Le rêve, l’humain et l’IA

Le rêve, l’humain et l’IA

Comment les humains rêvent-ils, l’IA peut-elle rêver ou pourra t-elle reproduire les rêves humains ? Ce mystère qu’est le rêve pourra-t-il être reproduit par l’Intelligence artificielle ?

Visualiser les rêves humains

Grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), ce que nous voyons à l’œil nu peut être enregistré à travers notre activité cérébrale. Depuis plus d’une décennie, les scientifiques cherchent à visualiser les rêves lucides avec cette technologie même s’il n’est toujours pas possible d’enregistrer les émotions ressenties lors d’un rêve.

Sous un appareil IRM, l’activité cérébrale d’un sujet en état de sommeil est analysée. Une fois un rêve détecté, le sujet est réveillé pour qu’il raconte ce dont il rêvait. En fonction de sa description, des images lui sont montrées pour enregistrer l’activité cérébrale également par la vue. En comparant ces données, les scientifiques ont remarqué que l’activité cérébrale est quasi identique lorsque la personne rêve d’un arbre et lorsqu’elle voit une photo d’arbre quand elle est réveillée. L’enregistrement sous IRM permet ainsi de visualiser les rêves lucides.

Néanmoins, il y a une légère différence de forme, qui n’est pas visible à l’œil humain, entre l’activité cérébrale provoquée en rêve et celle provoquée par la vue. De plus, parce que ces formes d’activité cérébrale sont uniques à chaque personne, tout comme notre empreinte, il faut développer des algorithmes de Machine Learning personnalisés au sujet près. En raison de cette complexité, un programme général qui permet de visualiser les rêves de chacun paraît difficile à développer.

L’IA peut-elle rêver ?

Les neurones humains sont actifs même lors du sommeil. Puisque les neurones artificiels de l’intelligence, sont inspirés de l’intelligence humaine, il ne serait pas impossible que l’IA rêve aussi un jour, tout comme les humains. Aujourd’hui, ce que l’on appelle les AI Dreams (les rêves de l’IA) ont une activité qui ressemble aux rêves humains puisque l’IA a très peu de contrôle sur ce dont elle rêve. 

Selon l’article de Henry Wilkin et Rebecca Clements publié pour une édition spéciale de l’IA en 2017 sur le blog de l’université de Harvard, Il est possible de classifier les rêves de l’IA en trois grandes catégories :

Rêves par accident (hallucinations) 

Pour apprendre, l’IA essaye plusieurs stratégies et choisit celle qui lui semble la plus optimale. Mais elle ne peut pas prouver que son choix est le meilleur ou même le plus logique. Le terme « hallucination » est utilisé lorsque l’IA donne une réponse absurde à une question ou lorsqu’elle attribue un sens à du charabia lors d’une traduction.

Quant à l’utilisation de l’expression « rêve » dans ce contexte, il s’agit des images que l’IA avait déjà «vu» avant mais qu’elle interprète mal. Le comportement de la plupart des IA qui rêvent est déterminé par une sorte de réseau neuronal artificiel, qui compose essentiellement le cerveau de l’IA. Pour des raisons inconnues, dans le cerveau de l’IA, une erreur surgit lors d’une analyse d’image et cette erreur résulte en des images loin de ce qui lui est montrée en réalité.

Selon les recherches réalisées par les scientifiques au MIT aux Etats-Unis, les hallucinations peuvent aussi être causées délibérément en manipulant les algorithmes d’IA pour lui faire croire qu’elle voit, par exemple, un chat sur une photo, alors qu’il n’y figure pas.

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Rêves avec des logiciels –  Google DeepDream

Les ingénieurs de DeepDream, un programme de vision par ordinateur créé par Google, cherchent à comprendre le fonctionnement interne des réseaux de nuerons artificiels. Ils montrent à leur IA des images légèrement déformées (noise injections) en la forçant à interpreter et à reproduire l’image. Les images psychédéliques que l’IA génère à partir de ces photos sont considérées comme des rêveries.

Cette méthode est utilisée parce que le cerveau des machines, comme celui des humains, ont tendance à faire preuve de sur-apprentissage (overfitting brain). C’est à dire que l’IA considère que le data qui lui est fourni est, pour elle, l’information absolue et elle a du mal à aller au-delà de ces données. Le fait de forcer les machines à comprendre une image déformée, les aide à aller plus loin et créer quelque chose qui ne leur est pas appris auparavant. 

Dans un article publié dans la revue Schizophrenia Research en 2016, Matcheri Keshavan, de la faculté de médecine de Harvard, et Mukund Sudarshan, de l’Université de Cornell, ont proposé un lien entre les images étranges de DeepDream et les hallucinations provoquées par des substances psychédéliques ou des maladies comme la schizophrénie.

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Rêves par Experience Replay – Google DeepMind

Le mémoire est essentiel pour l’apprentissage et le sommeil aide à le renforcer. C’est à partir de cette logique-là que la société d’IA de GoogleDeepMind, font rêver leurs robots. L’objectif final est de faire en sorte que les robots rêvent pour apprendre de leurs expériences comme certains de nos rêves qui jouent un rôle important dans l’apprentissage et la formation de la mémoire, selon les hypothèses. 

Une situation complexe pour l’IA peut consister en un adversaire particulièrement difficile lors d’un jeu vidéo ou une section piégeuse d’un labyrinthe. Plutôt que de répéter inutilement des sections entières du jeu qui n’ont que peu d’incidence sur le score global du joueur, les « rêves » permettent à l’IA de mettre en évidence certaines sections du jeu qui sont particulièrement difficiles et de les répéter jusqu’à ce que l’expertise soit atteinte.  Grâce à cette technique, les chercheurs de DeepMind sont parvenus à multiplier par 10 la vitesse d’apprentissage.

L’IA pourra-t-elle recréer le songe humain ?

Si l’objectif principal d’une IA est d’atteindre et même de dépasser la capacité de l’intelligence humaine, les neurones artificiels devraient introduire plus l’importance de créer de l’art, avoir des émotions et éventuellement rêver. 

Les rêves demeurent un mystère incompris, même pour les humains et il existe différentes théories. Nous ne savons pas, encore aujourd’hui, en quelles couleurs nous rêvons, si nous rêvons en haute définition, combien de type de rêves il existe, si le sommeil est un état de mort ou si le rêve est un phénomène somatique lié au vécu de la journée… 

Tant que nous n’avons pas de réponse concrète à ces questions-là et à bien d’autres questions, la question de savoir si l’intelligence artificielle va pouvoir rêver comme les humains ou va pouvoir recréer les rêves humains reste une question complexe. 

Les recherches sur le fonctionnement neuronal de l’IA nous aident déjà à développer de nouvelles théories sur les rêves. Erik Hoel, professeur assistant de recherche en neurosciences à l’université Tufts à Massachusetts, propose que les rêves absurdes servent à générer des circonstances inattendues dont notre cerveau a besoin pour casser la routine, tout comme la logique des images déformées introduites à l’IA.