8 questions à Amina Esselimani, Head of design chez Speak UX!
Rencontre avec Amina Esselimani, la fondatrice de l’agence Speak UX! spécialisée dans le design conversationnel.
Elle accompagne les entreprises dans l’exploitation des nouvelles technologies de type chatbots ou voicebots, pour transformer les expériences de leurs clients.

1) Bonjour Amina, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis designer d’expérience utilisateur de formation. Je suis passée par l’école de design de Nantes, j’ai un master en design d’interaction. Cela concerne tout ce qui est interaction homme-machine… Après mon diplôme, j’ai travaillé en agences de design, pour des grands groupes, des start-ups puis je me suis lancée en freelance en 2016. J’y ai rencontré l’expertise du design conversationnel qui consiste à concevoir des expériences de discussions avec des robots, à travers des produits de chatbot ou de voicebot.
Voyant un fort intérêt dans ce mode d’interaction, utilisant les technologies de compréhension du langage naturel, j’ai fondé en 2019 l’agence de design Speak UX!, qui est spécialisée sur le Design conversationnel.
2) Comment est né Speak UX ?

En 2016 j’étais en freelance et j’avais commencé par une mission chez Oui sncf où finalement je suis restée trois ans. Pendant cette période une équipe conversationnelle a été créée, j’ai eu l’opportunité de la rejoindre, de là a commencé mon aventure sur le Design conversationnel.
A côté de ça, j’avais pas mal de demandes d’accompagnement de la part des grands groupes sur ces sujets-là, et pour ne pas décliner ces demandes-là, j’ai décidé de former des designers et donc de créer une équipe… C’est comme ça qu’est née l’agence Speak UX!
Nous avons travaillé ensuite sur plusieurs typologies de bot différentes, et divers secteurs d’activité à travers nos clients (Air france, Accor, Schneider electric, VALEO, etc.) Nous avons évolué dans différents domaines e-commerce, divertissement, pédagogie et nous nous sommes forgé une expertise pointue dans le domaine de la relation client.
3) Pourquoi un tel engouement pour l’UX conversationnel ?
Côté utilisateur, je pense qu’il y a deux raisons à cela. Il y a cette fameuse promesse du système, de comprendre le langage naturel de l’utilisateur à travers un canal d’interaction simple qui ne nécessite pas d’apprentissage : on a des chatbots qui comprennent des phrases qui ont été naturellement exprimées par les utilisateurs (et je ne parle bien évidemment pas des boutons qui sont prédéfinis où l’on joue juste un arbre de décision)
La seconde raison est probablement la promesse d’apporter une réponse en temps réel, une facilité d’accès au produit et le fait de ne pas devoir rentrer dans l’architecture métier du produit.
L’engouement côté entreprise, à mon avis, s’explique d’une part par la performance grandissante des technologies de reconnaissance de la parole et de compréhension du langage naturel :
D’autre part, par la recherche de performance, en automatisant au maximum toutes les petites tâches à faible valeur ajoutée que pouvait faire un agent ou un télé-conseiller et qui n’apportent pas beaucoup de valeur pour lui. L’objectif est de lui permettre de se dégager du temps pour traiter des sujets un peu plus un peu plus élaborés, un peu plus complexes et souvent plus commerciaux.
4) Qu’est-ce qui fait une expérience réussie ?
Chez Speak UX!, nous avons trois piliers pour assurer qu’une expérience sur un bot soit adoptée.
Premièrement il faut que le use-case soit pertinent, qu’on apporte vraiment un service avec de la valeur ajoutée via ce canal. S’il s’agit simplement de traduire une expérience site en conversationnel, il est possible que l’expérience via le chatbot soit même plus dégradée.
La deuxième chose c’est une expérience personnalisée : si on ne prend pas en compte le contexte de l’utilisateur, le fait qu’il pose telle question au bot parce qu’il a déjà contacté le bot ou a fait ce type d’expérience, du coup son besoin n’est pas général, c’est un besoin très spécifique qui est propre à sa situation. La force de cette expérience ‘tunnel’ c’est que l’on répond à un besoin bien spécifique et bien détecté.
La détection du problème ou de la préoccupation du client, pour bien comprendre sa situation, passe par une importante recherche utilisateur. Des connaissances clients que l’on va mettre au service du conversationnel
Ce qui m’intéresse, sur le vocal, c’est non seulement de proposer une expérience personnalisée, mais que le bot soit pro-actif. L’aspect personnalisé de l’expérience se traduit idéalement par la pro-activité du bot et non pas un niveau de personnalisation tel que ‘Bonjour Amina’.
