User Digital Experience (#UDE) : Y a t’il une ou des Digital aptitUDE(s) ?

Nous voici au premier épisode de la série d’articles « User Digital Experience » annoncé dans mon digital PrélUDE du 14 juin 2018, toujours disponible ici  !  

Y a t’il une ou des Digital AptitUDE(s) ?

Belle question ! Y a t’il une aptitude naturelle pour utiliser le digital ou est ce qu’on l’acquiert par un apprentissage ou simplement par l’expérience. Est-ce réellement une question de génération ou juste un effet de groupe ? Existe t’il une “techno-disposition” comme aime à le définir Viviana Rojas, professeur et chercheur l’Université de Austin au Texas ?

Et si oui, quels sont les moyens d’évaluer l’aptitude digitale des générations qui ne sont pas nées avec ces technologies et leur donner les moyens de s’adapter et d’être acteurs de ce monde qui se transforme et bouleverse nos vies à vitesse grand V !

Les compétences digitales, une question de génération ?

On a très vite catégorisé les appétences au digital à travers le spectre générationnel, parlant beaucoup des “digital native” , nom donné par  Mark Prensky* dès 2001 à la génération née entre 1980 et 2000. Les sociologues distinguent en effet la société du 21ème siècle en 4 types de générations au regard de leurs usages technologiques :

  • les Baby-boomers, personnes nées entre 1946 et 1964,
  • la génération X, personnes nés entre 1965 et 1979,
  • la génération Y (ou digital natives), nés entre 1980 et 2000,
  • la génération Z, née à partir de l’an 2000

De cette classification générationnelle, il est possible de soutenir que l’appétence digitale  n’est pas forcément un droit de naissance mais plutôt un produit du capital culturel. Selon Pierre Bourdieu , le capital culturel est défini comme «la possession de certaines compétences culturelles, de savoirs culturels, qui fournissent des modes distingués de consommation culturelle» . L’appétence avec la technologie et sa facilité d’utilisation serait donc une forme de capital social qui permet à ceux qui la possèdent de progresser dans la société.

Une culture digitale donc, mais cela signifie t-il forcément qu’on a des compétences digitales ? Et est-on forcément dépourvu de compétences digitales sous prétexte qu’on est « sénior » ? Je pense que non ! Certes, les jeunes générations savent utiliser les dernières applications en vogue comme les réseaux sociaux mais surtout pour des usages ancrés dans l’instantanéité sans réelle valeur ajoutée (partage de photos en live, snaps, etc.) . Ils n’ont souvent pas encore l’expérience voire la prise de recul suffisantes pour intégrer et adapter ces technologies dans le cadre d’une culture et d’une stratégie d’entreprise. Les séniors, quant à eux, et je l’ai souvent observé au cours de mes expériences professionnelles et encore aujourd’hui, possèdent ce recul et de l’expérience mais se servent souvent de cette “excuse générationnelle” pour repousser le moment où ils devront se remettre en question et se confronter à ce changement technologique pourtant inévitable :”c’est pour les jeunes”, “c’est une mode, ça va passer”, etc.

Les compétences digitales, clé de voûte de l’économie de demain

D’après la Commission européenne fin 2017,  8% de la population active en France n’a aucune compétence digitale, 27% un niveau faible, et 33% un niveau de base. Or, les compétences digitales, tremplin incontournable pour la création et le développement des entreprises, sont la clé de voûte de l’économie de demain. Selon un sondage OpinionWay pour Facebook réalisé en décembre 2017, 86% des Français estiment que la maîtrise des outils digitaux est d’ailleurs indispensable à la réussite d’un projet d’entreprise et 1/4 des femmes entrepreneurs considèrent que c’est un frein à la création et au développement d’entreprise :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les grands acteurs numériques ne s’y sont pas trompés puisque Facebook s’est engagé à former 65000 personnes, dont 50000 personnes éloignées de l’emploi, aux compétences digitales en France d’ici fin 2019 en partenariat avec Pôle Emploi tandis que Google déploient des centaines de coachs dans toute la France, des grandes métropoles aux petites villes, pour animer ses Ateliers Numériques, gratuits, agnostiques et ouverts à tous, quelque soit votre niveau :

Compte Twitter : @GoogleEnFrance
Hashtag : #AteliersGoogle
Toutes les formations en ligne et les inscriptions en présentiel : g.co/AteliersNumeriques

Selon Madame Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Economie et des Finances, « Sans les bonnes compétences digitales, des pans entiers de notre économie passeront à côté des opportunités de demain. Ces compétences représentent aussi une formidable chance pour augmenter l’employabilité des Français. Dans le cadre de son Plan d’investissement dans les compétences, le gouvernement a d’ailleurs annoncé début avril 2018 le coup d’envoi du volet “10.000 formations aux métiers du numérique”.

