Profession : UX writer

Profession : UX Writer

Rencontre avec Nathalie Rilcy, UX researcher et UX writer.

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Après des études de lettres et de communication, Nathalie passe un diplôme de gestion de projet web. Elle travaille d’abord comme chargée de communication, notamment auprès de la Fondation Hulot, et attirée par le SEO (Search Engine Optimization) elle intègre une agence spécialisée dans le référencement naturel. Mais poussée par l’envie de travailler pour des clients qui lui ressemblent, elle choisit de se mettre à son compte et devient consultante SEO pendant 3 ans. Elle découvre en 2018 l’UX writing, en répondant à une offre de mission. Faute de formation, car l’UX writing émerge à peine en France à l’époque, elle décide de créer un meet-up réunissant des professionnels du métier, pour échanger autour de la pratique d’UX writer.


1) Peux-tu expliquer ce qu’est l’UX writing ?

C’est la User eXperience côté écriture ou comment proposer un contenu sur une interface qui soit le plus adapté au parcours de l’utilisateur. Le but n’est pas d’être visible ou de marquer les esprits, mais d’être vraiment adéquat. L’utilisateur n’est même pas censé se rendre compte qu’il y a un texte quand il navigue sur l’interface, tellement celui-ci facilite son parcours et qu’il a les infos dont il a besoin à chaque étape.

En microcopie, on travaille sur des petits éléments du contenu comme les titres, les labels des formulaires, l’aide contextuelle des mots de passe ou encore les fameux boutons Call to Action.

L’UX Writing consiste aussi à homogénéiser la façon dont on écrit les chiffres (dates, heures, devise…) par exemple.

Il sert aussi à encourager l’utilisateur lors d’une action pénible ou difficile. Et aussi lorsque l’utilisateur prend un risque (par exemple au moment de payer à la fin d’un tunnel d’achat). Il faut alors trouver les mots pour le rassurer et le mettre en confiance.

On va travailler également sur les messages d’erreur, les messages de confirmation, les pages 404.

Tout ça se fait dans le cadre d’un « Tone Of Voice », défini au préalable, qui est le ton et la voix de la marque. Ce Tone Of Voice c’est l’identité de la marque, il intègre ses valeurs et la façon dont elle va s’adresser à ses utilisateurs. Il est important qu’il soit cohérent sur l’ensemble de l’interface. Avec l’UX Writing, on n’est pas du tout sur du contenu journalistique ou du content strategy (le fameux effet « waouh »), on est vraiment sur quelque chose de plus humble, qui a pour principale mission de faciliter le parcours de l’utilisateur.

2) Comment l’UX writing est apparu ?

L’UX Writing est officiellement apparu en 2009 par Joshua Porter, UX Designer américain qui a fait l’expérience de l’UX Writing lors de la création d’un formulaire de paiement sur un site de e-commerce. Il s’était rendu compte que le paiement des utilisateurs échouait souvent parce que l’adresse qu’ils rentraient ne correspondait pas à celle de leur carte paiement. Il a donc rajouté une phrase dans le formulaire (“Assurez-vous que l’adresse que vous rentrez correspond bien à celle de votre carte de paiement”) et à partir de là, il n’y a plus eu d’erreur de paiement. Il a partagé cette expérience sur son blog : l’UX Writing était né.

Aujourd’hui, l’UX Writing a le vent en poupe parce que de plus en plus d’équipes Design se rendent compte qu’il s’agit d’un vrai métier qui engage des réflexions profondes et de sérieuses compétences rédactionnelles.

3) Comment es-tu devenue UX writer ?

J’ai découvert l’UX Writing en 2018. Et j’ai compris que c’était quelque chose que je savais déjà faire car j’avais déjà plusieurs expériences différentes qui se retrouvaient dans le métier. Avoir fait de la communication m’a bien sûr beaucoup aidée et être en couple avec un designer aussi, car j’ai une façon d’aborder les choses très « UX ».

Quand je faisais du SEO en 2011, j’étais déjà orientée utilisateur à l’époque. L’agence qui m’employait me disait : « Tu écris pour des moteurs de recherche, pas pour des gens. Le but c’est d’être positionné dans SERPs». Il y a 10 ans, c’est vrai qu’on pouvait se permettre de ne pas être orienté utilisateur, car le but c’était d’être positionné et peu importe ce que vivait la personne… Mais moi ça me gênait profondément, parce que j’étais déjà sensibilisée à l’UX à l’époque.

Depuis l’UX et l’utilisateur sont devenus des critères importants pris en compte par les moteurs de recherche. Il était temps !

https://blog.mbadmb.com/wp-content/uploads/2021/04/Nathalie_Rilcy_Photo-400×200.jpg4) A quel moment tu interviens lors d’un projet de site ou d’application ?

Je peux intervenir à différentes étapes.
En amont déjà, avec des designers en phase d’idéation. Ou sur des prototypes, eux font les features et moi je gère le wording.
Parfois, je me retrouve sur un produit qui a déjà été lancé et où il y a un problème d’UX Writing, dans ces cas là, je commence par auditer le contenu de l’interface, généralement je fais des interviews et/ou des tests utilisateurs pour mieux comprendre où le bât blesse puis je retravaille le contenu des écrans avec les designers. Je peux aussi intervenir lors d’une refonte, justement parce qu’on a constaté des frictions sur certaines zones du parcours utilisateurs. Tout dépend des projets et des besoins. Mais l’idéal, pour moi, reste quand même d’arriver en début de projet et de démarrer en même temps que les équipes Design.

5) Pourquoi l’User Experience est devenue si importante aujourd’hui ?

