Les réseaux sociaux ont révolutionné la manière dont nous interagissons avec le monde, y compris dans le domaine du sport. Dans le football professionnel, leur impact est d’autant plus palpable. Les clubs, autrefois limités par les frontières géographiques et les médias traditionnels, ont vu s’ouvrir à eux une plateforme mondiale, touchant des supporters des quatre coins de la planète.
Un moyen efficace de création de communauté pour les clubs
La première force des réseaux sociaux pour les clubs de football est incontestablement leur capacité à créer et fédérer une communauté. Avant l’ère digitale, la majorité des interactions entre les supporters et leur club se limitaient aux matchs, aux abonnements à des magazines ou aux nouvelles diffusées à la télévision. Désormais, grâce aux réseaux sociaux, cette interaction est quotidienne, immédiate et bidirectionnelle. La création de supporters se faisait à travers les résultats sportifs et l’engouement populaire que le club engendrait. Par exemple on se souvient tous de l’épopée de l’AS Saint-Etienne en 1976 où toute la France soutenait ceux que l’on appelait les verts. Une génération qui n’avait que la télévision, la radio ou le journal papier pour suivre les exploits de leurs joueurs. On pense également au titre de champion d’Europe de l’OM en 1993 qui a mobilisé toute la France derrière l’équipe phocéenne, et qui naturellement a marqué des générations. Nous en parlions dans ce mémoire, la transmission générationnelle était autrefois l’adhésion la plus répandue et la génération de supporters par excellence, et ce avec les résultats. Dorénavant, le football s’est avec les décennies médiatisés, et les gens à travers le monde ont de plus en plus accès aux innovations technologiques leur permettant de suivre régulièrement les performances de leurs joueurs ou de leur club. Car oui nous avons précédemment que les générations actuelles sont autant attachées aux protagonistes qu’à l’institution. Le phénomène de starification s’est amplifié au fur et à mesure des années et le digital n’y est pas étranger. Les réseaux sociaux ont mis en lumière les stars sous un autre angle que les magazines ou la télévision, donnant aux socionautes l’impression que ce sont des utilisateurs « comme eux ». Donc la proximité tend à l’engagement et à l’adhésion. Cette transition est manifeste dans les mouvements spectaculaires de deux des plus grands footballeurs de notre génération. L’arrivée de Cristiano Ronaldo à Al-Nassr a provoqué une véritable tempête médiatique. La simple publication annonçant son transfert sur le compte Instagram du club a récolté plus de 25 millions de likes. En l’espace de 24 heures, le compte Twitter d’Al-Nassr a engrangé 450 000 abonnés supplémentaires et le hashtag #RonaldoAlNassr a été mentionné plus de 100 millions de fois. Ces publications relatives à Ronaldo ont culminé à plus de 2 milliards d’impressions globales. Cette manne médiatique n’est pas seulement le reflet de l’impact d’un grand joueur sur un club, elle symbolise le pouvoir d’un individu à redéfinir l’identité numérique d’une équipe entière, multipliant sa visibilité et sa portée.
De manière similaire, le transfert de Lionel Messi à l’Inter Miami a redéfini l’empreinte digitale du club sur les réseaux sociaux. L’annonce a propulsé le compte Instagram du club, avec un gain impressionnant de 5 millions d’abonnés en 24 heures. Les comptes Twitter du club et de Messi lui-même ont également vu leurs abonnés augmenter de façon spectaculaire, respectivement de 200 000 et 100 000. Ces mouvements massifs de suivis sur les plateformes sociales révèlent une vérité incontournable : dans le football d’aujourd’hui, les joueurs de renommée mondiale sont bien plus que de simples actifs sur le terrain. Ils sont de puissants vecteurs de marque, capables de transformer l’identité d’un club et d’étendre sa portée à l’international presque instantanément. Les clubs qui reconnaissent et exploitent ce potentiel peuvent non seulement élargir leur base de fans, mais aussi forger de nouvelles communautés de supporters à travers le monde.
