La réalité virtuelle peut se définir comme « l’ensemble des techniques et systèmes qui procurent à l’homme le sentiment de pénétrer dans des univers synthétiques créés sur internet ». La réalité virtuelle donne la possibilité d’effectuer en temps réel un certain nombre d’actions définies par un ou plusieurs programmes informatiques et d’éprouver un certain nombre de sensations visuelles, auditives ou haptiques. (Jean Segura – Realite-Virtuelle.com).
La variation ci-dessous est une manière d’illustrer cette discipline de façon désordonnée, volontairement débarrassée de tout point de repère (ou presque), réalité virtuelle, virtualittérature réelle, réalittérature virtuelle, au moyen d’une petite histoire.
J’enfile le casque VR et je vous emmène. Mes choix, quand j’en ai, sont matérialisés par un cadre rouge au fur et à mesure des séquences. On y va.
SEQUENCE 1 START GAME / CONTEXTE
La balle, tirée d’une arme au calibre très exagéré, entre par la porte, perfore le mur de la bibliothèque, traverse intégralement « Les Hommes de bonne Volonté» (27 tomes) et termine nonchalamment sa course dans le cul du Patron.
Assailli par un lancinant sentiment de déjà vu et las de ces peu convaincantes tentatives d’assassinat dont les exécuteurs sont d’une confondante maladresse, le Patron, qui a de bonnes raisons de ne pas avoir l’air commode, décide que cela doit cesser. Il fait donc appel en ce sens à son meilleur élément, moi, l’Agent.
SEQUENCE 2 JE ME CHOISIS UN PHYSIQUE (Yesss!)
Je suis convoqué séance tenante par mon supérieur hiérarchique dont j’ignore totalement l’existence, afin de ne pas compromettre la sécurité du réseau. Le rendez-vous est bref. Il se tient sur la Grand Place d’une bourgade anonyme, par une nuit tourbillonnante.
Le Patron a délégué l’ombre de lui-même, totalement invisible dans le noir. Boitillante, celle-ci s’approche de moi, me frôle et me glisse dans la poche un morceau de papier d’écolier plié en soixante-douze.
Après avoir vérifié que je suis bien seul, je déplie délicatement la missive. L’unique page de l’opus est blanche. Ceci ne me déroute pas le moins du monde, tant j’ai perfectionné l’art de lire entre les lignes même quand il n’y en a aucune. Les ordres sont d’une grande simplicité et, en substance, me signifient que… Toutes mes excuses, le reste ne saurait être divulgué. Je peux aussi lire que, si je suis capturé ou tué, un fonctionnaire à la langue fourchue ira raconter à ma maman par quels moyens peu avouables j’assure mon existence. L’affaire s’annonce sérieuse.
SEQUENCE 3 BREAK « HOME SWEET HOME »
Je décide de rentrer chez moi en faisant de multiples détours, retours et galipettes afin de déjouer toute filature. J’habite au rez-de-chaussée d’un immeuble sans étage, précaution utile pour toute personne dont le salut réside parfois dans la fuite. Entré chez moi, je quitte mon identité d’emprunt que je plie soigneusement et range dans la commode de ma chambre à coucher. Puis, bien installé dans mon fauteuil préféré, je chante à tue-tête La Cucaracha, seule façon efficace pour moi de me concentrer. J’ai besoin d’informations. Or, on en trouve de très bonnes auprès d’informateurs professionnels. Une visite chez l’un d’eux s’impose. Sur ce, je décide de prendre une bonne nuit de repos.
SEQUENCE 4 ENQUETE – PAS D’OPTIONS (Je sens une légère perte de contrôle).
Au lever du soleil, réveillé par le vigoureux chant du porc noir de Sardaigne, je bondis de mon lit, fait une toilette rapide, ingurgite un frugal petit déjeuner, endosse à la va vite une identité floue et me précipite chez l’Informateur. Pour protéger mes sources, j’ignore où trouver celui-ci, je m’y rends donc sans hésiter. Malgré toutes ces précautions, l’impression que quelque chose me suit comme l’ombre d’un autre persiste. Arrivé sur les lieux, je toque discrètement à la porte. Un majordome en costume de frelon, pantalon noir et gilet rayé jaune, me demande hautainement ce que je désire. Je lui remets une carte de visite totalement vierge en le pressant de la faire parvenir à son employeur. Celui-ci apparait en personne, l’air contrarié :
- Ah, c’est vous !
