Shudu Gram : le top model venu d’ailleurs

Versace show - Top Models

Cindy, Naomi, Claudia, Linda… Élevées au rang de super stars dans les années 90, ces reines du runway ont fait fantasmer la planète toute entière avec leurs 90-60-90. Mais si les tops d’hier sont aujourd’hui devenues de véritables icônes qu’aucune Gisèle, Bella ou Kendall – la relève – n’a réussi à détrôner, c’était sans compter sur l’arrivée tonitruante de Shudu Gram.

Qui est Shudu Gram ?

Ce nom ne vous dit sûrement pas grand-chose et pourtant, il va falloir le retenir ! Non pas qu’il s’agisse de la nouvelle it girl en vogue ou de LA nouvelle femme influente dans le milieu de la mode… Avec son nom aux consonances exotiques, sa peau d’ébène et ses mensurations de rêves, Shudu Gram est à elle seule une ré-vo-lu-tion dans l’univers du digital !

Shudu Gram - Cameron-James Wilson

Elle pourrait être née au Soudan comme le top Alek Wek ou avoir des origines jamaïcaines comme son aînée Naomi Campbell… Elle pourrait avoir été « scoutée » (chassée) dans un fast food comme Gisèle Bündchen ou dans une boîte de nuit comme Claudia Schiffer… Mais Shudu Gram n’est pas un mannequin comme les autres. Elle est née de l’imagination du photographe britannique Cameron-James Wilson. Oui, vous avez bien lu ! Cette sublime jeune femme est une créature 100% numérique, entièrement conçue par ordinateur, autrement dit, le premier « modèle 2.0 » de l’Histoire !


Shudu Gram - Cameron-James Wilson

Dans un monde où le réel se confond de plus en plus avec le virtuel, l’arrivée de Shudu Gram sonne peut-être la fin des mannequins faites de chair et d’os (enfin, surtout d’os !). Connu pour avoir immortalisé Gigi Hadid et réalisé plusieurs clichés pour Chanel et Louboutin, le photographe londonien réussit un coup de génie en imaginant un mannequin 100% artificiel, incarnation même de ses fantasmes : une jeune femme noire de 28 ans, savant mélange de Grace Jones, Alek Wek et Duckie Thot… « J’ai tenté de créer la plus belle femme que je puisse imaginer » a expliqué Wilson au magazine Harper’s Bazaar. Apparue sur Instagram en avril 2017, le top factice est devenue en quelques mois à peine, une superstar des réseaux sociaux avec plus de 100 000 followers ! Un tel phénomène, que la chanteuse-diva Rihanna, totalement conquise par cette nouvelle reine de beauté, l’a choisie comme égérie pour la promotion de sa marque de maquillage, Fenty Beauty.

Un coup de maître en terme de communication quand on sait que la photo, publiée sur le compte Instagram de la marque a été likée plus de 210 000 fois et a généré plus de 2 000 commentaires, boostant par la même occasion la vente des rouges à lèvres.

Un succès qui fait grincer des dents

À l’instar de Miquela Sousa, plus connue sous le pseudonyme de Lil Miquela – elle aussi avatar 100% digital et véritable influenceuse star qui ne compte pas moins d’un million de followers sur Instagram – Shudu Gram provoque un véritable tollé sur la toile.

 

En effet, Shudu Gram dérange. Si le « Digital Supermodel » a une beauté quasi hors norme, sa plastique parfaite conçue à l’aide de codes et d’effets spéciaux à partir d’un ordinateur, soulève encore et toujours la question de la perfection physique poussée à outrance – on se souvient tous des différents scandales qui ont éclaboussé l’univers de la mode : l’extrême maigreur des mannequins, les unes de magazines photoshopées, etc. – et interroge sur le manque cruel de diversité dans le mannequinat.

Attaqué sur Twitter par de nombreux internautes qui jugeaient parfois son approche raciste : « un photographe blanc a trouvé le moyen de tirer profit des femmes noires sans jamais avoir à en payer une », « est-ce si difficile que ça de payer une femme noire pour un shooting au lieu d’en créer une ? », Cameron-James Wilson coupe court à la polémique « au fond, Shudu est ma création. C’est l’œuvre d’art sur laquelle je travaille en ce moment. Il n’y a aucun débat ».

Performance artistique? Réflexion philosophique? À l’ère de la superficialité du numérique où la quête de perfection est une course de plus en plus effrénée, et la réalité est de plus en plus biaisée par des filtres et des retouches excessives sur les réseaux sociaux, Shudu Gram n’est-elle pas une suite logique dans ce monde de plus en plus artificiel?

Et vous, vous en pensez quoi? Oeuvre d’art fascinante ou (r)évolution digitale carrément flippante?

Lola Manceau