Pur un club de football, la gestion des communautés extérieures à l’échelle locale se veut être un objectif crucial. Il faut jongler entre identité locale et rassembler les communautés extérieures. Cela dépend de la taille du club et naturellement de sa fan base. Par exemple, un club comme le SC Bastia possède une identité très forte avec une communauté majoritaire de locaux ou de corses qui vivent au-delà des frontières de l’ile de beauté. Ainsi le club communique de temps en temps en langue corse sur des pages sociales avec la traduction en français. Pour des clubs de renommée internationale comme le FC Barcelone, Manchester United ou le Paris Saint-Germain, les réseaux sociaux sont un outil inestimable. Par exemple, ces clubs comptent des millions de followers sur des plateformes comme Instagram, Twitter ou Facebook, provenant de pays aussi variés que l’Inde, l’Indonésie, le Brésil ou les États-Unis. Une telle diversité offre à ces équipes une portée mondiale, mais aussi un défi : comment répondre aux attentes de ces diverses communautés culturellement différentes ? Ouvrir des comptes par pays. L’OM, au même titre que le PSG, est l’un des rares clubs français pouvant se targuer d’avoir une communauté internationale, et des supporters sur tous les continents. Mais créer du lien avec ses fanbase éloignées fut l’une des grandes problématiques. Alors la stratégie digitale de l’OM a été de diversifier et de marteler sa communication sur différents réseaux sociaux afin de toucher des communautés aux attentes différentes : Facebook, Instagram, Twitter, TikTok, Youtube, Twitch. Nous avons que le club s’était adapté aux codes propres de chaque réseau social. L’Olympique de Marseille, fort d’une communauté de 15 millions de personnes, témoigne du potentiel des réseaux sociaux dans le sport moderne. Pour le club, ce chiffre n’est pas une fin en soi. Il cherche constamment à renforcer son engagement tout en étendant sa présence. Sa capacité à s’adapter rapidement aux nouvelles tendances est manifeste, comme le montre son incursion sur Twitch. Sur cette plateforme, lors de la diffusion de matchs amicaux, il a su captiver près de 300 000 spectateurs. Mais il ne s’arrête pas là. Il innove également en proposant de nouveaux formats permettant aux supporters de voir leurs joueurs favoris sous un jour nouveau. Le club est conscient que bon nombre de ses supporters sont éparpillés aux quatre coins du monde, loin de l’effervescence de l’Orange Vélodrome. Les médias sociaux sont donc devenus des outils cruciaux pour maintenir et renforcer ce lien vital avec sa base de fans. Dans cette optique, l’Olympique de Marseille a renouvelé son engagement en relançant son compte Twitter en portugais et en continuant à s’exprimer en anglais et en espagnol sur diverses plateformes, veillant à ce que son rayonnement reste bien ancré à l’international.


Fréquence de publication et performances sociales pour les clubs de football
Au niveau social media, différentes écoles s’opposent et peu importe les domaines d’activités. Le fameux débat qui divise les Community Managers du monde entier : la fréquence de publication a-t-il un impact sur les performances d’une page ? Naturellement, au cumulé des impressions et de la portée, il est possible que la réponse soit oui. Néanmoins la qualité ne prévaut-elle pas sur une quantité travaillée aléatoirement ? Question rhétorique. Aujourd’hui la vidéo a imposé sa loi dans le monde des réseaux sociaux, et la combinaison sonore et visuelle de TikTok n’y est pas étrangère. Ainsi, les supporters demandent plus d’intimité, d’être au cœur du vestiaire, dans les coulisses des matchs, au plus près de leurs idoles même la semaine à l’entrainement. D’où la diversité des publications adaptées à chaque réseau social avec des formats plus ou moins statiques, plus ou moins sonores, plus ou moins longs. Dans le monde du Football, l’Ajax Amsterdam fait partie des exemples avec des vidéos d’une qualité HD, des visuels travaillés et beaucoup de contenu au plus près des acteurs principaux. L’AFC Ajax a également été à l’origine des 5 publications les plus performantes de 2022. Il est notable que toutes ces publications étaient sur TikTok. En trois ans, l’AFC Ajax a fait de TikTok son compte de média social le plus suivi. Cependant, en termes de valeur, TikTok reste loin derrière Instagram. La principale raison en est le volume de contenu : selon Olivier Spaeth sur son LinkedIn, l’AFC Ajax a publié 17 fois plus de contenus sur Instagram, principalement grâce à la fonctionnalité des stories. Un lien de cause a effet qui nourrit l’idée d’une grande présence et que stratégiquement les réseaux sociaux sont un moyen de génération de viralité et donc de recrutement de fans. Nous-mêmes sommes abonnés aux pages de ce club sans le supporter. Cependant l’image de marque que l’on a, grâce à leurs réseaux sociaux en partie, impliquent une adhésion, aussi petite quelle soit.
