Partout dans le monde, des milliards d’entre nous utilisons les médias sociaux tous les jours, et ce nombre ne cesse de croître. En fait, on estime qu’en 2018, 2,44 milliards de personnes utiliseront les réseaux sociaux, contre 970 000 en 2010.
Pour le mettre dans un contexte, chaque minute, nous envoyons collectivement plus de 30 millions de messages sur Facebook et près de 350 000 tweets.
Cette utilisation touche chaque domaine de notre vie – nos relations personnelles, nos hobbies, notre travail ou nos études et récemment on constate leur impact considérable sur la vie politique. L’utilisation des médias sociaux tel que Twitter, Facebook, YouTube en politique a radicalement changé la façon dont les campagnes sont lancées et comment les citoyens interagissent avec leurs élus.
La prédominance des médias sociaux en politique a rendu les élus et les candidats plus responsables et plus accessibles aux électeurs. Et la capacité de publier du contenu et de le diffuser à des millions de personnes instantanément permet aux candidats de gérer soigneusement leurs images basées sur des analyses en temps réel et presque sans frais – il est devenu assez courant pour les campagnes politiques de produire des publicités et de les publier gratuitement sur YouTube au lieu de payer pour une diffusion à la télévision ou à la radio.
Un autre argument en faveur de ces nouveaux usages c’est le feedback immédiat des électeurs qui peut avoir des conséquences majeures selon la façon dont les politiciens réagissent. Beaucoup de campagnes emploient des personnes dédiées à surveiller leurs canaux de médias sociaux pour gérer les éventuels commentaires négatifs en supprimant tous ceux peu flatteurs. Mais une telle manipulation de type bunker peut être perçue comme étant défensive et hermétique au public, action qui peut être très pénalisante pour les élus en question.
Twitter et Facebook sont devenus essentiels dans l’organisation de campagnes. Ils permettent aux électeurs et aux militants partageant les mêmes idées de pouvoir se mobiliser et diffuser facilement des informations telles que des événements de campagne et autres meetings.
Au delà de l’accès facilité et du partage généralisé, la valeur primordiale des médias sociaux réside dans son immédiateté. Les politiciens ne font absolument rien sans d’abord savoir comment leurs déclarations ou leurs mouvements seront jugés par l’électorat, Twitter et Facebook leur permettent de mesurer instantanément comment le public réagit à une question ou une controverse. Les discours sont ajustés en conséquence, en temps réel, sans l’utilisation de sondages coûteux.
Le « Click and Elect » : nouveau « service » digital à double tranchant
L’impact de Facebook et d’autres plates-formes de médias sociaux sur les élections internationales est difficile à quantifier. Mais la portée mondiale de Facebook – près d’un quart de la population mondiale – est difficile à nier d’après les experts politiques et universitaires.
De Facebook au site « alt-right » Reddit, les communautés de médias sociaux ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation des jeunes électeurs pour les élections US de 2016 et pas toujours avec une éthique irréprochable.
Bien avant l’élection américaine du mois dernier, Facebook, considéré comme étant une source d’informations de l’ère numérique a fait l’objet des accusations concernant la véracité des contenus circulant sur son site. En effet, les dirigeants, les groupes de défense des droits et les minorités dans le monde entier ont lutté contre un assaut de désinformation et d’abus en ligne qui a eu des répercussions politiques réelles. Facebook est accusé aujourd’hui d’avoir trop peu fait pour réprimer les fausses nouvelles. (Source www.nytimes.com)
Lors d’une conférence de presse à Berlin le 17/11/16 Barack Obama, grand adepte des réseaux sociaux, a exprimé son inquiétude « Une époque où il y a tant de désinformation active, très présente, et qui semble identique quand on s’informe sur Facebook ou à la télévision. Si tout a l’air identique et qu’aucune distinction n’est faite, alors nous ne pouvons pas savoir quoi protéger … »
L’influence du faux contenu sur Facebook ne peut être considérée comme « négligeable » quand elle rassemble des millions d’actions. Et puis, les statistiques parlent d’elles mêmes : le mensonge est bien plus populaire que la vérité, une preuve de plus que les interactions sur les réseaux sociaux sont largement basées sur des émotions.