- Non.
- Je m’en doutais, entrez. Que puis-je faire pour vous ?
- Où trouve-t-on actuellement en circulation des armes d’un calibre très exagéré ?
- De-ci, de-là.
- Où trouve-t-on actuellement de consternants maladroits pour s’en servir ?
- Par-ci, par-là.
- Comment vont les affaires ?
- Couci-couça.
Les progrès s’annoncent fulgurants. Pour preuve de sa bonne volonté, l’Informateur me procure la fausse identité d’un contact, dénommé le Contact, qui pourrait me fournir d’autres imprécisions d’une valeur inestimable.
SEQUENCE 5 RENCONTRE – JE CHOISIS LE CONTACT (Yesss Bis!)
Sans perdre un instant, j’organise une rencontre avec le Contact. Elle doit avoir lieu quelque part et non pas ailleurs comme on s’y serait attendu et au bon moment, le tout réciproquement et à la grande confusion des débutants. Je remets donc par prudence le rendez-vous à plus tard. Quand je m’y présente, le Contact m’attend comme convenu.
- Les sanglots longs des violons.
- Les carottes sont cuites.
L’échange de mots de passe ayant eu lieu, nos regards peuvent se croiser sans crainte.
L’aisance à me mouvoir en eaux peu limpides n’est d’aucun secours pour faire face au trouble immédiat que je ressens. Je vois bien que le Contact tente aussi de se faire une fausse idée de la situation. Rien n’y fait. Nous éprouvons tous les deux plus qu’une simple envie de biaiser.
SEQUENCE 6 END GAME / AMOUR – CREVECOEUR – RETOUR AU DEBUT (pas de fin ? La perte de contrôle se confirme).
AVERTISSEMENT : LES 3 OPTIONS SONT EN FONCTION SIMULTANEE.
Merci.
Sans un mot, je laisse tomber ma couverture et lui apparait totalement nu. Elle aussi. Quelle imprudence ! Quel bonheur !
- Je vous aime.
- Je vous aime.
Une ombre, que le coucher de soleil étire cruellement, ce qui réveille une vieille douleur au bas de son dos, épaule maladroitement une arme de calibre très exagéré et tire. La balle fend l’air en vrombissant, traverse mon cœur puis celui du Contact, entre par la porte, perfore le mur de la bibliothèque, etc…La boucle est bouclée.
C’était bien, triste et je reprends au début. A priori pas d’option de sortie. J’aurais dû demander avant.
Adieu.
Si vous avez éprouvé, lors de cette séance de réalité virtuelle un peu inhabituelle, des troubles mineurs de la perception ou autres, c’est que votre cerveau fonctionne bien, car il refuse de se voir privé des informations et des points de repère (lieu, temps, sensations physiques etc.) qui lui sont nécessaires, l’accent étant mis sur la vision. Sinon, vous avez peut-être subi « un accroissement de l’expérience dissociative de dépersonnalisation et déréalisation avec une dévalorisation du réel objectif au profit de la réalité virtuelle » (Frederic Aardema, Psychologue).
Dans ce cas une promenade en forêt s’impose.
Sources :
Pour l’historiette: aucune (Dieu merci !)
Définition de la réalité virtuelle de Jean Segura sur le site du magazine Virtualité Réelle.
Citation F. Aardema dans « Comment la réalité virtuelle joue avec votre cerveau » de Bernard Monasterolo / Le Monde
Photos, par ordre d’apparition à l’image : Gary Oldman (La Taupe), Pierce Brosnan (James Bond), Super Mario (le seul plombier qui vient quand on l’appelle), La nuit étoilée (Vincent Van Gogh), Gene Tierney (Ah oui !), E.T., Melissa McCarthy (Spy) et quelques pictogrammes glanés selon les circonstances.