Rencontre avec Akli Brahimi, fondateur de Néolink !

Portrait d'Akli Brahimi, fondateur de Neolink

Entrepreneur dans l’âme, Akli Brahimi est devenu entrepreneur à 28 ans, explorant des marchés de niche sur lesquels personne s’était lancé ! Il était l’un des premiers à lancer une plateforme digitale dans le monde de la mutualité

Découvrez son parcours à travers quelques questions. 

  • Akli, peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?

J’ai obtenu mon BAC H (Techniques informatiques) en 1974 avec une mention Très Bien et la meilleure note en maths de l’académie du Nord !

3 emplois dans 3 entreprises successives m’ont permis d’évoluer rapidement, et à 28 ans je décide de créer seul ma première entreprise : CIM (Conseil et Informatique de la Métropole) mais très vite, je recrute 2 personnes. En 2010, j’ai vendu ma société (à l’époque : 75 salariés, 3ème société du secteur avec plus de 5 000 000 de citoyens français gérés dans nos bases de données) à un groupe coté dans le second marché (DL Software). 

J’ai toujours eu une politique commerciale visant les niches et non les marchés de masse, c’est pourquoi j’avais 2 marchés de niches dans mon scoop : les transitaires en douanes (disparus depuis), et la mutualité. Nous sommes à l’ère de l’économie sociale et solidaire, et je sentais que ce secteur d’activité à fortes valeurs sociétales allait se développer.

Logo de Neolink

En 2012, après avoir investi dans 2 start-up,  je crée NEOLINK avec l’idée simple de créer un outil qui n’existe pas pour gérer et proposer des plateformes numériques collaboratives personnalisables.

J’ai embauché 8 personnes et nous avons travaillé pendant 4 ans sur la création d’un outil, sur un marché inexistant à l’époque.

L’objectif de Neolink était simple : permettre aux mutuelles de mieux connaitre leurs adhérents, de garder les données pour éviter qu’un Google ou Facebook ne connaissent mieux ces derniers qu’eux. Aujourd’hui, les mutuelles connaissent la consommation médicale des adhérents, mais ne savent en fait pas grand-chose sur leurs habitudes ou préférences de vie. Mais il était difficile d’expliquer aux mutuelles ce qu’était une plateforme collaborative de mise en relation d’internautes basée sur l’entraide et le bénévolat. En fait, nous faisions comme Facebook, mais en version payante (évidemment avec moins de fonctionnalités) ! 

« L’objectif de Neolink était simple : permettre aux mutuelles de mieux connaitre leurs adhérents, de garder les données pour éviter qu’un Google ou Facebook ne connaissent mieux ces derniers qu’eux. »

Finalement, j’ai réussi à convaincre MGEN (la plus grosse mutuelle de la fonction public) et Harmonie (la plus grosse mutuelle interprofessionnelle). Mais à l’époque, après 4 années d’existence, les revenus générés par les 2 premiers clients étaient insuffisants pour atteindre le point d’équilibre financier. A partir de cet outil , nous avons développé 2 nouvelles offres :

Logo de Neojob, l'une des 2 offres proposées par Neolink.
  • NEOJOB : une plateforme permettant le retour à l’emploi des personnes en situation de précarité (qui explose au niveau des ventes : plus de 50 départements l’utiliseront avant la fin de l’année, et 3 régions majeures utilisent notre outil sous des appellations différentes avec des fonctionnements différents.)
  • NEOCITOYEN : une plateforme visant à réconcilier les élus avec les habitants de leur territoire sous forme de démocratie participative (commence à se développer avec un premier gros client en cours de déploiement (= la région Ile de France et les 12 millions de Franciliens))

Pour Neolink, le digital permet donc de faciliter le quotidien des usagers tout en devenant un outil permettant de gagner en efficacité et productivité pour les professionnels qui l’utilisent. Par exemple, les assistantes sociales utilisent notre plateforme pour accompagner les bénéficiaires du RSA dans leur parcours de retour vers l’emploi ou la formation.

