A la rencontre d’Anthony Guillou CTR à la Ligue Ile de France de Tennis

J’ai eu le privilège d’interviewer Anthony Guillou, Conseiller Technique Régional dans le domaine du tennis. Il a accepté de partager son parcours, sa passion ainsi que sa vision du tennis à venir.

Photographe : Patrick BOREN

En quoi consiste ton métier ?

Mon métier est à la frontière du politique et du technique avec des fonctions de Manager. Mettre en œuvre un projet d’équipe demande à la fois des compétences techniques, des compétences méthodologies et des compétences relationnelles. Sur le fond, dans mon métier, il est demandé d’avoir un niveau d’expertise multiple. C’est un métier à la fois de formateur et d’entraîneur.

 

Tu es polyvalent, à la fois sur le terrain et en charge de la partie administrative ?

Effectivement, j’ai fait beaucoup de terrain, mais maintenant, dans le cadre de mes fonctions de Directeur Technique Régional, je coordonne les huit Comités de l’Ile de France et neuf Conseillers Techniques Régionaux et cinquante-quatre techniques qui ont pour fonction de former les joueurs et les dirigeants. Je suis garant de l’application de la politique fédérale nationale au niveau de la Région Ile de France et au niveau des Comités départementaux.

Je dois essayer d’assurer la déclinaison de la politique Nationale ou Régionale en respectant les spécificités des territoires de l’Ile de France. 

 

Tu es donc Conseiller Technique Régional (CTR) au Comité de l’Essonne mais aussi à la Ligue l’Ile de France ? C’est-à-dire que tu es dirigeant à la Ligue (Région) et référent auprès du Comité (département de l’Essonne) ?

Exactement, j’ai la direction de la Ligue Ile de France et je suis en charge de sa coordination. C’est la raison pour laquelle j’ai deux Présidents. J’ai le Président de la Ligue qui est Germain Roesch, qui doit avoir une vision Régionale dans son développement et j’ai Nadine Mariaux qui est la Présidente du Comité Départemental. Nadine est garante de la mise en œuvre de la politique départementale.

 

Comment partages-tu ton temps et les priorités entre la Ligue (Région) et le (Département de l’Essonne) ?

C’est une gymnastique de l’emploi du temps. Pour faire simple, la Ligue Ile de France, est placée à la 7e position des Fédérations tous sports confondus. C’est dire que c’est une grosse Fédération et nécessite un investissement conséquent.  Je jongle avec les deux casquettes pour assurer les deux.

Photographe : Chino Rocha

Quel intérêt as-tu pour le digital en tant que Conseiller Technique Régional ?

Nous vivons dans ce monde-là. Ça permet d’être en contact avec d’avantage de personnes, d’avoir une visibilité différente, de travailler plus vite. Je suis connecté à ce qui se passe via les réseaux sociaux. Je suis connecté à tous les outils collaboratifs. Aujourd’hui, c’est ainsi que l’on travaille. Il faut essayer de se servir des nouveaux outils pour les adapter à nos méthodes de travail qui étaient, jusqu’à là, différentes.

On a des expériences ou des habitudes, on fonctionne différemment. Passer le pas et utiliser ces nouveaux outils ce n’est pas forcément à la portée de tous. Pour ma part, j’ai 45 ans. Il y a aussi des personnes de 60 ans et plus et des jeunes qui arrivent. Le constat est fait, si tu es trop digital, tu vas en perdre. Si tu n’es pas assez, tu vas en perdre aussi. Cela veut dire qu’il faut essayer de trouver un juste milieu et d’être lisible de tous.

 

Mais au-delà des outils collaboratifs, en termes d’équipement as-tu observé une évolution ? Notamment en ce qui concerne les joueurs ?

Peut-être de fait, bien que je me sois éloigné du terrain depuis quelques années. J’observe, j’écoute, je ne m’en sert pas directement. Je suis donc  peut-être moins sensible que si j’y étais à temps complet. Quand j’entraînais, j’ai été le premier à utiliser la machine lance balles connectée.

 

Sais-tu depuis combien de temps elle existe cette innovation ?

Elle existe depuis 2010, on la crée ici dans l’Essonne, d’ailleurs, ça peut être intéressant que tu rencontres Abdou qui en est le créateur.

 

Comment est née cette machine ? Avec quels moyens ? Quels sont les tests ? Combien de prototypes a-t-il fait ?

En effet, il y a eu plusieurs versions. En tant que coach, je lui ai fait faire des retours productifs. Pour la petite histoire, un collègue m’a dit « il y a un Monsieur qui veut te présenter une machine » A l’époque, j’ai dit que je n’avais pas le temps. Et puis finalement, par pur hasard, je me retrouve assis dans la tribune pendant un tournoi à côté d’un homme qui a engagé la conversation. C’est comme cela que notre histoire a commencé. Il m’explique qu’il a inventé une machine à lancer les balles. 

 

A-t-il été aidé par la Fédération Française de Tennis financièrement parlant ?

