Les chiffres sont indéniables : Internet a bousculé les conventions existantes du marché de l’art aussi bien en terme de découverte que d’achat. Avec la multiplication des plateformes, le nombre d’acteurs est à son apogée.
Au début réticents à la digitalisation, les agents ont rapidement compris que cette dernière était incontournable. Selon l e dernier Hiscox Online Art Trade Report 2016, le marché de l’art mondial en ligne serait le nouveau terrain à investir. 3.27 milliards de dollars 2015, une augmentation de 24% des résultats enregistrés 2014. Les très grandes entreprises du marché ont redoublé d’efforts sur le développement d’une activité commerciale en ligne. Christie’s par exemple a multiplié par 7 le nombre d’expériences digitales pour arriver dès 2013 à organiser 40 enchères en ligne, totalisant plus de 20,8 millions de dollars et réunissant des acheteurs de plus de 100 pays différents.
L’accélération de la circulation de l’information permet l’accélération des échanges et une modification de la cartographie du marché de l’art. L’accès se soustrait de l’espace de localisation et permet donc de développer des entités identifiables internationalement à moindre coût.
La démocratisation du marché de l’art online
Les pure-players telles qu’Artsy ou Artnet aident du certaines manière à franchir le cap de la galerie. Tout est étudié pour fournir des informations de qualité : détails de l’oeuvre, photos, provenance et les experts affiliés permettent de rassurer l’acheteur. La propension du « click and buy » tend donc considérablement à augmenter.
Autre atout, ils permettent l’achat «peer-to-peer», limitant le nombre d’intermédiaires initiés habituellement dans la transaction des oeuvres. Ainsi, les coûts périphériques aux acquisitions sont réduits (commissions), leurs valeurs aussi.
Ces plateformes ont ainsi permis de démocratiser le marché et son identité. Nombreux individus étaient intimidés à l’idée de se rendre en galerie, on peut maintenant acheter une oeuvre d’art sans pour autant y mettre les pieds. Un cercle de nouveaux amateurs d’art, éloigné du circuit historique galerie/auctionhouses/musée est donc touché.
Le numérique a permis d’ouvrir la porte à des collectionneurs qui étaient hors-champ des points centraux du marché de l’art (New York, Londres, Hong Kong, Miami, Shanghai, Paris…), mettant l’emphase sur les marchés émergents (Brésil, Inde, Mexique, Corée du Sud…) notamment grâce aux canaux de diffusion multiples. Un artiste pour se faire connaître peut se créer un site internet et développer une sphère d’influence via les réseaux sociaux. Ainsi, un amateur chinois à la même possibilité de découvrir un artiste brésilien qu’un artiste coréen ou australien. Les forces historiques du marché ont perdu un peu de leur influence dans la diffusion de l’information, bien que leur légitimité permettra un meilleur engagement.
Le défi de l’omnicanalité
Cette tendance digitale s’accroit du fait que les jeunes collectionneurs ont grandi avec les nouvelles technologies et sont de plus en plus enclin à acheter de l’art par ce canal. 19% d’entre eux y ont d’ailleurs effectué leur premier achat.
Tous profils d’acheteurs confondus, 75% s’estiment maintenant capables d’acheter des oeuvres sur simple descriptif. Le visuel et la réputation de l’oeuvre en ligne suffiraient à motiver l’achat, sans déplacement aussi bien lors d’une acquisition « passion » que dans le cas d’un investissement.
Malgré cet engouement, Internet permet notamment de dynamiser à échelle internationale le segment des pièces estimées entre 500€ – 10000€ (45% des ventes), contre seulement 10% d’achats supérieurs à 50000€. Pour les ventes plus importantes, le dialogue avec un expert reste prédominant. L’acte d’achat ne se joue pas uniquement sur l’immédiateté et l’instinctif comme un bien ordinaire. Les transactions, surtout celles des oeuvres magistrales, ont besoin d’un déplacement physique. La réputation du vendeur reste très influente et les transactions de grandes valeurs sont encore des freins à l’élargissement des ventes en ligne. La sécurité des échanges monétaires freine beaucoup l’investissement sur ces plateformes. En effet, les oeuvres d’art font partis des « produits » les plus chers, disponibles à l’acquisition en ligne.
La présence physique, sur rue, contribue à une meilleure percée sur le web. Les deux activités sont donc complémentaires et participent à l’alimentation de leur circuits respectifs.
C’est sans doute dans cette optique que les agents du marché de l’art ont tout intérêt à développer et assurer une cohérence entre tous les réseaux physiques et numériques.
Les problématiques d’un marché spécialisé
Un des problèmes soulevés par certains marchands est lié à la disponibilité des informations tarifaires sur des sites tels que l’AMA ou Art Price. Elle joue sur l’influence des côtes artistique. Les collectionneurs ont tendance à se renseigner davantage sur le prix de leur acquisition.
Les prix généralement renseignés ne sont pas garants d’une évaluation concrète et dépendent généralement des enchères :
- soit le collectionneur se réfère à l’estimation basse donnée qui ne correspond pas à la valeur réelle si la pièce n’a pas été vendue
- soit à une vente qui peut avoir été plus ou moins un succès, mais dont les résultats peuvent être très fluctuants.
L’avis des collectionneurs est biaisé. Ainsi ces derniers n’hésitent plus à remettre l’avis des marchands en question. Les marchands ont perdu leur autorité sur l’établissement des côtés. Internet remet en cause d’une certaine manière leur légitimité et inclut de nouvelles problématiques qui impliquent une refonte des circuits existants: Comment promouvoir en tenant compte du statut attribué à l’artiste, aux agent commerciaux et aux musées?
Une autre problématique soulevée est celle de la législation internationale du marché de l’art et de la propriété intellectuelle et artistique.
La diffusion d’une oeuvre est soumise à différents droits de reproduction. Si certains acteurs ont choisi de le faire perdurer sur les réseaux en ligne, la perméabilité des liens ne permet pas un contrôle de la diffusion. Ce segment est amenée aussi à être modifié. Les détenteurs des droits devront s’adapter à la demande et aux différents flux : site d’information, e-books… Il est vrai que le manque à gagner est faible (ces sommes étant dérisoires comparées aux résultats du marché), mais il induit un changement des institutions de contrôle, de reversement et d’une certaine manière la notion de propriété.