En 2021, plus de social sur les réseaux : le point de vue d’une Social Media Manager.

Delphine FOVIAUX à la French Tech à Angers #AngersFrenchTech 🦊

En 2021, plus de social sur les réseaux : le point de vue d’une Social Media Manager.

Entretien avec Delphine FOVIAUX, membre de la Brigade du Web, responsable marketing et communication digitale pour MediaClinic et GameCash, Social media manager et CM en Freelance. J’ai rencontré Delphine il y a quelques temps au sein de la French Tech d’Angers, j’ai voulu avoir sa vision d’experte sur les tendances actuelles sur les médias sociaux. Elle possède cette grande qualité philanthropique qu’elle fait rayonner, ainsi que sa bonne humeur, sur ses réseaux (@DelpheF et LinkedIn). Dans cet article, je vous partage sa vision du métier de Community Manager et des usages des médias sociaux en 2021.

Bonjour Delphine, quel est ton parcours ?

Après mon BAC en 1986, j’ai fait l’École du Louvre pendant 2 ans, puis l’Institut d’art et d’archéologie de Paris 4, la Sorbonne. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire par la suite. L’Histoire de l’Art c’est génial pour la culture générale, et surtout le côté iconographique qui m’apporte aujourd’hui une approche critique quand je dois faire des visuels. Pendant mes études, j’ai cumulé pas mal de petits boulots, mais à un moment, j’ai dû faire un choix et commencer à travailler. J’ai eu l’opportunité de commencer à l’ANPE du CIDJ (l’ancien nom de Pôle emploi) où je m’occupais des petites annonces de jobs étudiants. Avant de commencer une série de CDD à tous les postes du commercial et du marketing au CIDJ. Avant d’avoir un CDI au marketing.

Quand as-tu découvert les réseaux sociaux ?

Quand j’ai créé la première page Facebook du CIDJ en 2009, cela faisait déjà 6 ans que j’étais sur des réseaux comme Copains d’avant ou MySpace… j’avais découvert les médias sociaux, les possibilités infinies qui s’offraient à nous et je trouvais ça génial ! Pouvoir créer des choses, poster des photos, échanger avec la terre entière, partager mes musiques préférées… j’ai saoulé tout mon entourage pour qu’ils viennent aussi sur MySpace.

Arrivée sur Facebook en 2006 et je voyais bien tout le potentiel de la plateforme. Et le nombre d’inscrits progresser très rapidement. J’ai demandé plusieurs fois l’autorisation d’y créer un compte pour le CIDJ puisqu’on était en contact au quotidien avec les jeunes et qu’ils y arrivaient tous en masse. J’ai dû insister auprès de mes supérieurs, auprès de la directrice de la communication et même de la direction générale. Jusqu’à ce qu’on m’autorise à faire un test de 6 mois. Personne n’y croyait, tout le monde se posait des questions, tout le monde avait peur d’Internet, personne ne maîtrisait le sujet. Mes collègues avaient tous peur que je pique leur poste. Je répondais aux questions des jeunes (sans être conseillère), je créais des contenus (sans être rédactrice ou graphiste), je faisais de la veille (sans être documentaliste), j’informais sur notre actualité (sans être attachée de presse). C’est dur à imaginer maintenant, mais ça a été très compliqué de faire comprendre que je travaillais réellement et que je ne passais pas mon temps à m’amuser sur Facebook.
Finalement ce test fut une réussite. 9 mois après, j’ai créé le compte Twitter, puis on a créé une chaîne Youtube, une page Linkedin, un compte Snapchat et puis Instagram. En créant tous ces comptes, j’ai aussi créé mon poste de Community manager. C’était tout nouveau à l’époque.

