Facebook en Chine : Le réseau social à l’épreuve du gouvernement de Xi Jinping

 

 

Le géant américain des réseaux sociaux est actuellement interdit en Chine. Cette limitation imposée par le gouvernement du pays le plus peuplé du monde représente un frein immense pour le la plateforme, désirant étendre son nombre d’utilisateurs.

 

Depuis 2009, le réseau de Mark Zuckerberg est formellement interdit d’utilisation en république populaire de Chine. Pour Facebook, le constat est simple : une telle interdiction ferme un marché potentiel d’1,5 milliard d’utilisateurs, particulièrement actifs et connectés via leur mobile, sans mentionner les recettes publicitaires potentielles énormes que pourraient générer un tel marché.
Afin de trouver une entente, le réseau social serait en train de faire un pas vers les conditions imposées par le gouvernement chinois aux entreprises étrangères désirant se développer au sein du pays, à savoir un contrôle poussé des contenus diffusés sur plateforme, impliquant la possibilité de modérer et de contrôler les interactions et les publications.
Pour beaucoup inadmissible, ce changement dans la politique de facebook soulève plusieurs questions. Avant d’évoquer la « censure », terme péjoratif créant un antagonisme direct et simpliste entre la « dictature chinoise » et les occidentaux férus de liberté d’expression, il faut comprendre le contexte du marché chinois.

La Chine est l’état du monde le plus peuplé, avec des densités élevés et plusieurs villes comptant plus de 10 millions d’habitants; le gouvernement cherche donc à éviter les rassemblements humains qui pourraient déstabiliser le pays de l’intérieur (limiter les vélléités régionnales) ou remettre en cause sa légitimité. Il faut également admettre que la Chine pratique un protectionnisme économique féroce, ne permettant pas aux concurrents directs de ses propres entreprises (Tencent pour WeChat) de s’implanter facilement. On pourrait penser que la Chine voit en Facebook une tentative d’expansion américaine sur son terrain économique et sociétal.

 

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La liberté d’expression sur Facebook : une liberté d’expression totale ?

 

La liberté d’expression au stricto sensu implique la liberté de parole totale, c’est à dire sans limitation, quelque soit la nature ou la portée du message. De fait, dans les pays occidentaux, Facebook est régit par les lois contraignant cette liberté : les propos publiques insultants, homophobes ou xénophobes sont supprimés de la plateforme conformément aux lois des états : ce sont les limites de la liberté d’expression définies en Occident.

En Chine, la liberté d’expression ne permet pas à l’individu de remettre en question les législations et les décisions gouvernementales; ce sont deux systèmes distincts, nous faisant comprendre que les lois étatiques ont encore le pouvoir de soumettre les entreprises, si grandes soient-elles.

Tout comme les pays occidentaux imposant leurs conditions aux entreprises étrangères, la Chine dicte aux entreprises extérieures des règles de conduite à appliquer sur son territoire.
Comme indiqué précedemment, la liberté de parole n’est pas totale sur Facebook, qui dispose d’un droit de modération et de suppression de contenus. Ce nouveau contrôle envisagé des contenus en Chine n’est donc pas un reniement des principes de la plateforme.

Il faut ajouter le fait essentiel que la quasi intégralité des pays autorisant Facebook a déjà fait supprimer des contenus sur la plateforme. (La gouvernement français a par exemple déjà fait supprimer plus de 35 000 contenus sur la plateforme). La Chine n’est donc pas le premier état souverain à imposer ses conditions à Facebook.

 

 

Zuckerberg et la Chine

 

Dans cette vidéo de 2014, Mark Zuckerberg est l’invité d’honneur d’une conférence de l’université de Tsinghua. Il y parle en mandarin, ce que les spectateurs apprécient et applaudissent. On y voit là une véritable volonté de du CEO de développer une relation de confiance et d’intérêt entre son entreprise et la Chine. Cette communication prônant le rapprochement entre le réseau social et la Chine ne s’arrête pas là, car d’autres vidéo montrent par exemple Mark Zuckerberg souhaiter un bon nouvel an chinois en famille : après la conviction, la persuasion ?

 

 

La stratégie d’implantation en Chine s’est amorcée après l’interdiction du réseau social, et l’objectif de M. Zuckerberg est probablement de prouver aux autorités chinoises sa volonté d’intégration et d’adaptation, par l’apprentissage de la langue et l’intérêt pour la culture.

Cependant, malgré les efforts de communication du CEO et les tentatives d’adaptation fournies par le réseau social, Facebook est encore bien loin de s’implanter durablement en Chine: les chinois ont un fort attrait pour leur propre réseau social : WeChat (du groupe Tencent). La plateforme propose la quasi intégralité des services fournis par l’ensemble des réseaux sociaux occidentaux (Facebook, Instagram, Twitter) et permet également à ses utilisateurs en Chine de payer via leur mobile, de commander un taxi ou d’utiliser des fonctionnalités similaires a Tinder.

Une étude fournie par Tencent montre que presque 70% des chinois avaient utilisés en 2015 le paiment par le biais de leur mobile, alors que Facebook commence tout juste à installer son service d’opération de paiement en Europe.

La question pour Facebook est donc de comprendre ce qui pourrait lui permettre de s’implanter durablement sur ce marché immense, en convaincant les utilisateurs de WeChat d’abandonner leur réseau social habituel pour passer chez la concurrence. Zuckerberg s’oppose donc à deux problèmes : le frein politique du gouvernement chinois et le casse tête de la concurrence avec WeChat, réseau social plébiscité et dont les consommateurs chinois ont l’habitude. A ceci, il faut ajouter le fait que Tencent est connu en Chine pour la réadaptation systématique des innovations d’autres entreprises au sein du groupe, ce qui constitue une menace supplémentaire dans le cas ou le réseau social américain arriverait à s’implanter en Chine. 啊 Mark ! (prononcez « jia you ah », ce qui signifie  » bon courage » en mandarin)