Dans le cadre de leur transformation, les entreprises sont également confrontées à ce manque de compétences. C’est en tout cas ce qui ressort du baromètre  “croissance & digital 2017” de l’ACSEL d’octobre 2017  qui pose le manque de formations et compétences digitales en 3ème position (44 %) du ralentissement de la transformation digitale des entreprises, après le coût (57 %) et la difficulté de mise en oeuvre (49 %).

 

Identification, évaluation et intégration des compétences digitales

S’il existe depuis longtemps des référentiels de compétences pour la majorité des métiers, la question de l’identification, de l’évaluation des compétences liées au digital se pose dans un contexte où les entreprises se voient contraintes d’accélérer leur transformation pour s’adapter et survivre. Y a-t-il des compétences digitales spécifiques à chaque métier ou des compétences transversales et surtout y a-t-il un « savoir-être digital » ?

Les hard skills

Comme tout autre métier, le digital possède ses propres compétences techniques, de savoir-faire, appelées les “hard skills”, au travers notamment de formation sur les logiciels, les langages de programmation, les éditeurs, les réseaux sociaux, etc. et le nombre de ces enseignements et programmes ne fait que croître ces dernières années.

Si vous choisissez le métier de “data scientist” ou de “traffic manager” , il est évident qu’il vous faudra acquérir des compétences techniques spécifiques pour exercer votre métier au quotidien. Mais qu’en sera t’’il quand vous devrez sortir de votre bureau et porter votre stratégie devant le COMEX de votre entreprise, faire part de votre expérience auprès de journalistes spécialisés ou lors de conférences externes et donc mobiliser vos compétences en terme de communication et de prise de parole en public ?

Si ces “hard skills”possèdent leur propre référentiel, elles sont et seront de plus en plus boostées par les nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle qui fera que, demain, la connaissance ne sera finalement certainement plus qu’une “commodité”. La différence se fera donc sur le “savoir-être” des individus, leur capacité à mobiliser leurs qualités humaines pour s’adapter et à utiliser ces technologies digitales dans le cadre de la culture de leur entreprise.

La non maîtrise de ces aspects techniques, à travers notamment les outils, est d’ailleurs ressentie comme un frein à la création d’entreprise d’après une enquête Opinion Way sur les femmes entrepreneurs (Décembre 2017)

Les soft skills

Jack Ma, fondateur de Ali Baba, disait  au dernier forum de Davos que : “Demain, le leader, pour réussir devra équilibrer ses 3 formes d’intelligence : la capacité de raisonnement,  l’intelligence émotionnelle (son rapport à soi) et l’intelligence relationnelle (ses interactions avec les autres).

Jérôme Hoarau, expert du sujet et co-auteur du livre « Le Réflexe Soft Skills – Les compétences des leaders de demain » chez Dunod, intervient régulièrement dans les Ateliers Numériques de Google cités plus hauts dans l’article.

Dans un monde où la connaissance va donc devenir une commodité, c’est l’aptitude à être capable de combiner l’intelligence analytique, qui sera demain suppléée par des intelligences artificielles, avec des intelligences créatives, émotionnelles, relationnelles propres à l’humain qui fera la différence.

Il n’existe à date pas réellement de référentiel des softs skills. On parle par exemple de compétences comportementales telles que l’intelligence émotionnelle, l’empathie, la gestion du stress ou la résilience. Comme aime à le dire Diane Rivière, fondatrice et présidente de Edge Advisor, il n’existe pas encore de “master spécialisé en empathie ou de MBA en curiosité” 😉 

Parce que l’enjeu du recrutement de talents capables d’intégrer la révolution digitale dans leur entreprise est vital pour les entreprises, des intelligences artificielles comme Whoz font la promesse de révéler les compétences des collaborateurs et de trouver le poste, la mission, et les formations qui leur correspondent, en analysant à la fois les hard skills et les soft skills. Cette approche est appelée la “Gestion prédictive des compétences” ; Whoz est en effet capable d’identifier d’où vont venir les obsolescences, d’identifier quelles sont les compétences émergentes, pour passer à une gestion des compétences plus dynamiques et ancrées dans le marché réel.

