
Virtuality : le salon des réalités virtuelles et augmentées
Virtuality c’est depuis 2017 un salon professionnel majeur dédié aux industries de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Les grands acteurs du hardware, du développement et du conseil s’y retrouvent pour échanger autour des enjeux et développements du secteur.
Pour cette édition 2022, les industries des mondes virtuels et des blockchains y ont été ajoutés, l’organisation arguant que « ces 3 thématiques stratégiques donnent les clés pour accompagner l’entreprise dans le futur des industries métaverses ».
Au regard de l’intérêt suscité par le sujet auprès du grand public depuis l’annonce de renaming de Facebook en Meta en octobre dernier, l’affluence était au rendez-vous.
Le salon réunissait au Carreau du Temple à Paris une soixantaine d’exposants, ainsi qu’une cinquantaine de talks, conférences et tables rondes.
Au programme :
- Réalité virtuelle et augmentée
Quelques fournisseurs de hardware, mais également de nombreuses expériences de réalité virtuelle ou augmentée à tester en live.
- Zoom sur les enjeux des mondes virtuels
Métavers, identité numérique, enjeux liés aux infrastructures et à la connectivité, sécurité étaient au menu de nombreuses conférences.
- Nouvelle économie numérique
L’événement faisait également la part belle aux thématiques phares du web 3 : blockchain, propriété numérique et rôle des NFT, smart contracts, interopérabilité et crypto-monnaies on fait l’objet de diverses keynotes.
Quels sont les enseignements majeurs que l’on peut tirer de cet événement en ce qui concerne le buzz word du moment, le métavers ?

Le métavers : cette fois-ci c’est la bonne ?
Le terme métavers, contraction de méta et univers, est apparu pour la première fois en 1992 dans le roman de Neil Stephenson « Snow Crash » le Samouraï virtuel. S’il existe plusieurs interprétations de ce que serait le métavers, cette approche de définition fait consensus :
Le métavers est un ensemble d’espaces virtuels persistants qui sont interconnectés et décentralisés, et dans lesquels différents utilisateurs peuvent partager des expériences immersives en 3D en temps réel. On pourrait y apprendre, se divertir, travailler, socialiser, voire consommer…
Les premières expérimentations de métavers tentées dans les années 2000 avec Deuxième Monde puis Second Life se sont révélées décevantes et n’ont pas rencontré leur public malgré une première phase d’enthousiasme de la part des Marques.
Alors pourquoi ce qui n’a pas marché il y a 20 ans fonctionnerait aujourd’hui ?
3 facteurs participent à l’enthousiasme ambiant quant à l’émergence prochaine du métavers :
- Des changements culturels
Interagir à distance à travers des interfaces digitales est passé dans les mœurs : On utilise son smartphone 4h48 par jour en moyenne dans le monde, et on passe 2h27 par jour à utiliser les réseaux sociaux (We are social / Hootsuite 2022).
Par ailleurs, la pandémie de Covid a entrainé un changement de fond dans le recours au télétravail mais également aux réunions à distance et aux visioconférences. Nous sommes donc habitués maintenant à utiliser des interfaces pour collaborer à distance.
Dans le domaine du gaming, des plateformes de jeu communautaires et massivement multi-joueurs tel que Roblox cumulent maintenant près de 200 millions d’utilisateurs uniques mensuels.
- Des avancées technologiques
Si on est encore loin de l’adoption de masse, l’usage de la VR et de l’AR (Virtual Reality / Augmented Reality) commence à percer. Ainsi, le marché du casque a été multiplié par 2 entre 2020 et 2021.
Le premier cas d’usage de l’AR – l’utilisation de filtre de type Snapchat – se démocratise progressivement, même si la majorité des utilisateurs n’a pas conscience de faire de l’AR…
Le développement du haut débit fixe et mobile à travers la fibre ou la 5G, ainsi que l’augmentation des puissances de calcul de nos machines sont autant de catalyseurs à une expérience utilisateur améliorée.
Enfin, l’émergence des cryptomonnaies et du principe des blockchains redonnent le pouvoir aux utilisateurs en atténuant les barrières de la centralisation et en favorisant les marchés de seconde main.
- Des acteurs dynamiques
Les acteurs du secteur rivalisent d’annonces depuis quelques mois : Facebook se renomme Meta et investit massivement pour le développement, Microsoft rachète Activision pour 69 milliards de dollars, une première Fashion Week est lancée dans le Métavers Decentraland, des marques comme Axa, Carrefour, HSBC achètent des terrains virtuels sur des plateformes comme The Sandbox.
Stéphane Distinguin, CEO de Fabernovel, est ainsi confiant dans l’avenir. Pour lui, « il y a des gens qui savent, qui font, et qui ont de l’argent pour développer ».
On est cependant encore loin de la vision cible interopérable, avec un avatar navigant de façon fluide d’une plateforme expériencielle à une autre. Pour Pierre Guigourese, fondateur de la marketplace NFT Exclusible, « on a devant nous une rampe de lancement de 10 ans ».

Comment se lancer sur le sujet métavers pour une Marque ?