En 2012, ils m’ont aussi proposé de donner des formations sur les médias sociaux pour tous les professionnels qui étaient en lien avec les jeunes. (Missions locales, réseau Information Jeunesse, Promeneurs du Net…).
De fil en aiguille, on m’a proposé d’autres missions en parallèle. Je me suis donc mise en statut auto-entrepreneur pour former tous ceux qui avaient besoin d’accompagnement sur les médias sociaux (fédérations, associations, PME, artisans, TPE…). J’ai aussi été sollicitée pour donner des cours dans divers établissements supérieurs. Et enfin il y a eu la création de la Brigade du Web.

J’ai remarqué que tu disais « médias sociaux » au lieu de « réseaux sociaux », pourquoi cette distinction ?

Pour moi, ce n’est pas la même chose. Les médias sociaux définissent les médias sur lesquels on peut créer du contenu comme par exemple sur Tripadvisor, un blog, ou même sur LinkedIn. Frédéric Cavazza illustre très bien cet écosystème dans son panorama des médias sociaux qu’il publie tous les ans :

Social media landscape 2021

En fait, sur un média social on n’a pas besoin de « suivre » ou d’ « entrer en connexion » avec qui que ce soit pour découvrir le contenu des autres. Pour moi un réseau social c’est vraiment quand il y a une notion d’acceptation, de mise en réseau ou une demande de contact.

Peux-tu nous dire un peu plus sur la Brigade du Web ?

En 2014, j’ai participé,notamment avec Martine Le Jossec, à un événement qui avait lieu à Marseille qui s’appelait « Shake Event » (conférence e-commerce international). On « live-tweetait » et ça marchait tellement bien qu’à un moment Annie Abela – Lichtner, qui elle-même était dans l’organisation de ces événements, s’est dit « Oh, mais y’a un truc à faire avec vous, vous êtes top ». On a alors professionnalisé notre « plus-value ».

Concrètement, on est là en support sur des événements pour des marques, des entreprises, pour leur donner de la visibilité, pour mettre en avant ce qu’ils peuvent faire. On fait de la promotion avant, pendant et après les évènements. On va live tweeter les webinaires et les événements physiques des entreprises. Au final, on met nos propres comptes à leur disposition. On mobilise nos propres communautés sur ces événements et c’est là la force de la brigade, nous sommes un relai.

Retrouvez la Brigade du Web :

Quelle est ta définition du Community Management ?

Pour moi, il y a autant de Community Manager et de de missions de Community Management qu’il y a d’entreprises. La base reste la même, mais le poste diffère d’une entreprise à une autre. Pour moi, ce sont les couteaux suisses de la communication, les plus agiles aussi : certains devront faire des newsletters ou des campagnes sms et pas les autres, certains devront faire du graphisme, pas d’autres, créer des vidéos ou pas, juste faire de la relation client ou pas…

Y a -t- il eu des changements avec la crise du COVID-19 pour le métier de CM ?

La différence ne sera pas dans le métier en lui-même, ni dans le télétravail car de toute façon un Community manager peut travailler de n’importe où. C’est plus un changement de ton de contenu, pour plus d’empathie et plus de proximité avec les communautés. Un changement de ton dans tout ce qui est relation client également. Il a fallu prendre en compte avec le premier confinement, l’inquiétude et la détresse des gens, le stress etc… pour remettre plus d’humain dans les relations avec les clients et les abonnés.

Selon toi, toutes les entreprises doivent se sentir concernées par la transformation digitale ?

Oui et elles ne se rendent pas forcément compte qu’elles en ont besoin. Il faut vraiment leur expliquer en quoi ça consiste. Ils n’ont une vision du métier qu’à travers ce qu’ils ont pu en voir éventuellement à la télévision ou dans les médias. Il faut les aider à définir les contours de leurs objectifs et des missions. Ils ont l’impression qu’on doit juste appuyer sur un bouton alors que ça prend tellement de temps de créer des contenus uniquement pour les différents réseaux et de bien répondre aux internautes. Il faut continuer à les accompagner et leur faire comprendre qu’elles y ont toute leur place.

Que dis-tu à ces entreprises qui vont te dire que « ça ne sert à rien de faire du Community Management » ou d’avoir une page sur les médias sociaux?