Et le troisième pilier c’est ce qu’on appelle dans notre jargon, une NLU (Naturel Language Understanding) performante donc c’est le niveau de compréhension du langage naturel. On ne lance un produit que si l’on a au moins 80% de compréhension du vocabulaire (intentions). En effet, l’utilisateur passera plus de temps à se faire comprendre par le bot qu’à obtenir s réponse, il faudra attendre la maturité du bot ou alors je déconseille d’imaginer une expérience basée sur la NLU ou sur un canal qui invite à l’expression en langage naturel.
5) Quelles sont les particularités de la rédaction conversationnelle ?
La partie rédaction est le métier de l’UX writer. Par exemple, je travaille toujours en binôme avec Samuel Marc, le lead UX writer cher Speak UX! Son challenge : créer une âme et une personnalité au bot afin qu’il s’exprime de manière homogène et cohérente (en accord avec les valeurs de la marque) sur l’ensemble des interactions utilisateur-bot. Cela passe par la création du persona du bot mais également des guidelines conversationnelles qui ont pour but de promettre une expérience simple cohérente, plaisante et efficace.
Parmi ses responsabilités, il est garant de l’ergonomie de la conversation. Il met en application plusieurs maximes et principes pour réussir l’interaction entre les deux locuteurs (bot et utilisateur)
L’UX writer maîtrise plusieurs enjeux de ce mode de communication comme l’aspect naturel de l’interaction : le robot doit adopter les codes d’interaction naturels mais ce n’est pas pour autant qu’il doit se faire passer pour un humain. Les gens préfèrent la transparence, ils préfèrent savoir quand c’est un robot. Et dès que le robot essaie d’avoir des mimiques d’humain c’est très mal perçu. Donc il faut trouver le juste équilibre.
Et dans le vocal ça paraît simple mais c’est très compliqué de formuler des réponses qui sont proches de l’oral, c’est un petit challenge. On a du mal à dire « on », on a du mal à dire « ça », parce qu’on n’a pas l’habitude d’écrire « ça » mais à l’oral c’est ce qui fonctionne…
Donc l’UX writing c’est à la fois dans l’architecture de la conversation, mais aussi beaucoup dans sa mise en forme.
En amont, on travaille donc sur la phase créative du « persona de bot » parce qu’on a besoin de définir effectivement le « tone of voice ». On a besoin de savoir comment positionner le bot : est-ce que c’est l’assistant du client ? Est-ce que c’est l’assistant de la marque ? Est-ce qu’il incarne la marque ? Est ce qu’il est corporate ? Est-ce qu’il est familier ? Est-ce qu’il dit « on, nous, je ? » Est-ce qu’il parle de la marque ? Comment le positionner ?
6) Pourquoi vient-on vous consulter chez Speak UX! ?
Speak UX! est la première agence de design française spécialisée en Design conversationnel. On vient nous consulter en tant qu’expert sur l’aspect design, mais également pour le développement de POC (Proof of Concept). Nous mettons toute notre expertise au service du client pour l’accompagner sur les dimensions design, produit, stratégique et opérationnel de leur service.
Si je schématise, on vient nous voir pour deux choses :
– soit les clients veulent explorer le vocal et ils se tournent vers nous parce qu’on on a une expertise sur le vocal. Ils nous confient leur volonté de trouver le bon cas d’usage et le développement du POC.
– soit le client a déjà développé un chatbot ou souhaite le faire, il nous sollicite pour un audit (optimisation des parcours), la mise en place d’une stratégie, d’une équipe ou d’une process d’industrialisation du bot.
Par exemple un UX designer conversationnel de l’équipe design Speak UX! design ou développeur NLU de l’équipe technique intervient en régie chez le client à travers des missions de prestation de service ou sous forme de prestation en forfait.
Nous avons également un troisième volet en pleine expansion qui est celui de la formation au Design conversationnel. Référencé DATADOCK, nous proposons en tant qu’organisme de formation 3 formations sur le Design conversation (Stratégie, Gestion et Design), des design sprint conversationnels et une formation sur l’UX writing conversationnel. Ces formations s’adressent aux entreprises, professionnels freelance et école de design et école d’ingénieur avec qui nous avons des partenariats.
7) Sur quels projets travaillez-vous ?
La chance d’être une agence nous permet de travailler sur différentes typologies de projet et différents domaines d’activité. Nous avons eu la chance d’explorer le vocal dans le médical, automatiser une partie de la relation dans le secteur du tourisme avec les principaux acteurs du marché français, dans l’hotellerie notamment, l’industrie de l’electricité, du luxe, celui de l’automobile, des télécom, de l’enseignement, de l’architecture, etc. Cela nous a permis de monter en compétences métier dans ces domaines.
Les types de projets sont divers et variés, cela concerne pour la plupart de l’automatisation dans la relation client, projets plutôt industriels, mais nous faisons aussi beaucoup d’exploration tel que, le vocal dans l’automobile, le conversationnel dans la réalité virtuelle, le Nos activités s’inscrivent principalement dans un modèle de Recherche et Innovation.
Nous intervenons et accompagnons nos clients à tous les moments du projet si ce n’est la mise en production d’un bot, cela peut être sur de l’opérationnel à travers des missions d’UX design conversationnel, d’UX writing, de développement NLU, de gestion de produit, UI design, Motion design, Sound design, développement d’application de jeu vidéo. Nous ne développons pas exclusivement du conversationnel. Ou alors cela peut être sur des sujets plus stratégiques, pour mettre en place des process, une équipe, réaliser du coaching pour donner de l’autonomie à une équipe de développer son produit. Nous avons également accompagné un grand compte de l’ingénieurisation de leur offre chatbot.
Pour en revenir au marché du conversationnel, concrètement, certains clients nous consultent pour mettre en place des expériences avec des chatbot parce qu’ils souhaitent automatiser certaines questions dans le domaine de la relation client, donc tout ce qui est service après-vente, dépannage, des questions où ça n’exige pas d’appeler le service clients et d’avoir d’attendre vingt minutes, pour juste avoir un « oui » ou un « non » de la part de l’agent.
Généralement on travaille avec nos clients pour voir quels sont les cas où il est pertinent d’automatiser et quels moyens déployer. Aujourd’hui chaque entreprise du domaine de la relation client, travaille sur une automatisation d’une partie de l’expérience client. Et c’est à nous de mettre le curseur pour ne pas dégrader l’expérience client.
Parmi les sujets qui nous excitent on a par exemple travaillé pour une start-up dans le domaine médical où l’on a co-défini l’expérience d’un assistant vocal qui assiste le chirurgien dans le bloc opératoire . Ce type de projet-là, souvent c’est soit des start-ups, soit des grands comptes et leur département innovation qui vient nous solliciter pour voir ce qu’on peut faire avec de la voix ou comment on peut régler une certaine problématique par la voix car ils ont des convictions qu’ils souhaitent tester. Nous avons grand plaisir à les accompagner sur des problématiques souvent passionnantes.
8) C’est quoi l’avenir de l’UX conversationnel ?

L’UX conversationnel est un mode d’interaction, sur la forme, basé sur la reconnaissance et la compréhension des mots. Ce mode d’interaction se retrouve sur des canaux particuliers, des messageries instantanées, applications vocales, objets connectés accueillant des IA… etc.
Les canaux vont évoluer, donc les modes d’interactions associés également.
A mon sens , l’UX conversationnel ne va pas disparaître car c’est le moyen humain le plus naturel pour exprimer un besoin, un désir, auprès d’un système.
L’UX conversationnel ce n’est pas forcément la conversation, un système qui dit des phrases et un utilisateur qui dit des phrases. Pour moi c’est une conversation au sens large avec une marque ou au sein d’un service. Et la conversation, elle peut se faire par des mots, par du clic, par du touch… la réponse n’est pas forcément verbalisée. Des fois le bot va afficher une image et ce sera beaucoup plus clair que s’il verbalisait. Si ce n’est pas le bot qui converse c’est probablement un système qui réagit. Ça peut être des modules qui changent, le contenu d’une page qui va se transformer, en environnement virtuel ou réel qui va réagir, s’adapter… Pour moi le futur de ce type d’expérience-là, cela ça va être des expériences multi-modales : ça veut dire un coup je vais parler, un coup je vais cliquer, un coup je vais sélectionner, et peut-être même ressentir etc… et la réponse on ne va pas être dans du pur texte. On peut être dans du moitié conversationnel, moitié applicatif. Il faut que ce soit intuitif et naturel.
Exemples de bots :
Ouibot : https://www.youtube.com/watch?v=7egj2eo_ss0
Assistant Google x Oui sncf : https://www.youtube.com/watch?v=d86fABNLG7g
Alexa x Air France : https://www.youtube.com/watch?v=LYC0nHDudqA