« Je pense que l’idée que de fausses nouvelles sur Facebook, très peu nombreuses d’ailleurs, ont pu influencer l’élection d’une quelconque façon – est assez folle », a déclaré Mark Zuckerberg à une conférence tech quelques jours après l’élection présidentielle américaine. « Les électeurs prennent des décisions en fonction de leur expérience vécue.»
Au lendemain d’une élection présidentielle américaine qui semblait choquer au moins la moitié du pays, de nombreux américains se demandaient comment ils ont raté la popularité de Donald Trump. Une des réponses est étroitement liée au concept connu sous le nom filter bubble: l’idée que les outils de personnalisation de plateformes Facebook et Google nous ont isolés des points de vue opposés, conduisant les conservateurs et les libéraux à ressentir qu’ils occupent des réalités distinctes.
Le concept a été popularisé par Eli Pariser, co-fondateur de Upworthy, qui a écrit un livre best-seller sur le sujet. Il a soutenu qu’internet est très efficace pour rassembler des groupes de personnes partageant les mêmes idées et à contrario, peut s’avérer terrible dans la création d’un espace pour les personnes ayant des points de vue différents et voulant en débattre. (Source http://www.theverge.com/)
Même dans les démocraties établies depuis longtemps, comme l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, de fausses nouvelles et des discours haineux sur les médias sociaux ont suscité des mouvements populaires qui ont souvent ciblé l’afflux récent de réfugiés du Moyen-Orient. (Source http://www.nytimes.com/)
Pendant ce temps, en France, un autre candidat inattendu gagnait la primaire de la droite : François Fillon. Avec un accès aux médias traditionnels moins important qu’Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy, Fillon a mené une campagne souterraine, hors des circuits traditionnels, informant chaque semaine un club de 200 000 fidèles.
Donald Trump, François Fillon, mais aussi Beppe Grillo en Italie, Bernie Sanders et Barack Obama : tous ont en commun d’avoir su profiter de ce nouveau climat favorable à l’innovation et de mieux répondre aux nouvelles attentes des citoyens générées par l’utilisation massive des outils numériques, outils qui favorisent également la fidélisation et insuffle le succès.
Après les transports, les hôtels, au tour de la politique d’entrer dans la grande lessiveuse du Net, poussée par des citoyens désireux de changer les règles du jeu, enthousiastes de participer activement aux changements sociétaux.
C’est ce rapport direct entre citoyen et élu qui est en train de s’installer, qui est actuellement à l’ordre du jour du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, jeune organisation internationale présidée cette année par la France, qui compte 70 pays et s’est tenu à Paris du 7 au 9 décembre. Au cœur des débats entre chefs d’Etat, ministres, collectivités, société civile et ONG : la transparence, le développement durable et, surtout, le numérique dans la vie publique.
« On ne peut plus décider à huis clos, avec 15 experts. Le numérique contribue à l’obsolescence des partis hérités de l’après-guerre. On en voit les conséquences dans la dévitalisation d’un parti politique comme le PS », explique le député PS de la Nièvre, Christian Paul, qui travaille depuis une quinzaine d’années sur ces sujets. « Avant, la communication passait entièrement par l’intermédiaire des journalistes. Là, Trump a envoyé balader Fox News. Auparavant, il était inimaginable pour un républicain de se passer de cette chaîne », explique Nicolas Colin, ancien inspecteur des finances, cofondateur de l’accélérateur The Family. (Source : Le Monde Economie mis à jour le 05.12.2016)
Nous sommes en train d’assister à une transformation majeure de la manière de concevoir la démocratie, et le pacte social. Tout ce qui nous semblait acté encore hier est remis en cause. « Le numérique change le rapport au politique, à l’autorité. L’Etat doit accepter qu’il y ait des plus sachants que lui. C’est pourquoi il faut consulter et associer la société civile aux décisions, c’est la seule manière d’appliquer des réformes », juge Isabelle Falque-Pierrotin, de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL)