A première vue, l’expression « low-tech » peut faire sourire. C’est vrai, comment utiliser la technologie, souvent associée à l’idée d’accélérateur d’innovation où il faut aller toujours plus vite et toujours plus loin, avec l’idée de faiblesse, terme négatif, régressif et antinomique de notre ère où chaque jour promet une nouvelle innovation ? Après vous avoir parlé de la Smart City, je vais vous parler de ce concept de low-tech en opposition à la high-tech, bien plus ancrée dans nos problématiques et nos valeurs actuelles et futures.
BIENVENUE DANS L’ERE DE L’ANTHROPOCENE.
En 2016, des géologues se sont réunis lors du congrès international de stratigraphie en Afrique du Sud et on déclarait la fin de l’Holocène pour le début d’une nouvelle période, celle-ci marquée par l’action de l’Homme, l’Anthropocène. En clair, l’Homme est maintenant capable de transformer la Terre. On peut identifier l’empreinte de l’Homme sur terre par l’intensification de la démographie, de la consommation d’eau et d’énergie, des émissions de CO2, de l’extinction de la biodiversité et du recul des forêts. Pour Chris Rapley, spécialiste du climat : « nous jouons avec le feu. ». Est-ce une raison pour être fataliste ? Et si nous décidions de laisser une empreinte positive en imaginant un futur durable pour la planète ? Des acteurs travaillent sur plusieurs solutions.
LA LOW-TECH ET SON CONCEPT
Dans son livre L’âge des Low tech, Philippe Bihouix parcoure des comportements et des solutions économiques soutenables pour l’avenir. La low-tech explore la problématique de la fin de certaines ressources et la nécessaire transition énergétique qui en découle. Loin du pessimisme environnant, la low-tech prend le contre-pied des innovations high-tech et de la course des nouvelles technologies dites « vertes ». Il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre mais de conserver un niveau de confort et de civilisation agréable en évitant les pénuries à venir avec une économie soutenable. Par soutenable, il faut entendre des innovations durables au fil du temps et des générations. La transition écologique est inévitable et il est nécessaire d’orienter les activités humaines en tenant compte des limites de ressources disponibles et du partage de ces mêmes ressources avec sept milliards d’individus.
La low-tech se définit sur 6 axes qui s’intègrent les uns aux autres : la low-tech c’est tout d’abord une communauté qui s’échange des tutoriels pour que chacun puisse s’approprier les technologies. Le faire soi-même est primordial. Ce sont aussi des innovations créées à partir de ressources locales parfaitement intégrées à leur contexte d’utilisation. Cela engendre un impact écologique des plus faibles afin de consommer mieux et moins. Comme la low tech est pensée pour consommer moins, elle permet de faire des économies en réduisant les coûts de fabrication. Et pour faire plus d’économies, les technologies low-tech sont modulaires et réparables. Il n’y a pas d’obsolescence programmée. Et enfin elle s’adresse à tout le monde, aux villes comme aux campagnes, aux pays riches comme aux pays en développement.
Mais quelles sont les solutions et à quoi ressemblerait notre quotidien dans une société où la consommation ne serait plus subie mais choisie ?
LA LOW TECH ET SES SOLUTIONS
Moins de 1% des métaux utilisés dans les high-tech sont recyclés. Dans la low tech, la réflexion est inversée. Il faut que les objets soient réparables, modulaires et récupérés au maximum sans perdre des ressources au moment du recyclage.
Un exemple d’objet que l’on connait tous et qui pourrait appartenir à cette mouvance ? Le vélo. Il y a toutes sortes de vélos, des pliables, pour transporter plusieurs enfants, de ville ou de campagne… Ils sont simples d’usage, robustes, facilement réparables, presque inusables s’ils sont bien entretenus. Pourquoi imaginer des objets plus complexes et à durée de vie modeste si je peux garder le même confort avec des objets simplifiés et avec une durée de vie beaucoup plus longue ? La low-tech veut inspirer ce genre de solutions. Les produits complexes ne sont pas gages d’un meilleur confort mais l’on peut être sûr qu’ils consomment plus d’énergie qu’ils ne devraient. La surconsommation matérielle peut être évitée avec des solutions venant de la low-tech.
Bien sûr, la sobriété dans la consommation du quotidien peut devenir une contrainte au vue de nos habitudes actuelles. Qui dit moins de consommations, dit des voitures plus légères, qui iront moins vite avec peut-être moins d’équipement…avant de passer complètement aux transports en commun. Actuellement, cette transition peut paraître encore pénible mais cela peut engendrer une meilleure qualité de vie. Fermez les yeux et imaginez la réintroduction de la nature en ville, la fin des parkings, la possibilité de se loger plus près de son travail, la fin des embouteillages, moins de nuisances sonores… on en rêve tous en secret non ?
ET CONCRETEMENT LA LOW-TECH, ÇA DONNE QUOI ?
Le Low-Tech Lab s’est donné pour mission de co-développer, documenter et partager les solutions low-tech afin de faciliter la diffusion des technologies. Comme par exemple le projet de dessalinisateur solaire Eliodomectico par Gabriele Diamanti. Le designer a créé un four solaire permettant de rendre l’eau de mer potable. Grâce à cette innovation, 5 litres d’eau potable peuvent être récupérés par jour. Et cette technologie est libre de droit, donc n’importe qui peut la créer chez soi. C’est aussi ça l’esprit low-tech : des innovations de pointe qui sont en corrélation avec notre environnement et utiles pour la communauté.
L’association veut aussi sensibiliser les nouvelles générations, les entreprises ou toutes autres associations et individus aux problématiques de demain.
A l’aide des professeurs, le Low-Tech Lab permet aux enfants de s’investir dans le développement durable et dans l’innovation avec la mise en place de certains projets pédagogiques. Cela permet aussi de les éveiller aux problèmes écologiques et d’y apporter des solutions.
Le Low-Tech Lab accompagne aussi les entreprises dans leur transition en soutenant l’innovation et en pensant Low-Tech. Par exemple, en juin 2016, Leroy Merlin et le TechShop d’Ivry ont créé le premier hackaton entièrement dédié à l’esprit Low-Tech. Durant 3 jours, 60 makers ont planché sur 4 problématiques (conservation des aliments, production de l’énergie, stockage de l’énergie et désalinisation de l’eau de mer) qu’ils devaient résoudre à partir des outils du Techshop et des ressources issues d’une benne de déchets commerciaux Leroy Merlin. Ce fut un succès et l’évènement va être reproduit.
La low-tech est une démarche grandissante est de plus en plus prise en compte par les acteurs économiques mais aussi par les citoyens qui prennent conscience que notre planète ne peut continuer à être aussi dévasté par notre civilisation. Nous ne pouvons continuer à consommer autant, à jeter autant et à polluer autant indéfiniment. Des solutions existent et des mouvements innovants permettent de croire que l’on peut éviter la catastrophe sans perdre notre confort et notre niveau de vie. Nous devons révolutionner nos habitudes et notre façon de penser pour permettre une transition durable. Et ceci dans tous les domaines, que cela soit économique, politique ou sociale.
Pour aller plus loin dans le concept de la low-tech et y découvrir de nombreuses solutions pour notre avenir, je vous conseille le livre de Philippe Bihouix, l’âge des low-tech, vers une civilisation techniquement soutenable.