  •  Comment t’es venue l’idée de créer Neolink et ses 2 offres ?

Le secteur de la mutualité étant basé sur des valeurs humanistes comme le bénévolat ou l’entraide intergénérationnelle, l’idée est venue du constat que ces mutuelles devaient confirmer ces valeurs en mettant en place une solution numérique au service de leurs adhérents. Finalement, ces valeurs étaient déjà dans leur discours, et avec Neolink, j’apportais la preuve que les actes pouvaient être enfin en phase avec ce discours.

Cependant, je me suis trompé sur un point important. Je pensais pouvoir réunir de nombreuses mutuelles partageant ces valeurs humanistes autour d’une seule grande plateforme d’entraide nationale. Je n’ai pas pensé au fait que le marché était hyper concurrentiel, et qu’aucune mutuelle ne voulait se « mélanger » avec d’autres sur une même plateforme : elles voulaient chacune la leur.

L’idée de Neojob m’est venue plus facilement : elle est issue d’un constat. Je fais partie d’une association (100 chances 100 emplois) visant à accompagner des jeunes sans réseau dans leurs recherches de stage ou d’emploi. J’ai constaté que la tranche des bénéficiaires du RSA n’était pas suivie par Pôle Emploi mais par les départements, qui faisaient surtout de l’accompagnement social mais pas vraiment de coaching pour les orienter vers l’emploi. C’est donc de ce constat qu’est née mon idée : réunir au sein d’une même plateforme des recruteurs, des bénéficiaires du RSA et des accompagnants (assistants sociales ou conseillers en insertion à l’emploi).

Neocitoyen répond à une problématique différente : aujourd’hui, notre société évolue et il était nécessaire de mettre en place un espace d’expression bienveillante contrôlé entre les citoyens et les élus pour éviter de ne les solliciter uniquement le jour des votes. A ce jour, Neolink a été repris par la société Berger LEVRAULT qui est présente dans 27 000 communes sur les 35 000 de la France. Ils ont acheté la société pour développer ce type de plateformes dans ces communes, mais aussi pour créer des liens entre les seniors et toutes les personnes permettant de les maintenir à domicile plutôt que de les mettre dans des EPHAD couteux. C’est la future plateforme du grand âge.

Logo de Berger-Levrault, qui a racheté Neolink.
Neolink a été rachetée par la société Berger-Levrault, éditeur de logiciels.
  • Peux-tu nous parler du fonctionnement la plateforme ?

La plateforme fonctionne comme un réseau social disponible sur smartphone et ordinateur. Ce n’est pas un Jobboard classique avec une simple relation recruteur/candidat mais une plateforme qui intègre l’intervention humaine d’expert qui vont accompagner le bénéficiaire vers les offres du recruteur. Cette mise en relation est faite par des algorithmes puissants dans notre infrastructure Big data (développés au sein de Neolink).

Il y a donc 3 espaces : celui du recruteur, du candidat et celui de son conseiller en insertion.

Le fonctionnement est le suivant : la plateforme mémorise une ligne de vie (timeline) qui permet de garder le détail de toutes les étapes marquantes de la vie professionnelle du candidat (formation, période de chômage, stage, emploi, rencontre avec des référents de parcours,…) pour améliorer des compétences techniques ou des compétences comportementales. Cela permet une visualisation des actions financées par la région ou le département historisées sur une échelle temps et le résultat de celles-ci (formation réalisée, retour à l’emploi constaté, compétences acquises etc).

Exemple de plateforme de Neolink
  • Pourquoi avoir fait le choix d’une plate-forme digitale ?

C’est simple : je ne sais rien faire d’autre que des développements numériques.

