IoT et ubérisation

L’ubérisation est un phénomène économique basé sur une absence d’intermédiation entre le client final et le produit, il est le fruit de l’avancée technologique et notamment de la démocratisation de l’internet haut débit, des smartphones, de la géolocalisation et des objets connectés. Les entreprises issues de l’ubérisation se distinguent par le fait que ce sont dans la majorité des cas, des plateformes de mises en relation directes. Fruit de l’économie collaborative, elles sont à l’opposé des entreprises dites traditionnelles, tant dans leurs approches plus personnalisées, que dans leurs business modèle. De manière plus large, on parle également d’ubérisation lorsqu’une startup innovante, arrive sur le marché avec un nouveau business model et une offre disruptive correspondant mieux aux réels besoins du client. Cette startup devient ensuite incontournable dans son marché, allant jusqu’à conduire les acteurs historiques du secteur à la perte.

Même si son offre n’est pas de l’ordre de la mise en relation directe entre le client final et le produit, c’est surtout son avantage technologique et son savoir-faire en matière de digital qui fera d’elle une entreprise ubérisante. L’ubérisation à de nombreuse impactes allant de la baisse du coût du service jusqu’au statut des travailleur, elle a donc des aspects positifs tout comme des aspects négatifs sur le marché.

 

Avec l’ubérisation, on voit naitre, entre autres, de nouveaux circuits de distribution nécessitant des objets connectés à différentes étapes.

 

Interface directe avec le client

 

Au même titre que le bouton Amazon Dash, on voit apparaitre sur le marché, des interfaces avec lesquelles le client peut interagir directement avec la marque. Dans l’exemple Amazon Dash, le bouton connecté Amazon Dash permet aux clients de commander de la lessive en appuyant simplement sur le bouton de l’objet connecté. Il n’est plus nécessaire d’aller en magasin ou encore sur le site web de la marque et procéder à une commande. Le client se retrouve alors dans une position privilégiée dans laquelle ses « souhaits » sont réalisés simplement au clic sur un bouton grâce à une désintermédiation totale dans le processus de commande.

 

Il est intéressant de voir que ce bouton créé par Amazon s’est depuis diversifié auprès d’autres marques, et qu’il ne sera pas étonnant de voir dans les années à venir d’autres caractéristiques supplémentaires telles que des offres promotionnelles etc.

De plus, ce bouton a été lancé dans plusieurs pays (dont la France) durant la même période, ce qui montre que contrairement aux entreprises dites « historiques », il est plus facile de lancer un produit à plus grande échelle dans le cadre de l’ubérisation. Dans le cas de la France, il a également été adapté avec des produits locaux tels que Le Petit Marseillais. L’ubérisation peut avoir une échelle locale tout comme une échelle globale.

 

Darty, une société française historique, ne voulant pas se faire ubériser et voyant les opportunités du bouton Amazon Dash, à décider de lancer son propre bouton. Le bouton Darty permet d’entrer directement en contact avec le service client Darty simplement en appuyant sur le bouton. Une personne du service client Darty rappel ensuite, et si le problème rencontré nécessite un déplacement d’un réparateur à domicile, le service client envoi alors un technicien directement au domicile de la personne. L’objectif est de créer une relation personnalisée avec les clients Darty qui auront la possibilité d’entrer en contact avec un professionnel de l’entreprise de manière très simple en appuyant sur un bouton connecté. Darty souhaite donc rester au plus proche de ses clients afin de ne pas se faire ubériser par un potentiel concurrent.

 

L’IoT est donc l’outil idéal pour développer une interface de dialogue avec le client grâce à cette capacité à toucher un grand nombre de personnes de façon directe. Uber à également déployé un bouton connecté auprès des hôtels. En appuyant sur le bouton connecté de Uber, un chauffeur est automatiquement commandé.

Un service de ce type a pour objectif de fluidifier les actions récurrentes et améliorer l’expérience client. Lors d’actions répétitives, ne nécessitant pas un énorme enthousiasme, nous n’adoptons pas le même comportement que lorsque que l’on va faire du shopping de façon ponctuelle. Acheter de l’eau ou de la lessive en hypermarché ne comporte pas la même notion de plaisir que faire du shopping dans des magasins de prêt-à-porter. Il est donc nécessaire de rendre les expériences utilisateurs meilleures, en les adaptant au contexte du client.