Car ça fait partie d’une continuité. On a toujours dit que le client était roi, mais on avait beau le dire, ce n’était pas forcément une réalité, alors que pourtant il est décisionnaire : c’est lui qui achète, c’est lui qui est l’objectif final d’un service ou d’un produit. Et je pense qu’à un moment il y a eu un vrai besoin de se positionner du côté du client, de le considérer à travers son usage du produit/service, de se mettre à penser comme lui pour lui proposer la meilleure expérience possible. S’en faire un allié plutôt qu’une contrainte. C’est pour ça que l’UX Design est devenu aussi important et c’est pour ça surtout que ça a fonctionné.

On voit Uber par exemple, c’est clairement un service pensé pour les utilisateurs par un utilisateur. Il est né d’une insatisfaction à trouver un taxi que l’on soit à Paris ou à San Francisco. Face à un ça, un nouveau service est apparu qui correspondait au besoin profond de pas mal d’usagers parisiens et internationaux. Et ça a fonctionné tout de suite parce qu’il y avait un vrai besoin. Travis Kalanick, le fondateur d’Uber a su viser juste à l’époque.

Donc c’est pour ça que le design est devenu aussi important et c’est pour ça surtout que ça a fonctionné. On voit Uber par exemple, c’est clairement un produit design, c’est né d’une insatisfaction à trouver un taxi, face à un ça un nouveau service est apparu qui correspondait à un besoin profond. Et ça a fonctionné tout de suite et parce qu’il avait un vrai besoin. La personne qui a créé Uber était du côté de l’utilisateur au moment où elle a eu l’idée.

6) Quelle sont les particularités de la rédaction UX ?

On ne peut être dans l’égo car on est la voix d’une marque, mais aussi la voix des utilisateurs. Donc est vraiment entre 2 mondes. On doit reprendre les mots de nos utilisateurs, qui ne sont pas forcément ce qu’on aurait pensé mettre, mais on est obligés car on s’adresse à eux, on pense à eux et on veut que ce soit facile pour eux.

Et en même temps on est la voix d’une marque et on est aussi censés épouser son ton, sa façon de parler, ses codes…etc. Donc ça demande beaucoup d’effacement l’écriture UX.

On est aussi sur quelque chose d’épuré, sur de la micro-copie, on va travailler sur des petites parties de texte, des parties ingrates (écrire des libellés ce n’est vraiment pas sexy) mais le but c’est d’écrire des choses qui sont les plus concises possibles, les plus claires… Donc c’est une écriture qui est quand même assez technique, parce qu’on cherche beaucoup d’infos avant de pouvoir se permettre s’écrire, on a beaucoup de contraintes… Par exemple il arrive qu’on écrive pour des applications, alors on a peu d’espace, on doit pouvoir rentrer dans la toute petite case que le designer a trouvé bon de nous laisser et donc ce n’est pas simple…

Des fois, on travaille aussi sur des applications dans d’autres langues et ça peut être complexe aussi. On va devoir par exemple retranscrire des textes anglais en français, mais en anglais ils utilisent des tournures beaucoup plus courtes et nous on va devoir trouver un moyen de garder le même sens, le même ton, mais avec la même petite case (alors que pour nous la tournure est plus longue…)

En résumé c’est assez technique et contraignant et ça demande beaucoup d’humilité parce qu’il va falloir revoir sa copie tout le temps, puisqu’on va la tester auprès des utilisateurs.

7) Qu’est-ce qui te plait dans ton métier ?

Ce qui me plaît, c’est justement de créer dans la contrainte. J’ai du mal avec la page blanche. La contrainte me demande de trouver des façons de contourner les choses. Finalement elle m’aide à développer ma créativité, c’est assez stimulant pour moi. Et du coup, c’est assez surprenant de voir ce que je suis capable de proposer au milieu de toutes ces injonctions, tous ces besoins différents au départ. Je trouve ça assez jouissif.

8) Qu’est-ce qui te plait moins ?

C’est d’arriver en fin de projet. Et ça m’est déjà arrivé : on m’a demandé en 5 jours de revoir le contenu d’un parcours entier, qui ne pouvait être retravaillé du point de vue UX car “tout avait déjà été fait”. Donc les designers ne voulaient pas remettre en question le flow de l’interface et ne comprenaient pas qu’en tant qu’UX Writer j’avais besoin d’avoir accès aux tests utilisateurs et de discuter du flow de l’interface avec eux. Je ne devais faire que du writing, le problème c’était le writing. Et bien, ça je déteste. Je ne fais pas de miracles ! J’ai besoin de travailler en amont, de discuter avec les équipes, que ce soit ouvert et que tout le monde puisse avancer ensemble avec respect et bienveillance.

9) Quels conseils tu donnerais à quelqu’un qui veut se lancer dans le métier d’UX writer ?

D’être curieux, de partir à la recherche d’infos, de gens, de communautés. D’être à l’écoute, humble et d’avoir confiance en soi. Humble parce qu’on se met au service des autres et en même temps avoir confiance en soi parce qu’on a suffisamment de connaissances et d’expérience de la vie pour savoir dans quelle direction aller.

Et puis l’UX Writing fait partie des nouveaux métiers, il y a donc beaucoup d’auto-formation. Quelques certifications existent quand même et des écoles de Design commencent aussi à proposer l’UX Writing en formation. Il y a aussi une agence, en France, Speak UX! qui fait du Design conversationnel et qui donne des formations en UX Writing.

En tout cas, il y a des débouchés. L’UX Writing est un buzz word, il y a beaucoup de demandes.

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