Fake News, et si leur rôle était amplifié ?!

Attentats, Brexit, présidentielle américaine et maintenant française… Quel qu’il soit le terme utilisé : « fake news », propagande, intox ou fausses nouvelles, la question de la fiabilité de l’information en ligne ou de son instrumentalisation s’est imposée dans les derniers évènements politiques partout dans le monde.

A l’heure des réseaux sociaux et du mobile first, s’informer s’avère être désormais une vraie enquête pour identifier les sources fiables au milieu d’un volume gigantesque d’articles, d’images, de vidéos et d’opinions.

Quelle est réellement l’influence des « fake news »?

L’expression est devenue familière depuis le référendum britannique sur le Brexit en juin 2016, et surtout l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en novembre.

Donald Trump, lui, semble avoir une définition simple (simpliste) des fausses nouvelles : les articles qui le critiquent lui ou sa présidence sont «fausses», alors que ceux qui font son éloge sont «réelles».

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Plus objectivement, une « fake news » est un rapport inexact, parfois sensationnaliste, créé pour attirer l’attention, tromper ou endommager une réputation. Contrairement à la désinformation, qui est inexacte parce qu’un journaliste a confondu les faits, les fausses nouvelles sont créées dans le but de manipuler quelqu’un ou quelque chose.

La définition de ce nouveau concept est étroitement liée à son caractère viral, à  sa façon de se propager, aux canaux qui ont permis sa diffusion.

Les réseaux sociaux ont été longtemps attaqués pour leur rôle dans le partage des fake news pendant les récents événements politiques.

Reste à déterminer l’impact de ces campagnes de diffamation numérique. Si le procédé est vieux comme la politique, l’intervention des réseaux sociaux dans le processus électoral change la donne en terme de capacité de nuisance. « C’est le caractère viral de ces fausses informations qui leur donne du crédit. Elles sont tellement partagées, qu’elles peuvent instiller le doute, même chez des électeurs qui n’ont jamais consulté un site de la fachosphère », expliquait au HuffPost Anaïs Theviot, docteur en sciences politiques à Sciences Po Bordeaux, et spécialiste du militantisme en ligne.

Les économistes  Matthew Gentzkow de Stanford et Hunt Allcott de New York University ont publié les conclusions de leur étude au sujet de l’influence des réseaux sociaux sur les élections présidentielles américaines.

Dans leur étude, Gentzkow et Allcott ont analysé trois séries de données. La première avait pour objectif de suivre le trafic sur les sites Web d’actualités en provenance des médias sociaux. La 2ème examinait les dernières fausses nouvelles identifiées par BuzzFeed et deux sites de vérification de faits importants, Snopes et PolitiFact. La troisième consistait en l’enquête en ligne post-électorale réalisée par les chercheurs auprès de 1 200 électeurs.

Gentzkow et Allcott montrent que les médias sociaux n’ont pas été la principale source de nouvelles politiques pour la plupart des américains en 2016, seulement 14% déclarent avoir eu comme principale source d’information électorale Facebook et d’autres médias sociaux.

«Les médias sociaux ont été une source importante, mais pas dominante à l’approche de l’élection», concluent les auteurs. La télévision, il s’avère, reste la source de prédilection pour les nouvelles politiques.

Pour soutenir cela, dans une étude approfondie de l’Université de Stanford intitulée « Social Media and Fake News in the 2016 Election » l’analyse est sans équivoque : « Pour que les fake news puissent changer le résultat de l’élection, l’effet de persuasion d’un seul et unique article dans ce genre aurait dû être équivalent à celui de 36 campagnes électorales télévisées. « 

Une importante étude sur le partage des français sur la toile pendant la campagne électorale a été également menée en France par la société spécialisée Bakamo, avec le soutien de la fondation Open Society.

factcheckCette étude met des chiffres et des pourcentages sur ce qui était connu uniquement de manière intuitive. Ainsi, environ un quart (24,2%) des liens partagés par les internautes français pendant la période étudiée appartiennent à la catégorie «hors système», un chiffre considérable si l’on prend en compte la disproportion des moyens par rapport aux médias traditionnels. Ces derniers constituent un peu moins de la moitié (48,2%) des liens partagés, le reste appartenant à l’univers classique du Web (20,2%) et aux sites de campagne (7,4%).

Cet état de fait explique que le «fact-checking» auquel ont recours depuis plusieurs années de nombreux sites d’information soit nécessaire mais assurément insuffisant pour contrer l’impact des «fake news». Les internautes qui partagent les fausses informations à partir de sites «hors système» n’ont aucune raison de croire la «vérification des faits» effectuée par ceux-là même dont ils contestent la légitimité.

Et si les fake news n’étaient pas un phénomène si nouveau ?!

Le concept a décollé au même temps que les nouvelles ont commencé à circuler largement, après que Johannes Gutenberg ait inventé l’imprimerie en 1439. Les nouvelles « réelles » étaient difficiles à vérifier à cette époque. Il y avait beaucoup de sources d’information – des publications officielles des autorités politiques et religieuses, aux témoignages des marins et des marchands – mais pas de notion d’éthique ou d’objectivité journalistique.

D’après une étude menée par Petra MCGILLEN pour NiemanLab, les fausses nouvelles ont prospéré au 19ème siècle. Au cours de cette période, la circulation des journaux et des magazines a pris un élan considérable en raison des innovations dans la technologie d’impression et du papier moins cher.

Une stratégie très fréquente à l’époque consistait à envoyer de correspondants à l’étranger.

Ceux qui ne se le permettaient pas, trouvaient une solution créative et beaucoup moins chère : ils embauchaient des écrivains locaux pour prétendre qu’ils envoyaient des dépêches de l’étranger. Au cours des années 1850, le phénomène était tellement répandu en Allemagne qu’il était devenu son propre genre – le «unechte Korrespondenz», ou la «fausse lettre du correspondant étranger», comme l’appelaient les journalistes allemands.

Beaucoup moins nocives que de nos jours, les « fake news » de l’époque enrichissaient le quotidien des lecteurs et avaient comme principal objectif d’informer ces derniers plutôt que l’inverse.

Ce phénomène n’est donc “nouveau” que dans la mesure où il est pire que par le passé, mais ses racines remontent loin dans l’histoire.

Quand les médias s’engagent

Le 1er février « Le Monde » lançait un outil pour aider les lecteurs à repérer les sites les moins fiables.

Le Décodex a pour objectif de fournir au plus grand nombre des outils simples pour apprécier la véracité des informations. Il ne permettra pas de vérifier toutes les rumeurs qui circulent en ligne, mais il offre déjà à chaque internaute les moyens de repérer les plus évidentes d’entre elles, et d’être averti lorsqu’il consulte un site connu pour diffuser de fausses informations.

Le Décodex propose trois outils en un, tous gratuits. Tout d’abord, un moteur de recherche pour trouver un site, par son nom ou son adresse. Ensuite, une extension, c’est un petit programme qui peut être ajouté à son navigateur, et qui signalera, au fur et à mesure de la navigation, par une fenêtre, si le site est fiable ou non.

A l’approche des élections présidentielles, Le Monde s’est tourné aussi vers Snapchat Discover pour sa lutte contre de fausses nouvelles.

L’éditeur dispose d’une équipe de vérification des faits de 13 personnes, Les Décodeurs, qui se concentre sur les histoires et sites spécifiques, sur ses propres propriétés, Facebook et Twitter. Sur Snapchat, l’approche est plus éducative, l’équipe Discover de Le Monde faisant des explications et des guides sur la façon de ne pas être trompé par de fausses nouvelles.