Pourtant, peu de collaborateurs et de candidats mettent en valeur leurs soft skills sur leurs profils LinkedIn ou leurs CV.

Alors comment faire la différence ? Comment recruter les bonnes compétences ?

Un candidat ne met pas en avant naturellement ses soft skills car ce n’est pas naturel. Cette analyse personnelle nécessite un recul sur soi-même et nous incite à nous poser des questions telles que : Dans quel(s) contexte(s) “ai-je eu à mobiliser des gens avec moi”,  “ai-je eu à prendre des initiatives”, “ai-je dû me mobiliser face à des situations complexes”, “qu’est-ce qui m’a permis de pouvoir relever des challenges”…

Tout l’enjeu désormais pour les responsables recrutement et développement RH va se tourner autour des 3 piliers suivants concernant les soft skills, à savoir être capable de :  

–      les identifier
–       les évaluer
–       les intégrer au contexte et à la culture de l’entreprise

L’évaluation de la culture ou/et des compétences digitales des collaborateurs

La maturité digitale même de l’entreprise est indicateur vital de la réussite de sa transformation digitale, à travers :

  • son  niveau de maîtrise stratégique de l’ensemble des méthodes et bonnes pratiques du marketing digital (communication en ligne, utilisation des réseaux sociaux, création de trafics, commerce électronique…),
  • sa visibilité digitale et l’indice de confiance numérique de l’entreprise (e-réputation et l’évaluation de sa stratégie d’influence)
  • sa capacité à intégrer de nouveaux dispositifs digitaux (degré de compétence technologique, niveau d’équipement des collaborateurs, etc.)
  • sa maturité technologique et de ses processus pour concevoir de nouveaux produits et services innovants
  • la mesure de la maturité digitale des collaborateurs, à savoir l’évaluation de leur sensibilité au travail collaboratif, au partage d’information ou encore à l’auto-apprentissage, en même temps que leur niveau de maîtrise des technologies.

Je me concentrerai ici sur ce dernier point.

ll existe déjà des tests, comme le TANU par exemple https://www.tanu.io/ ou le  test “RU Digital ?”(prononcé “Are you digital”), qui permettent d’évaluer la culture digitale des collaborateurs et, se faisant, permettent de monter des programmes de formation adaptés à chacun.

Le “RU Digital ?” est un « test in progress », 100 % en ligne, présenté sous la forme d’un QCM qui dure environ 40 minutes et permet de certifier les compétences digitales. La façon dont sont posées les questions relèvent à la fois de la connaissance et du savoir-faire. Le test aborde huit thématiques clés pour se situer dans un contexte professionnel. Celles-ci relèvent de la culture web, de l’e-commerce/e-business, de l’environnement de travail, de la sécurité informatique, de la communication web, de l’IT & data, du webdesign et des métiers du digital. Le test débouche sur un score global auquel sont associées des recommandations personnalisées. De plus, « RU Digital ? » est une certification nationale reconnue par la CNCP. Elle est accessible par tous les dispositifs de formation et donc éligible au CPF, preuve que ces compétences sont désormais considérées comme importante dans les entreprises et les administrations en charge de ces sujets.

D’autres entreprises, à l’instar des compagnies de banques et assurances, rapidement impactées par la digitalisation de leur économie ont également lancé leurs propres initiatives de “passeports digitaux”, à travers des campagnes de sensibilisation et d’acculturation au digital,  avec pour objectif de permettre à leurs équipes de mieux appréhender les évolutions en cours et d’anticiper celles à venir : dématérialisation des services, automatisation de certaines tâches, développement de la relation clients sur de nouveaux canaux comme les réseaux sociaux.

L’évaluation des compétences digitales au moment du recrutement

La guerre des talents est un enjeu majeur pour la réussite des entreprises qui doivent intégrer dans leurs équipes de collaborateurs ayant des compétences digitales, certes, mais qui soient en capacité à la fois d’intégrer et d’adapter ces compétences à la culture et aux objectifs de l’entreprise et de s’intégrer dans des équipes multi-profils, auprès de managers issus de générations précédentes. Le recrutement est donc un moment à ne pas louper et les nouvelles technologies ont également leur rôle dans ce processus.

En effet, de nouvelles méthodes basées sur l’intelligence artificielle se développent pour analyser rapidement les hard skills mais également les soft skills des candidats pendant les processus de recrutement, comme Whoz auquel je faisais allusion un peu plus haut.

Des initiatives plus “humaines”, basée sur la méthode des  “Big five” se développent également avec, par exemple, une initiative qui propose aux candidats d’être filmés pendant quelques minutes (2 ou 3 mn) pendant lesquels ils sont questionnés sur des sujets très simples. Ce qui est analysé ensuite c’est leur profil psychométrique, à travers son comportement, ses réactions, sa posture et ses interactions avec le recruteur et d’évaluer ainsi sa capacité à donner le meilleur de lui-même dans des moments difficiles, en gestion de stress par exemple. L’objectif étant de confirmer la bonne adéquation entre le candidat, le poste, l’équipe et le manager en place et la culture d’entreprise.

Ces compétences évaluées, comment les développer ?

Il existe de nombreuses formations pour développer ses hard skills, que ce soit en formation initiale ou en formation continue. Studyrama annonce même plus de 1200 formations initiales aux métiers des nouvelles technologies et du web, lors de son salon en novembre 2018.

Pour les soft skills, cela parait un peu plus compliqué. Ces compétences ne sont pas innées et, sont encore trop peu enseignées même si une simple recherche sur les moteurs de recherche suffit pour dénicher un nombre incalculable de formations, courtes ou approfondies. C’est la bonne nouvelle !

Mais tout le monde n’est pas un orateur né et certaines personnes, bien que très compétentes dans leur domaine d’expertise, peinent à communiquer le fruit de leurs analyses, échouent à convaincre, ou tout simplement, sont plus affectées que d’autres par le stress (57% des cadres en souffrent encore selon le baromètre CEGOS de septembre 2017) .

Si certaines caractéristiques fondamentales de la personnalité de chaque individu sont difficiles à changer, bon nombre de points se travaillent et s’améliorent comme par exemple, les techniques de communication (la prise de parole en public, etc.), la gestion du stress et des émotions, etc.

La solidarité et la collaboration pour traverser la révolution digitale ensemble ?

Les anciens ont de la rigueur et une bonne connaissance des entreprises, les jeunes l’agilité, une appétence pour les nouvelles technologies et une façon décomplexée d’aborder les choses. Tous ont une vision de ce que doit être le monde et l’entreprise, et chacun a un engagement émotionnel. C’est une émulsion du nouveau monde dans l’ancien. Quand les deux fonctionnent bien ensemble, c’est bien plus fort qu’une équipe 100 % X ou 100 % Y ! L’enjeu pour l’entreprise est donc de les faire travailler ensemble et d’en faire une équipe gagnante-gagnante à travers par exemple des initiatives de parrainage inversée(les jeunes forment les plus anciens au digital, les anciens transmettent leur connaissance de l’entreprise et leurs savoir-faires) ! Ainsi, chacun pourra se sentir acteur du projet d’entreprise et s’épanouir dans ce nouveau monde digitalisé.

La réussite des transformations digitales passe donc, à mon sens, par la collaboration des acteurs : la collaboration entre les humains et l’intelligence artificielle, la collaboration entre les générations. Dans une organisation agile, on a besoin des autres pour réussir et la capacité de chacun à relever les défis et à aider les autres à atteindre les objectifs est certainement un gage de réussite commun, le digital sur ce point n’apportant que des outils supplémentaires, facilitant et accélérant les processus de collaboration à travers l’accès et le traitement accélérés des informations utiles.

 

Enseignant et chercheur américain,dans un essai paru en 2001 aux générations nées entre 1985 et 1995

Pierre Bourdieu : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourdieu

Baromètre climat social et QVT 2017 Cegos : https://www.cegos.fr/Pages/climat-social-qualite-de-vie-barometre-cegos.aspx

baromètre  “croissance & digital 2017” de l’ACSEL https://fr.slideshare.net/ACSEL_DIGITAL/slideshare-baromtre-croissance-et-digital-80534083

Méthode des “Big five” : https://www.123test.fr/theorie-des-cinq-grands-facteurs-de-personnalite/