leaders s’en sont remis à elle.

Le célèbre entrepreneur britannique Richard Branson ne jure prendre des décisions que sur la base de son intuition.

« S’il y a bien quelque chose qui ne peut pas se résumer à l’aide d’une statistique, c’est quand il faut utiliser son intuition ».

Totalement inadapté dans le milieu scolaire, il a nourri une soif d’entreprendre dès son plus jeune âge et poursuit son rêve fou de tourisme spatial.

Que dire également de Steve Jobs qui, s’il s’était arrêté après l’échec cuisant de l’Apple III, n’aurait jamais réussi à bâtir la marque d’informatique la plus aspirationnelle au monde !

Un leader doué de vision et d’intuition

Son motto : « Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.« 

Ce dernier a toujours eu une compréhension très forte du monde dans lequel il évoluait et a toujours été capable de sentir avec un temps d’avance, d’anticiper les technologies qui deviendraient clés, de visualiser le futur….

Dans un monde où règnent raison et pragmatisme, la data représente une base stratégique solide mais ne doit pas être le seul maître à bord. En effet, cette dernière pourrait nous cloisonner dans un mode de pensée qui nous empêche d’innover et de penser différemment.

Mais ultra-connectés, sur-sollicités, comment prendre la bonne décision ?

Il faut probablement savoir entendre que l’on ne peut pas tout maîtriser par la data et qu’il nous faut également être davantage à l’écoute de notre intuition. Heureusement, comme le souligne Caroline Loisel et Emmanuel Vivier dans leur dernier ouvrage « Le Guide du futur des RH et du management » :

« La percée des neurosciences depuis vingt ans en matière de découverte sur le fonctionnement du cerveau, nous rappelle que l’être humain n’est pas juste une machine. Au contraire, les émotions semblent enfin retrouver quelques lettres de noblesse dans nos vies et nos organisations.« 

Et vous, qu’en pensez-vous ? Faut-il accorder plus d’importance aux soft skills en entreprise et réhabiliter la force de l’intuition ?

sources

https://fr.statista.com/infographie/20003/temps-necessaire-aux-innovations-pour-atteindre-50-millions-utilisateurs

https://comarketing-news.fr/?s=lib%C3%A9rer+la+croissance

Le Figaro

« Le Guide du futur des RH et du management » – Editions Eyrolles