 

Retours clients et améliorations constantes du produit

 

Qui dit ubérisation dit innovation, afin de rester compétitif et conserver une croissance pouvant conduire une entreprise à continuer de se développer, il est primordial de prendre en compte les retours apportés par les objets connectés et y apporter les améliorations nécessaires. Dans l’exemple des boutons Amazon, après le succès de l’Amazon Dash, la firme américaine a lancé une série d’autres boutons. Amazon a ensuite analysé les données comportementales liées à la consommation client à travers ces boutons tels que les différentes marques et secteurs les plus performants, les horaires auxquels les commandes sont effectuées etc. Les objets connectés apportent cette précision dans la donnée, pouvant permettre aux entreprises de suivre de manière précise, les tendances et les évolutions de son marché. Cela peut aussi la conduire à sa perte au vu de l’évolution constante de son marché. Des entreprises telles que Nokia ou Kodak ont fait faillites car elles ne s’étaient pas adaptées à la réalité de leurs marchés. Tandis que d’autres secteurs tels que le secteur automobile, voient leurs business model changer radicalement, passant de la vente d’un bien à la vente d’un service dont la valeur ajoutée réside dans la donnée collectée à travers les objets connectés intégrés à la voiture.

 

Cela a permis aux constructeurs d’avoir un suivi permanent de l’usure de leurs véhicules leurs permettant une amélioration constante, ainsi qu’une connaissance client plus fine, ils peuvent désormais proposer des produits correspondant davantage à ce qui est voulu par les consommateurs.

Mis en concurrence avec des entreprises ou des services totalement différents tels que Uber ou encore Autolib’, les constructeurs automobiles vont vers une offre de service de location, axée davantage sur la qualité de service, l’amélioration de l’expérience client grâce à la collecte et l’analyse de données clients, plutôt que vers la vente de véhicules.

 

Des sociétés automobiles telles que Tesla ont contribués à une profonde transformation numérique chez les constructeurs automobiles. Par peur de se voir dépasser par un nouveau monde ayant des nouvelles règles qui leurs échappent.

Tesla représente à lui seul l’ubérisation totale dans le secteur de la construction automobile. Tant dans l’exécution que dans la conception même de ses produits, les voiture Tesla ne sont pas que des véhicules contenant des objets connectés, cela va bien au-delà. Il s’agit tout simplement de voiture connectée. De la donnée est constamment collectée avec pour objectif une amélioration continue du produit. Les mises à jour publiées par Tesla permettent des améliorations et autres changements profonds sur des produits déjà vendu et servant à des millions de clients.

 

L’ubérisation du secteur des assurance à travers les objets connectés

 

Pour que l’ubérisation ait lieu, il faut une forte insatisfaction client au sein du marché afin que ces mêmes clients soient prêts à adopter rapidement une offre nouvelle, ayant à leurs yeux une bien meilleure valeur ajoutée que les offres proposées au sein du marché actuel. C’est une condition que l’on retrouve aujourd’hui dans le secteur des assurances. On constate entre autres, une forte insatisfaction concernant les assurances automobiles par exemple, où les prix sont souvent élevés, les conditions de bonus / malus inégales et un service client laissant à désirer.

 

Alors que les véhicules actuellement vendus par les constructeurs automobiles sont pour une grande partie d’entre eux connectés, les constructeurs disposent désormais d’une grande quantité de donnée client, des données liées par exemple à leurs types de conduite, kilomètres parcourus etc. Ces données permettre de connaitre parfaitement le profil type des conducteurs possédant un véhicule de la marque. C’est dans cette dynamique que les constructeurs automobiles proposent désormais des assurances auto, correspondant aux besoins client et payant uniquement par rapport à son mode d’utilisation, les prix sont alors plus attractifs et le service client correspondant mieux aux attentes lors de l’acquisition d’un véhicule. Une chose que les constructeurs automobiles peuvent se permettre aujourd’hui au vu de la réduction du facteur risque qui est réduit par la connaissance client. Les compagnies d’assurances se voient alors se faire ubériser par les constructeurs des véhicules qu’elles assurent habituellement.

 

Le secteur de l’assurance auto n’est pas le seul concerné. Avec l’intérêt que porte Google pour la smart home à travers la société Nest entre autres. De la connaissance client sera suffisamment acquise pour pouvoir lancer une offre assurance habitation correspondant davantage aux besoins et aux attentes clients que ce qui est actuellement proposé sur le marché.

 

En guise de riposte, des compagnies d’assurances proposent également des offres comprenant des objets connectés afin de rester en adéquation avec les évolutions du marché. Là encore, le risque pour les compagnies d’assurance est le fait que les startups créatrices d’objets connectés auxquelles elles font appel pour la mise en place d’un tel dispositif, accumulent également de la connaissance client. A moyen et long terme, ces startups pourront lancer également une offre d’assurance venant les concurrencer, pouvant même les reléguer à un rang de fournisseur au profit des startups qui auront su accaparer toute l’attention du client.

Il est donc nécessaire pour les compagnies d’assurances d’être en phase avec l’évolution du marché, en faisant les choix judicieux sur ce qu’il doit être développé en priorité, puis ce qui doit être développé en interne, sous-traité ou encore passer par l’acquisition d’une société innovante détenant un savoir-faire non maitrisé par la société mère, et apportant un avantage concurrentiel à la société. Cela explique pourquoi certaines grandes compagnies d’assurances soutiennent des projets d’incubateurs de startups spécialisés dans l’IoT.