Non, c’était son investissement personnel, il a mis beaucoup d’argent, il travaille dans l’électronique, il a mobilisé ses ingénieurs dessus, c’est un passionné, il a vendu plus de machines à l’étranger qu’en France. Je le vois bien ici, on en a des machines mais les coachs ne s’en servent pas et je ne saurai en expliquer la raison. Pour laisser la place à la technologie et au digital, il faut complétement revoir les méthodes d’entrainement, il faut rajouter du temps à l’entrainement de base. Sachant qu’au début tu ne l’utilises pas bien, tu perds donc du temps, c’est comme n’importe quel logiciel avant de l’utiliser, il faut le maitriser. J’ai entrainé un joueur qui jouait bien avec la machine et il me dit « je suis fatigué » et je lui réponds « tu crois que si Rafael Nadal je lui fais ça, il me répond je suis fatigué au bout de 30 balles ? Il y a 200 balles dans la machine. Il faut que tu sois capable de taper les 200 balles sans être fatigué ». On s’est donc donné des objectifs dans nos séances d’entrainement et il a remporté plusieurs titres. Mentalement et physiquement il était plus fort donc là oui la machine, l’innovation a apporté de la performance à mon joueur. Si j’avais continué à entrainer à la machine j’aurai surement demandé d’autres spécificités.

 

Pour toi, qu’est-ce que le tennis a de plus que les autres sports ?

Tout d’abord, c’est un sport ludique il peut se pratiquer de 3 ans à 80 ans voire plus. Tu peux jouer librement quand tu veux. Tu peux être encadré ou pas. Nous avons des infrastructures qui sont de qualité. C’est un sport médiatisé, il y a du suspens alors oui, c’est un peu long pourtant ils ont cherché à raccourcir les matchs. Roland Garros attire mêmes des gens qui ne jouent pas au tennis. On est quand même dans un milieu agréable. C’est un sport qui a un code de valeurs morales. C’est un sport où à la fois, tu peux te dépenser sans trop pousser physiquement ou au contraire, avoir des matchs intensifs. Par exemple on prend la finale de l’Open d’Australie, le match a duré 5h, aucun sport ne demande un effort sportif aussi fort et long.

 

Quel recul as-tu sur toutes les innovations qui existent autour du tennis ?

Cela a considérablement fait évoluer le jeu, de la raquette en bois aux raquettes qu’il y a maintenant avec les nouveaux matériaux qui sont très légers. Avec ou sans, les champions d’hier restent les champions d’aujourd’hui. Ça reste des athlètes on leur propose un matériel qui est plus performant. Désormais ils sont surentraînés, ils ont des coachs beaucoup plus formés qu’avant. Ils ont aussi des technologies que les autres n’avaient pas. Sur le physique c’est beaucoup plus précis. Grâce à la technologie, ils sont capables de savoir quelle partie du muscle est défaillante. Il y a des analyses biomécanique et physique qui sont faites grâce à la technologie. Des outils permettent de programmer les entrainements. C’est un sport qui demande du temps, les développeurs ont un logiciel sous forme de paliers et selon les paliers le niveau d’exigence augmente, c’est factuel sur le jeu. 

 

Pour toi quelles sont les limites du digital dans le domaine du tennis ?

Avant même que de rentrer dans ce degré de précision, le tennis est un sport avec des fondamentaux et ce n’est pas le digital qui les apportera. A part utiliser la vidéo pour insister sur ceux-ci. 

 

J’ai d’ailleurs vu qu’il y avait de la récolte des données via une raquette, un bracelet connecté. De plus, Roland Garros propose une application qui permet aux spectateurs de revoir les actions et le détail de ces actions c’est-à-dire la vitesse, l’emplacement de la balle de la trajectoire etc. Avant, jamais le public n’avait accès à ce genre de données.

Comme dans tous les sports maintenant. Ça occupe les temps morts pendant le match, c’est moins monotone moins long, ça assure de la continuité. Pour moi la raquette connectée c’est du business.

Je n’ai pas besoin d’une machine pour savoir qu’un joueur joue trop court, je le regarde jouer 15 minutes et je remarque que 70% de ses balles sont courtes. Tout ça, ce sont des outils qui te donnent des données. C’est comme tout, c’est l’interprétation que tu en fais qui va en faire la valeur. Elle ne peut pas remplacer l’analyse. C’est peut-être ça l’évolution, aujourd’hui on récolte des données mais on ne l’analyse pas et on ne te propose pas l’interprétation.

L’être humain est aujourd’hui obligé d’intervenir pour interpréter mais peut être que dans le futur les outils auront une perception et une analyse qu’un coach expert ne peut avoir. Deux personnes regardent le même match, elles n’auront pas la même interprétation, la même analyse. Il y a peut-être une des deux qui est plus experte et si tu avais finalement des gens qui sont capables de mettre leur œil d’expert dans des machines se serait plus qu’innovant. Un entraineur entraine un joueur. Si plus tard à l’aide d’un simple bouton la machine évite de passer 15 minutes à briefer le joueur tu démultiplies les entrainements. Le meilleur expert n’entrainera pas un joueur mais 10 ! Tu imagines le business que ça peut être ! 

Je remercie Anthony GUILLOU pour ce moment d’échange.

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