Aujourd’hui les plateformes sont nombreuses mais souvent monolithiques et fermées. La nôtre possède l’avantage d’être nationale pour sa base de données mais personnalisable à souhait pour chaque client. Par exemple : la plateforme utilisée par le département du Nord possède ses propres règles de fonctionnement, son propre design, mais les bénéficiaires du RSA de ce département peuvent tout de même entrer en contact avec les recruteurs du Pas-De-Calais (qui est également l’un de nos clients). Il y a donc une interopérabilité entre toutes les plateformes de façon transparente pour les internautes.

Actuellement, la base de données compte 1 300 000 citoyens.

  • As-tu rencontré des difficultés lors de la création de Neolink ?

Il y a toujours des difficultés dans ce genre de projet :

  • Problème de timing avec un temps de réalisation de l’outil plus long que prévu et donc plus coûteux
  • Problème financier car le développement de l’outil m’a couté presque 2 millions d’euros. (750 000 euros de mes deniers et emprunts pour plus de 1 million d’euros.)
  • Difficulté à convaincre de l’intérêt et de l’utilité de notre outil sur un marché naissant
  • Problème de recrutement à Blois, quand les clients sont arrivés en masse

Bref la vie normale d’entrepreneur, rien d’exceptionnel ! Mais il est vrai qu’avec ma femme, nous avons eu des centaines de nuits blanches et beaucoup d’angoisses liées au fait que l’activité ne décollait pas, avec le spectre d’un dépôt de bilan. Cela aussi fait partie de la vie normale des entrepreneurs créateurs.

Démarrer une activité est plus complexe que reprendre une activité qui existe depuis longtemps et qui possède déjà son marché.

Photo en noir et blanc d'Akli Brahimi
 © Ville de Blois – Nicolas Wietrich
  •  Pour toi, quelle est la place du digital dans les métiers d’aujourd’hui et de demain ?

C’est une nouvelle industrie qui pèse de plus en plus dans l’économie mondiale. Aujourd’hui elle en est encore à ses débuts, il reste beaucoup de choses à faire et à inventer. Il y a un énorme avenir, notamment dans l’intelligence artificielle.

Je pense aussi qu’il faut arrêter d’avoir peur du monde numérique. Par exemple, Uber devait faire disparaitre le métier de chauffeur (taxi, etc.), et pourtant il n’y a en a jamais eu autant qu’aujourd’hui, et avec des services améliorés. Il en est de même pour l’hôtellerie : avec AirBnB il n’y a jamais autant de chambres ou logements à louer, en plus des hôtels. Arrêtons de croire au déclinisme ou aux personnes qui tentent de démontrer que le numérique va tout détruire : c’est l’inverse qui est en train de se passer !

  • Pour finir, quels conseils donnerais-tu à un étudiant qui souhaite choisir la voie de l’entreprenariat ?

Les jeunes ont une vision différente de ma génération : ils sont « digitaux natifs » et ont des enjeux mondiaux plus complexes à résoudre qu’à mon époque, notamment sur les aspects de dérèglement climatique.

A un étudiant qui souhaite devenir entrepreneur, je lui préconiserais d’abord de se forger son expérience dans des structures à taille humaine afin qu’il puisse « toucher à tout », et déterminer par la même occasion ce qu’il souhaite vraiment faire.

Ensuite, avec un peu d’expérience : il fonce, il ose, il créé, il se plante, il recrée et il finira par réussir. Pas forcément en essayant d’imiter les autres ou en s’installant sur un marché porteur mais en innovant ! Par exemple, les créateurs de Twitter avec leurs fameux tweets de 140 caractères maximum ne répondaient pas à un marché ou une attente, au contraire : ils ont créé un nouveau marché avec une nouvelle méthode de communication novatrice.

En conclusion : il ne faut jamais avoir peur de se planter, et ajoutez de la ténacité dans vos projets : cela finit toujours par payer !

Je tiens à remercier Akli Brahimi pour le temps qu’il m’a accordé et surtout pour sa gentillesse.