Dans le monde du sport les réseaux sociaux sont le moyen le plus propice pour générer de l’engagement et de la visibilité. Ce qui est le nerf de la guerre. Néanmoins, le football est le sport qui génère sûrement le plus d’attractivité au milieu de tous les autres sports. En témoigne ce graphique ci-dessous montrant les ligues sportives de divers sports et de plusieurs ligues confondues entre le continent européen et nord-américain. Nous pouvons voir que les acteurs ayant un excellent taux d’engagement (au-dessus de 5%) sont : l’Indian Premier League, la Superlig turque, la Ligue 1 Uber Eat, La Liga, la Serie A, la Bundesliga, la liga Brasileiro ou encore l’Eredevise. Seule la F1 existe autour de toutes ces ligues footballistiques. Néanmoins, au regard des volumes de publications, hormis la Premier League anglaise, La Liga espagnole et la Liga Brasileiro, tous les championnats ont des volumes de publications modérés au cumul des clubs. La Premier League continue d’être la ligue dominante dans le monde avec le plus grand nombre de followers et de valeur générée, suivie par La Liga. La domination anglaise et espagnole, incluant deux deuxièmes divisions, à savoir l’EFL Championship et La Liga 2, figurent sur la liste des 25 meilleures. Ce qui veut qu’à travers ce graphique la qualité prévaut sur la quantité.

Au regard des top clubs mondiaux les plus suivis sur les réseaux sociaux, il y a une sensible corrélation dans le top 3 entre les clubs les plus suivis sur les plateformes soc et ceux générant le plus de revenus. Les 25 équipes de pointe représentent près de 50% de la valeur économique créée par les 25 ligues les plus importantes, rassemblant également environ la moitié de l’audience globale. Collectivement, elles captent une audience impressionnante de 2,4 milliards et établissent une valeur annuelle de 1,4 milliard d’euros. Il est notable de voir comment certaines ligues et équipes majeures ont massivement augmenté leur portée et leur impact financier. Le Paris Saint-Germain est particulièrement remarquable à cet égard, ayant multiplié par deux son audience et la valeur dérivée depuis 2020. Le Real Madrid mérite également d’être souligné pour avoir doublé la valeur de ses actifs numériques. Dans le contexte international, les équipes brésiliennes se distinguent, notamment Flamengo et Corinthians, qui se classent parmi les dix meilleures équipes en termes de valeur générée. Leur réussite est renforcée par leur fréquence de publication élevée au cours de la dernière année, sans compromettre l’engagement de leurs fans. À titre d’illustration, bien que Flamengo ait posté 29 809 fois, comparativement aux 5 051 publications des Los Angeles Lakers, l’équipe brésilienne a maintenu un taux d’engagement supérieur.


Le graphique ci-dessous présente également le rapport entre nombre de post et engagement sur les réseaux sociaux, par rapport aux 25 clubs présentés auparavant. Il est clairement évident qu’il n’y a pas de corrélation directe entre le volume de publications et le taux d’engagement. Cela témoigne de la tendance des fans à s’engager systématiquement avec les équipes sportives. Comme illustré par l’exemple brésilien, cette dynamique profite particulièrement aux équipes les plus actives. Ces équipes parviennent à générer davantage de valeur sans pour autant compromettre leur taux d’engagement. Une analyse qui appuie celle abordée précédemment où un nombre de post élevé n’induit pas forcément un engagement supérieur à 5%, qui se veut excellent.

Néanmoins, dans l’étude de l’interaction entre le volume de contenu publié et le taux d’engagement, la Premier League offre un aperçu significatif. En 2022, les trois clubs qui ont le plus publié sur leurs principaux réseaux sociaux étaient également ceux qui présentaient les taux d’engagement les plus élevés. Toutefois, cette tendance n’est pas universelle. Elle ne se confirme pas systématiquement à travers toutes les ligues, tous les sports, ni pour l’ensemble des clubs.

Un levier de croissance économique pour les clubs comme les joueurs
Dans le football moderne, les réseaux sociaux sont devenus un outil inestimable pour la croissance économique des clubs. Selon une étude de Deloitte de 2020, les revenus issus des médias, qui incluent les gains tirés des plateformes numériques et sociales, représentent la plus grande part des revenus pour les « Big Five » ligues européennes, totalisant environ 44% de l’ensemble des revenus. L’importance de cette croissance est également reflétée par l’évolution rapide de la valeur des contrats de droits de diffusion. Ces contrats prennent désormais en compte non seulement la télévision traditionnelle, mais aussi la diffusion en direct sur les plateformes de médias sociaux. Par exemple, Facebook avait acquis en 2017 les droits de diffusion de la Liga espagnole pour l’Asie du Sud pour un montant estimé à 90 millions d’euros sur trois saisons.