Ce sont surtout les petites entreprises et les commerçants locaux qui se sont rendu compte que justement, avec la crise, ils en avaient vraiment besoin. Ils avaient besoin d’un contact avec leurs clients et cela passait par les réseaux sociaux. Beaucoup se sont fait avoir auparavant en voulant par exemple un compte Instagram avec beaucoup d’abonnés et en confiant cette tâche à un stagiaire ou un apprenti parce qu’il était “Digital natives”. Ce qui n’est pas synonyme de savoir gérer la stratégie digitale d’une entreprise.

Il y a beaucoup de choses à faire encore et c’est terrible parce que j’ai l’impression que ça fait 10 ans que je répète la même chose. Finalement la transformation digitale n’est pas si évidente que ça parce qu’on n’a jamais vraiment pris le temps d’expliquer en quoi ça consistait et surtout d’apprendre aux entreprises concernées à maîtriser les outils. Certaines agences se sont bien gavées sur les dos des entreprises, sans leur donner les clés pour qu’ils sachent le faire eux-mêmes. Au final, pendant le premier confinement, les petits magasins ont réussi à s’en sortir grâce notamment au live shopping et au click and collect. Les gens étaient chez eux, ils étaient sur les réseaux toute la journée et donc très connectés. Certains commerçants se sont révélés être de très bons gestionnaires de communauté : leur communauté, donc leurs clients. Qui mieux qu’eux à cette connaissance de leurs clients ? Et ils y ont pris goût.

Qu’est-ce que selon toi « un bon Community Manager » ?

C’est celui qui connaît sa communauté, qui sait la surprendre, qui est à l’écoute. Le plus important, c’est d’être dans l’échange et dans l’écoute tout le temps, c’est de créer du lien avec les gens. Dans « réseau social », il ne faut pas oublier qu’il y a « social ». Le reste ce ne sont que des outils.

Que penses-tu des agents conversationnels (type chatbot) de plus en plus présents sur les médias sociaux ?

Je ne suis pas une grande fan. Moi je suis sur les réseaux sociaux parce que j’aime discuter. Par exemple, pendant le premier confinement, avec GameCash nous avons eu des colis bloqués dans des centres de tri. On a pris le temps de répondre et de personnaliser chaque message. Prendre le temps, tracker les colis, chercher des solutions, passer 10 minutes de plus avec un client pour trouver une solution et discuter avec lui plutôt que lui envoyer un message type complètement impersonnel. Ça a été très important et beaucoup nous ont remercié en disant qu’au moins ils avaient à faire à de vraies personnes Au final, on a remonté notre note de relation client. On a pris du temps pour nos clients et ça a payé.

Selon toi, pourquoi Twitter ne nous donne pas la possibilité de modifier nos tweets après publication ?

Je trouve ça très bien qu’on ne puisse pas modifier ses tweets et surtout au niveau politique concernant le fact-checking. Par exemple, quand un homme politique dit un propos et plusieurs années après tu te rends compte qu’il a retourné sa chemise. Twitter, c’est le média d’informations en temps réel, on ne peut pas se permettre de modifier des choses, de repartir en arrière et de modifier. Ça n’aurait plus de sens. Ça fait partie du jeu, ce petit pincement quand on se rend compte qu’on s’est trompé ou qu’on a fait une coquille. On peut même en rire avec sa communauté.

Un conseil à donner aux futurs CM ?

On n’est pas au bout de nos surprises. On a l’essor de l’audio qui arrive. Tout va tellement vite. Il faut toujours garder le côté social des échanges plus que le côté technologie. Il y a l’intelligence artificielle qui arrive et ça peut faire peur. Mais il ne faut pas oublier d’enseigner aux jeunes générations actuelles et futures, à être plus humain sur les réseaux sociaux. On a encore beaucoup à apprendre, rien n’est figé. Tous les jours, il y a de nouvelles fonctionnalités. Les medias sociaux, c’est pour moi une formation sans fin.

Merci encore Delphine.

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