Le métavers est encore loin, et les fondamentaux de ces univers immersifs, tels que la VR, les NFT, Crypto, ne sont pas des notions triviales. La courbe d’apprentissage sera longue et une phase d’acculturation et de test and learn est nécessaire. Il parait donc indispensable d’y réfléchir dès maintenant et d’avancer par étapes.
Le premier cas d’usage peut être l’utilisation de la VR à des fins RH. Que ce soit pour de l’onboarding, de la visite des locaux à distance, des réunions immersives, des formations ou tout simplement la possibilité de recréer une « machine à café virtuelle » pour les rencontres informelles pour les collaborateurs à distance, le champ des possibles est très varié. De nombreuses entreprises l’expérimentent déjà, comme l’Oréal pour de l’onboarding de nouveaux collaborateurs ou Deloitte pour faire visiter ses locaux.
Kwark, un des leaders de la transformation digitale de l’éducation en France a ainsi lancé Metakwark : une plateforme immersive dédiée au monde de l’éducation et sur laquelle les apprenants mais aussi écoles, organismes de formation, entreprises et institutionnels pourront évoluer à travers leurs avatars, se former, échanger, nouer des liens…
Une autre approche est celle de l’investissement immobilier, via l’achat d’un terrain sur une plateforme existante du type TheSandBox ou Decentraland. Carrefour, Axa, HSBC : les opérations se sont multipliées ces derniers mois et une certaine frénésie s’est emparée des grands groupes internationaux, peut-être par crainte de passer à côté d’une tendance de fond (Fear Of Missing Out, ou FOMO). Ce type de d’initiative revêt souvent de la stratégie de Communication : on achète un emplacement sur une plateforme, ce qui génère un effet d’annonce, mais tout restera à créer au niveau de l’expérience utilisateur dans le métavers. On est donc à la fois dans une logique d’expérimentation mais aussi de spéculation immobilière virtuelle et d’effet d’annonce.
Mathieu Flaig, Directeur Stratégie RH et Transformation chez SQORUS, préconise d’ailleurs dans se genre de situation de revenir aux basiques et se poser les questions essentielles :
- Quelle est ma stratégie
- Quelles sont mes priorités
- Avec quelle temporalité et quels investissements
Enfin, bien souvent considéré comme le corollaire du sujet métavers, le NFT est une notion à appréhender si on veut se lancer sur le sujet métavers.
Un NFT (Non Fongible Token) est en quelque sorte le certificat de propriété d’un asset digital auquel il est adossé. Il est la garantie que vous en êtes le propriétaire. Dans un univers immersif digital où l’on interagit par avatar interposé, les accessoires que porte notre vis-à-vis numérique, voire cet avatar lui-même sont le reflet de notre personnalité, tout comme nos vêtements dans le monde réel disent beaucoup de qui nous sommes. Les industries du Luxe, de l’Art ou de la Mode ne s’y trompent pas et sont les pionniers qui défrichent ce nouveau marché. Chaque jour apporte ainsi son lot de « drop » de NFT par une Marque grand public.
Pourquoi s’y intéresser ? Tout simplement parce que seuls 20% des plus de 35 ans en France ont entendu parler des NFT, et qu’au regard de la complexité du sujet, la courbe d’apprentissage prendra un certain temps. Il est donc important d’acculturer dès aujourd’hui l’entreprise, ses collaborateurs, ses clients, sur cette notion.
Par ailleurs, on ne peut aborder le sujet dans une approche purement transactionnelle et mercantile : ce nouveau marché a ses codes, ses communautés, et une transposition d’un modèle de l’économie réel dans le virtuel serait voué à l’échec. Créer une communauté, générer un sentiment d’appartenance, récompenser en donnant de l’exclusivité sont autant d’enjeux clés pour une Marque.
Rémy Bompar, Operations Manager chez The Sandbox, résume finalement ainsi les 5 piliers d’une activation métavers :
1- Donner de la valeur à ses fans
Le paradigme change avec le Web3 : la communauté avant tout ! Il faut lui apporter de la valeur et pas uniquement avoir une approche transactionnelle.
2- Récompenser les utilisateurs pour leur participation
Le fan est un asset qu’il faut récompenser en lui offrant de l’exclusivité. C’est le play to earn.
3- Embrasser la culture NFT
Il faut comprendre les codes de la culture communautaire et se les approprier.
4- Encourager la génération de contenu
Les acteurs et en particulier les plateformes doivent permettre la création de contenu, en mettant entre autres à disposition de leurs utilisateurs des outils de création et en les formant à l’utilisation de ces outils intégrés.
5- Libérer sa créativité
Tout est possible dans cet univers digital, et seule l’imagination est la limite.
Au-delà du phénomène de mode, on voit donc que les planètes s’alignent, et que de nombreux acteurs se mettent en ordre de marche pour faire émerger par touches successives ce métavers.
Est-ce que cela fonctionnera ? Les gens seront-ils prêts à se plonger dans ces univers immersifs ?
Quoi qu’il en soit, on a passé le cap des signaux faibles, et pour citer Thomas Edison : « Le meilleur moyen de réussir, c’est toujours d’essayer encore une fois ».