Y & Z : Quel avenir professionnel pour ces générations en rupture ?

« On n’arrive pas à les faire travailler. » « On ne sait pas quoi en faire. » Impatience, fainéantise, égoïsme, individualisme, court-termisme, refus de l’autorité statutaire, tels sont les termes qui sont utilisés pour définir la génération Y, la génération du « why ». Si elle est tant décriée par les entreprises, c’est parce qu’elle pense autrement et qu’elle aspire à des choses différentes que ses parents et grands-parents. Il s’agit de la première génération post-moderne, c’est la première pour qui on dit que le futur est plus sombre que le passé. La génération Y c’est l’enfant du divorce, du chômage, de la précarité. Elle sait pertinemment que ses études ne lui apporteront pas forcément un travail, ou pas un travail rémunéré à sa juste valeur. Elle sait que le CDI se fait de plus en plus rare et qu’elle ne restera pas toute sa vie dans la même entreprise. A côté de ça, c’est la génération où naissent le plus « d’enfants désirés ». Elle a donc subi un bouleversement des méthodes d’éducation. Tandis que nos grands-parents se faisaient brutaliser à tout bout de champs par leurs parents et professeurs en guise de punition, aujourd’hui la fessée est illégale. A l’école, les parents se ruent vers les professeurs quand leurs enfants chéris ont une mauvaise note. Le rapport de force s’est totalement inversé, et on dit que nous sommes une génération d’assistés, une génération à qui on a fait croire qu’on était exceptionnel. Cette génération est aussi celle qui a initié la transformation digitale et s’est approprié ses outils et ses valeurs.

La conséquence de tout ça, c’est que la génération Y ne veut plus être soumise à la subordination d’un patron et à la monotonie d’un seul métier, mais faire de l’entreprise une école où chacun est considéré à sa juste valeur. Elle a un désir ardent d’apprendre encore et toujours, et de « kiffer » à travers des expériences aussi riches que diverses. Elle représente le monde d’aujourd’hui et de demain, un monde qu’elle veut construire elle-même et plus seulement en être spectatrice. La génération Y c’est une génération qui possède ses propres codes, qui a tout mais qui ne vit rien. Elle pense que le monde fonctionne à la vitesse d’Internet et elle est focalisée sur les apparences. C’est aussi une génération connectée qui vit dans l’instantanéité. Le magazine Times l’a même qualifiée de « génération me, me, me ». Elle compte ses « amis » fictifs par quantité au détriment de la qualité.

La génération Y c’est aussi le fruit d’une nouvelle forme d’économie, l’économie collaborative. Contrairement à ses parents qui voulaient tout posséder, la génération Y veut tout partager. Elle vit en collocation, partage ses voyages avec les communautés de Blablacar, Airbnb… Elle initie des nouveaux modes de consommation et oblige les entreprises à changer leurs offres pour les séduire.

C’est une génération nomade qui ne se complait pas dans un seul métier et qui veut voir ce que le monde a à lui offrir. Elle possède aussi une grande valeur du travail, c’est la mieux formée de l’histoire et elle veut être respectée en tant que tel. Au travail, elle pose des questions tout le temps et il faut lui répondre, même quand cela ne semble pas important, car dans le cas contraire elle va sans doute se plaindre dans ses espaces communautaires, et surtout elle va partir, car la génération Y a besoin de trouver de l’intérêt dans ce qu’elle fait. Malgré les réticences des chefs d’entreprises, ils ne peuvent s’en passer car c’est la génération experte dans l’utilisation des nouvelles technologies.

 

A sa suite, la génération Z est née, apportant avec elle son lot d’inquiétudes et d’espoirs. On dit souvent que les générations qui suivent les précédentes sont en ruptures avec elles. Les dirigeants d’entreprise jubilent face à cette idée et sont plus qu’impatients de les voir franchir leurs bureaux. Et pourtant, la génération Z s’inscrit en continuité avec celle qui la précède. Contrairement à cette dernière, elle est née dans le digital et aborde la vie d’une manière qui lui est propre. La génération des digital natives est plus sélective qu’excessive, elle préfère créer plutôt que copier, elle favorise les images au texte, préfère agir que regarder, les influenceurs aux célébrités. La génération Z utilise SnapChat plutôt que Facebook et elle a une utilisation maîtrisée des réseaux sociaux. Elle se veut co-auteur de la société dans laquelle elle entend bien faire sa place. C’est une génération d’intrapreneur qui est consciente que la barrière vie privée/vie professionnelle n’existera plus et c’est pourquoi elle fait autant d’efforts pour que sa vie professionnelle soit aussi confortable et inspirante que sa vie privée. La génération Z est donc exigeante au sein de l’entreprise et elle veut être actrice de son savoir, elle veut apprendre en faisant. Avec cette génération apparaît la co-construction du savoir, du parcours et de la carrière. Elle veut se construire elle-même et elle ne veut pas que l’entreprise lui mette des barrières. Par ailleurs, elle a eu accès à l’information plus tôt que ses prédécesseurs et est donc capable de remettre en cause ses supérieurs.

 

L’étude de ces générations est devenue une obsession pour les médias, les grandes entreprises et les grandes marques. Finalement, elles ont beaucoup en commun et là où elles sont vraiment en rupture avec leurs prédécesseurs, c’est qu’elles ont un rapport à l’échec qui est différent. Elles n’ont plus honte de se tromper et elles savent que l’échec fait parti de la réussite. Il paraitrait que leurs parents les aient toujours mis sur un piédestal, oubliant ainsi de leur inculquer la valeur du travail et le dépassement de soi. Mais en quoi est-ce mal de se sentir spécial et d’apprendre à nos enfants à l’être ? En quoi leur montrer qu’ils sont spéciaux fait d’eux des êtres incapables de travailler ? Ne serait-ce pas justement ce qui les aidera à s’épanouir dans leur vie professionnelle, à toujours plus se dépasser et à  savoir oser ? Pour Panayotis Pascot, le secret de la réussite c’est le rêve, car selon lui, « le rêve pousse l’ambition à se créer, et pour que cette ambition se consolide il faut croire en ses rêves ». Et le plus important, pour lui le rêve permet d’oser. Et « oser c’est perdre ses repères, tandis que ne rien faire c’est être sûr de ce que l’on fera demain. » Il y a donc une prise de risque évidente mais les innovations ne peuvent se faire sans et il semblerait que nous soyons les générations les plus à même à oser.

 

 

Les générations Y et Z entrainent dans leur sillon un lot d’innovations à la fois culturelles et sociétales, avec une nouvelle vision du travail et de l’entreprise. Que vous vous reconnaissiez ou non dans ce tableau, il n’en reste pas moins que nous avons tous une grande responsabilité à endosser. Emmanuelle Duez nous avertit que « dans le monde qui est le nôtre le pouvoir est entre nos mains de manière individuelles et collectives. Et si on ne prend pas la mesure de ça, c’est pas nous qui nous en mordrons les doigts, c’est les générations à venir. »

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