Quand votre CV et votre vie privée ne font plus qu’un !

Non content de disposer d’un accès privilégié à un ensemble d’informations personnelles extrêmement disparates fournies par ses utilisateurs, la firme de Palo Alto s’attaque de nouveau au marché de l’emploi.

Après Workplace et les tags permettant d’afficher une expertise sur son profil, Facebook se lançait début novembre dans le business des offres d’emplois en testant aux Etats-Unis une nouvelle fonctionnalité pour les entreprises : un onglet leur permettant de créer des offres d’emploi et de recevoir des candidatures, comme celui de la page de TechCrunch, site d’information américain spécialisé dans l’actualité des startups Internet.

ted crunch

Publiées sur la page de l’entreprise mais surtout directement sur le « wall » des utilisateurs Facebook l’ayant « likée », voilà encore une initiative de la part de la firme aux 1,79 milliards d’utilisateurs actifs qui laisse imaginer le potentiel pour les entreprises. Là où LinkedIn, leader mondial des réseaux sociaux professionnels, compte à peine plus du quart d’utilisateurs soit 467 millions.

Un pas de plus dans l’offensive BtoB de Facebook pour concurrencer LinkedIn.

FB vs Lin

Coté recruteur, on sait que les candidatures ne sont jamais toutes traitées compte tenu du volume de CV réceptionnés. Alors comment répondre au nombre de candidature que cette initiative ne manquera pas d’engendrer ? C’est là que l’entreprise de Mark Zuckerberg est à même d’optimiser cette nouvelle fonctionnalité. A terme, l’analyse des données des utilisateurs Facebook devrait permettre aux entreprises de cibler précisément le profil type de l’employé désiré pour chaque type de poste proposé… Et à Facebook de monnayer ses talents de chasseur de têtes, franchissant un pas de plus dans son offensive BtoB.

Comme à chaque nouveauté made in Facebook cela pose un certain nombre de questions.

Coté candidat, cette nouveauté signifie qu’il est maintenant possible de répondre directement à une annonce sans quitter le réseau et, en théorie, sans transmettre le moindre CV. Un simple clic sur le bouton « postuler » de la page de l’entreprise et ce sont ainsi l’ensemble des informations disponibles sur le profil de l’utilisateur, à condition qu’il soit public, qui seront transférées à la société visée.

Une fois la candidature envoyée, celle-ci est réceptionnée par le recruteur sur sa page entreprise comme s’il s’agissait d’un post Messenger. Une discussion instantanée s’ouvre alors entre recruteur et candidat sur la base des informations transmises.

Une question vient à se poser si Facebook devient à la fois « vitrine » de notre vie personnelle et professionnelle : celle de l’authenticité des informations que chacun est à même de poster pour appâter d’éventuels recruteurs. Si demain j’ai envie de m’inventer de nouvelles passions pour me rendre plus attractive, je pourrai alors les faire naitre et les mettre en scène grâce au génie de Facebook.

Le réflexe de googlisé un candidat est déjà monnaie courante mais cette nouvelle incursion de Facebook dans l’écosystème du recrutement pose à nouveau la question des frontières de la vie privée dans le cadre d’un processus d’embauche. Chacun est certes libre d’en dessiner lui-même les contours, mais que sommes-nous prêts à concéder de notre vie privée pour se faire embaucher ? Sur Facebook, il y a tout ! Tout de nous ! Le recrutement dont on sait qu’il est basé en grande partie sur de l’humain, avec une composante d’identification à l’autre plus ou moins forte, a toujours été sensible aux informations privées :  des propos orientés politiquement ou religieusement peuvent être excluants et quid d’un candidat qui provoque de la sympathie grâce aux photos qu’il prend de sa vie ?

Aussi l’éternelle question de savoir si l’on doit mettre ou pas sa photo sur un CV a-t-elle enfin trouvé sa réponse ! En effet pourquoi ne pas la mettre puisque pire encore qu’une photo, on vous demande d’ouvrir les portes de votre vie privée si vous voulez augmenter vos chances d’être recruté.

Mais au final, tout cela revient – encore – à la liberté et à la conscience de chacun. Pour combien de temps encore ? That’s the question !