L’I.A en musique: L’art de composer un compositeur ?

De plus en plus d’entreprises et de développeurs s’aventurent sur le terrain de la musique, et en particulier celui de la composition musicale. Grâce aux méthodes de deep learning et de reconnaissance de patterns de plus en plus précis intégrés dans les programmes d’I.A, on observe des résultats bluffants bien qu’encore loin de la sensibilité humaine. 

Ainsi, il s’agit là d’un des nombreux exemples de comment l’IA peut changer la culture, la musique, et par extension, la société.

Daft punk c’était que le début

Prenons quelques instants pour apprécier ce titre contemplatif composé par Emily Howell. Qui est Emily Howell ? C’est un tas de code pour qui les notes ne sont qu’un enchaînement logique observé dans de multiples autres titres. Les développeurs, après une série de consignes données à Emily, laissent le programme faire son job, et tada ! Un morceau est né.

Excepté que ça n’est pas si simple. En effet, écrire un morceau nécessite un système complexe de références culturelles, techniques et une conscience du champ d’attente des auditeurs, souvent pour pouvoir encore mieux s’en écarter. C’est une métaréflexion dont les intelligences artificielles ne sont pas encore capables. 

Le Fabuleux Destin d’Emily Howell

Emily, une IA compositrice, a été conçue à l’Université de Santa Cruz en Californie, par le professeur David Cope. Pour en savoir plus, je me suis entretenu avec ce dernier pour discuter de l’avenir de la composition assistée par l’I.A :

Quelle était l’intention originelle pour la conception de Emily, et qu’est-ce qui la différencie des autres projets entrepris en la matière ?

Le programme précédent auquel j’avais participé (Experiments in Musical Intelligence ou EMMY) était un algorithme de génération de musique classique qui composait en fonction de sa base de données en appuyant sur un unique bouton pour ainsi dire. Avec Emily, je voulais également générer une interface pour pouvoir lui spécifier différentes directives. Je pouvais lui ‘parler’ pendant qu’elle composait. C’était une approche beaucoup plus user-friendly.

Les premiers résultats étaient-ils satisfaisants ? Qu’est-ce qui faisait ressortir les compositions comme étant faites par une machine uniquement ? 

Pas du tout satisfaisants, et j’ai réalisé qu’il fallait que je développe des procédés de ‘conversation’ avec Emily pour obtenir de meilleurs résultats. 

Ce que nous faisons (…) c’est créer des outils avec l’espoir qu’ils soient capables d’êtres en compétition avec les humains, voire même les surpasser

– Pr.David Cope

Vous attendez vous à ce que les I.A puissent bientôt composer sans l’apport d’expérience humaine ? Avec seulement des bases de données de référence à disposition ? 

Absolument, et pour BIENTÔT (sic). Ce qu’on fait avec ces expériences c’est affiner nos connaissances et nos méthodes pour créer des outils avec l’espoir qu’ils soient capables d’être en compétition avec les humains, voire même les surpasser. Pourquoi ? Nous apprenons comment les humains le font. Souvenez-vous, les compositeurs humains existeront toujours. Ce n’est pas une question de musique totalement humaine ou automatisée. In fine ce sont les humains qui en profiteront.

Comment expliquez-vous le fait que quoique la musique soit composée par une IA, par définition sans émotions ressenties (ndlr. pour l’instant), on puisse ressentir une réelle expression dans les compositions ? 

Je ressens une réaction émotionnelle quand je vois un beau coucher de soleil ou une chaîne de montagnes. Ces derniers n’ont pas d’émotions à ce que je sache. 

Comment les compositeurs pourraient alors utiliser cet outil pour innover ? Est-ce que cela s’appliquerait par exemple à la musique atonale ? 

Les compositeurs (par exemple) adorent innover, mais cela prend du temps. Avec une assistance par ordinateur, ils peuvent faire en quelques minutes ce qu’il leur prendrait plusieurs mois à faire sans.

Encore mieux, avec la musique faite par une machine, il n’y a pas de problème légal. On peut ‘voler la musique’ et ne pas risquer de poursuite.

Merci au professeur David Cope pour son témoignage. Ci-dessous, le lien d’écoute du dernier disque d’Emily.

Le crescendo progressif de l’I.A compositrice

In fine, un compositeur virtuel convaincant pourrait avoir un impact considérable. Ainsi, l’I.A pourrait avoir un impact non seulement sur l’industrie de la musique, mais aussi sur tous les secteurs utilisant de la musique. La publicité, les commerces locaux, le cinéma et de nombreuses autres activités seront transformés le jour où une machine pourra interpréter les consignes données (souvent vagues et sujettes à interprétation) de manière fluide et construite.

À votre avis, pourra-t-on, à l’avenir, se passer de l’Homme pour créer ce qu’il a de plus sincère ?

On attend vos avis dans les commentaires !