 

L’ubérisation du secteur de la santé à travers les objets connectés

 

Un autre secteur en cours d’ubérisation à travers les objets connectés est le secteur de la santé. Dans une certaine limite par rapport à d’autres secteurs, au vu du caractère sensible qu’il représente. Celui-ci est tout de même en train de connaitre une vague de disruption et à toutes les étapes. Alors qu’il était quasiment systématique de prendre rendez-vous chez son médecin pour une consultation ou pour des analyses, il est désormais possible d’utiliser des objets connectés capable de faire des diagnostiques fiables, autrefois faisables uniquement par des médecins. Par exemple, la société Withings commercialise des thermomètres et tensiomètres connectés capables d’effectuer de véritables diagnostiques. Ce ne sont plus des objets connectés de l’ordre du gadget.

 

Néanmoins, la donnée provenant d’objets connectés liés à la santé sont considérés comme des « données sensibles », il est donc strictement interdit par la loi de les utiliser autrement que pour la raison pour laquelle elles ont été collectées et toujours avec le consentement de l’utilisateur. Peut-on voir Withings devenir un jours assureur santé ? Cela dépendra en grande partie de l’évolution du contexte juridique.

 

Netatmo et l’ubérisation du secteur de l’énergie

 

Netatmo est une entreprise qui propose des objets connectés destinés à l’usage de la maison et au bien-être. La startup est en partenariat avec le fournisseur EDF et Engie, pour qui elle propose des thermostats connectés. Grâce aux objets connecté déployés, Netatmo collecte de la donnée lui permettant d’avoir une meilleure connaissance client qu’EDF et Engie, il peut ainsi être en mesure de proposer des offres énergétiques mieux adaptées aux consommations de ses clients. A ce moment-là, la société proposera directement ses services sans intermédiation de la part d’un fournisseur. Cela aura été rendu possible grâce aux objets connectés préalablement déployés auprès de ses clients. Netatmo possèdera alors une forme d’influence et de crédibilité vis-à-vis du client en termes d’économie énergétique, car elle met en sa disposition une série d’outil lui permettant de suivre sa consommation en temps réel.

 

 

Ubérisation dans le monde de la cosmétique à travers les objets connectés

 

Au même titre que pour les objets connectés liés à la santé, on voit apparaitre des objets connectés liés aux cosmétiques. Ces objets connectés servent entre autres à effectuer des mesures et diagnostiques de la peau de façon précise. Ces données sont ensuite collectées par la société éditrice de l’objet, qui disposent alors d’informations pertinentes pour pouvoir connaitre de façon précise les besoins et les attentes des clients.

 

Les startups voulant ubériser le secteur du cosmétique partent tout de même avec un désavantage. En effet, une grande partie des marques de cosmétiques appartiennent à un grand groupe de type L’Oréal ou LVMH, il est plus difficile pour un petit entrant de lancer une gamme de produit à grande échelle et de rivaliser en termes de logistique et de communication avec des sociétés de cette taille. Là où sur d’autres secteurs la notion de « scalabilité » prime, dans l’exemple d’Uber, sa croissance s’est faite de façon exponentielle. Sa plateforme n’a pas eu besoin de changer lorsque Uber est passé de 1000 utilisateurs à 100 000 utilisateurs, il n’y a pas eu besoin d’effectuer un travail logistique important. Dans le cas d’un lancement de produit, lancer un produit en 100 000 exemplaires sera plus coûteux pour l’entreprise que de le lancer en 100 exemplaires. C’est dans ce schéma là que l’on voit s’associer des startups disposant d’une technologie innovatrice, avec des sociétés de cosmétiques ayant déjà une notoriété et des actifs sur le marché.

 

On se rend compte aujourd’hui que les objets connectés touchent tous les secteurs, cela va de la compagnie d’assurance, au constructeur automobile, jusqu’au secteur de la santé. Il s’agit à la fois d’un enjeu de taille pour les grandes entreprises, les PME et les professions libérales craignant de prendre le virage IoT trop tardivement et se faire ubériser. Tout comme pour les startups, qui cherchent toujours à aller plus loin dans l’innovation et la précision dans leurs collectes de données.

 

L’ubérisation permet aux entreprises de connaitre un développement plus rapide et à une plus grande échelle. Elle leurs permet également d’être directement face à leurs clients et ainsi de capter toutes les interactions, à travers l’ensemble des données collectées, afin de mieux connaitre leurs clients et toujours être en mesure de répondre au mieux à leurs différents besoins. L’IoT est donc un moyen pour les entreprises d’innover et de réinventer leurs métiers, leurs offres et leurs business model. Le but de ces entreprises est d’anticiper l’ubérisation et d’être capable de maitriser l’intégralité des données clients en leurs possession. Les objets connectés et toutes les données qu’ils génèrent, peuvent être considérés comme la pierre angulaire de l’ubérisation.