« L’idée n’est pas de signaler une fake news après l’autre, car il y en a tellement, mais plutôt d’éduquer notre public pour avoir de bons réflexes quand ils se heurtent à des informations suspectes », a déclaré Jean-Guillaume, éditeur de Snapchat Discover du Monde Santi.

discover

Le New York Times rapporte également à quel point Snapchat souhaite contrôler le contenu diffuser sur Discover, « les éditeurs ont dû accepter des directives relativement rigoureuses concernant l’édition et la production vidéo, y compris la lecture audio à un volume cohérent et l’interdiction d’images trompeuses. » Les images et informations diffusées sur le réseau social doivent également être adaptées à un public dès l’âge de 13 ans, rappelle le quotidien.

Tant critiqué à la suite des élections présidentielles américaines Facebook a révélé son dernier outil dans la lutte contre les fausses nouvelles, avec un nouveau jeu de conseils pour aider les utilisateurs à identifier les fausse informations qui ont déjà fait leur apparition au sommet du fil d’actualité des gens au cours des derniers jours.

Zuckerberg & Co. pourraient ne pas nécessairement être d’accord, mais ils reconnaissent la nécessité de s’attaquer au problème où ils peuvent, qu’ils ont fait grâce à de nouvelles étiquettes d’avertissement et des indicateurs pour contourner la propagation du contenu conteFacebooksté.

De plus, Facebook a récemment suspendu 30 000 comptes automatisés suspects en France avec beaucoup de profils partageants la désinformation et la propagande politiques.

Google signale déjà les fausses nouvelles, mais cela n’est pas toujours suffisant. Les gens doivent être capables de reconnaître eux-mêmes les fausses nouvelles. À cette fin, via YouTube ils viennent de lancer un programme pédagogique -Internet Citizens- qui a pour but d’enseigner aux adolescents du Royaume-Uni à repérer de fausses nouvelles à travers des ateliers. Les rassemblements d’une journée encourageront les adolescents à vérifier les faits, à échapper aux  «bulles sociales», à gérer les éventuels discours haineux de manière responsable et à utiliser les outils leur permettant de signaler ce type de comportement. YouTube a commencé le programme à Liverpool le 21 avril, mais il prévoit de faire évoluer les clubs de jeunes dans d’autres villes du Royaume-Uni au cours des mois à venir.

Quand politique et humour n’en font plus qu’un …

Pendant que la diffusion de « fake-news » sur les réseaux sociaux et l’impact des filter bubbles font toujours l’objet d’enquêtes universitaires et journalistiques poussées au Etats-Unis, une micro brasserie canadienne, Northern Maverick, ouvre ses portes au centre-ville de Toronto cet été, et fait déjà parler d’elle avec son projefake_news_alet de lancer sa première bière inspirée du controversé sujet.

La nouvelle bière portera le nom de «Fake News Ale», en référence à l’expression prisée par le président américain pour critiquer certains médias et leurs «fausses nouvelles».

Le projet a été conçu dans une optique de solidarité avec les américains, a indiqué la compagnie torontoise dans un communiqué de presse. Northern Maverick entend verser 5 % de chaque vente de «Fake News Ale» pour aider à renverser une politique contestable de l’administration Trump. Le public sera invité au cours des prochaines semaines à se prononcer sur le site de la brasserie afin de déterminer la cause qui recevra le don de charité.

En ce qui nous concerne, trinquons un bon verre de vin rouge le 7 mai avec un goût de liberté, d’égalité et de fraternité.

Sources :

http://www.huffingtonpost.fr/2017/04/20/les-9-fake-news-de-la-presidentielle-decryptees-par-un-cherche_a_22045797/

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/02/le-decodex-un-premier-pas-vers-la-verification-de-masse-de-l-information_5073130_4355770.html#fwZTHbdcExz19IGe.99.

https://www.letemps.ch/opinions/2017/04/18/presidentielle-francaise-defi-fake-news

http://www.niemanlab.org/