De plus, les clubs tirent une valeur directe de leur présence sur les médias sociaux à travers le sponsoring et la publicité. Chaque publication sur des plateformes comme Instagram, Twitter ou Facebook peut être monétisée si elle présente le logo ou le produit d’un sponsor. Manchester United, par exemple, a signé un accord avec Chevrolet qui inclut non seulement le logo sur le maillot, mais aussi la visibilité sur les réseaux sociaux, générant plusieurs millions d’euros supplémentaires chaque année. Les réseaux sociaux ont fait évoluer leurs fonctionnalités afin de devenir marketplace, et développer les stratégies e-commerce des clubs notamment à travers le social commerce. En effet, on peut voir que les clubs utilisent les réseaux sociaux comme vitrine de leurs merchandisings, avec notamment la Meta Marketplace. A travers cela, les plateformes sociales les clubs ajoutent à leur funnel de conversion un point de contact en plus, et permettent de diversifier leurs sources de revenus. Pour le fan, l’UX est davantage facilitée et ces fonctionnalités sociales leur permet de pouvoir accéder à une expérience depuis la plateforme. De plus, nous avons peu que la monétisation de réseaux sociaux comme TikTok ou très récemment X pouvaient être des compléments de revenus opportuns. Surtout à l’échelle des clubs précédemment cités. Cela engage les clubs à proposer du contenu régulier et attractif afin de toujours plus d’impressions pour la plateforme. Lorsque nous avions interviewés Alban Lipp, ce dernier nous expliquait que les moyens digitaux dont font partie les réseaux sociaux permettent de générer indirectement et directement des revenus : promotion du merchandising, communication sur la billetterie, communication sur les offres de services dans le stade, viralité et taille de la communauté pouvant attirer des joueurs et des sponsors. Et donc qui dit joueurs attractifs, dit vente de maillots. Un cercle vertueux que les médias sociaux alimentent sans cesse.
En 2023, les joueurs de football deviennent ce que l’on appelle des véritables cash machine, des entreprises qui se suffisent à elles-mêmes. Les grands joueurs attirent les fans et poussent les supporters à passer à l’action. Les footballeurs soignent davantage leur communication sur les réseaux sociaux. Ils communiquent comme de véritables marques avec une ligne éditoriale et du contenu souvent très qualitatif. Certains athlètes se font accompagner par des Community Manager voire des agences de création de contenu. Les supporters de football sauront que Karim Benzema sort régulièrement des reels sur les réseaux sociaux tournés par drone, à la mode d’un clip de rap. Les joueurs font preuve de personnal branding, et les fans voient les joueurs de football comme de véritables marques auxquels ils adhèrent. Les sponsors l’ont bien compris.
Ce phénomène se traduit de plus en plus en Arabie Saoudite dont l’objectif du pays est de placer ce championnat comme l’un des pays phares du ballon rond dans d’ici 2030. Les clubs dépensent beaucoup d’argent pour s’attirer les plus grandes stars du globe à commencer par Ronaldo, suivi de Benzema, Neymar et consort. Aujourd’hui dans chaque club joue un top joueur. Résultat ? Les fans s’intéressent aux clubs saoudiens, achètent des produirs dérivés, des maillots, s’abonnent sur les réseaux sociaux. Et donc les clubs bénéficient des mêmes leviers économiques que les gros clubs européens. Depuis quelques jours, le célère diffuseur français Canal + s’est octroyé les droits de diffusion du championnat saoudien, ce qui va faire monter les audiences, et donc accroître les communautés. De plus certains streameurs sur X ou TikTok diffusent les matchs en direct de leurs stars préférées. La communauté suit davantage les joueurs comme répété.
Ainsi, les médias sociaux ne sont pas seulement une plateforme pour renforcer l’engagement des fans, mais aussi un outil puissant qui permet aux clubs de football de générer des revenus significatifs. Dans un sport où la concurrence économique est aussi intense que sur le terrain, l’importance des réseaux sociaux en tant que levier de croissance économique ne peut être négligée.