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Le live streaming sportif dans le viseur de Facebook et Twitter

Les matches de NFL ont été au centre des négociations entre Facebook et Twitter

Il est loin le temps où les événements sportifs garnissaient l’éventail de chaînes gratuites de la télévision française. À l’heure où la guerre des droits TV fait rage entre les cadors des chaînes sportives (Bein Sport, SFR sport…) et où les prix de diffusion s’embrasent, il est de plus en plus compliqué pour les fans de sport de se mettre quelque chose sous la dent. Mis à part les événements de second choix proposé par les chaînes de la TNT, les retransmissions des sports majeurs (football, rugby, tennis, formule 1) se font rares si l’on ne souscrit pas à un abonnement. Il semblerait que Twitter et Facebook aient ciblé cette problématique et qu’ils aient décidé d’investir pour remédier à cette carence. Pour ce faire, un outil principal, le live streaming, mais deux stratégies divergentes. Qui en sortira vainqueur ?

Un contexte propice au live streaming sportif

À la croisée des chemins entre la navigation sur ordinateur et le mobile first, le contenu vidéo et plus particulièrement le live streaming est de plus en plus prisé. Par les utilisateurs d’abord, mais aussi par les détenteurs de droits qui y voient un moyen de se greffer à l’univers du sport business toujours très juteux. Et la bataille que se livrent Facebook et Twitter sur ce nouveau domaine illustre parfaitement cette tendance.

Twitter, la mutation du réseau en média social

Jeudi 15 decembre 2016, à partir de 2 h 25, Twitter diffusera en live streaming sa neuvième rencontre NFL de la saison entre les Rams de Los Angeles et les Seahawks de Seattle. En perte de vitesse depuis plusieurs mois, Jack Dorsey et les siens ont tenté, le 5 avril dernier, un pari pour le moins osé.  Investir 10 milions de $ (9,2 M€), dans des droits de diffusions concernant dix matches du Thursday Night Football. Ces rencontres de la Ligue nord-américaine de football retransmises le jeudi dans la nuit sont considérées comme des matchs de seconde zone et sont délaissées par les chaînes de télévisions traditionnelles. Néanmoins vous vous doutez bien qu’à 1 million de dollars le match, ces événement représentent une source de visibilité considérable tant pour la ligue que pour l’acteur qui en obtient les droits. Il faut rappeler qu’une saison de NFL ne dure que 5 mois et que les matches attirent beaucoup de spectateurs aux Etats-Unis et dans le monde entier. Moins populaires que les rendez-vous NFL du dimanche ou du lundi soir, ils ont quand même joui la saison dernière d’une audience de  17 millions de téléspectateurs en moyenne. Cela reste donc un moyen non négligeable pour twitter d’attirer de nouveaux utilisateurs sur la plateforme.

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Cependant, après 8 matchs proposés, l’expérience semble mitigée même si l’objectif est de générer de plus en plus de trafic au fur et à mesure des diffusions. Pour le moment, celles-ci n’ont réuni en moyenne par minute que 267 000 de ses 320 millions d’utilisateurs, même si globalement, par rencontre, près de 3 millions de twittos ont tenté l’expérience, l’espace d’un instant.

Twitter a raflé la mise à la surprise générale

Lorsque la NFL a lancé son appel d’offre en 2015, très peu, voir aucun, n’aurait misé sur une victoire de Twitter. Il est nécessaire de rappeler que la saison précédente, Yahoo avait dû débourser 17 millions de dollars pour diffuser un seul et unique match sur sa plateforme. À travers ce succès, twitter a non seulement assommé la concurrence mais a aussi trouvé un moyen très judicieux d’exploiter et de promouvoir le dernier joujou qu’il avait acquis quelques mois auparavant, Periscope. Depuis, l’oiseau bleu a également annoncé l’achat de certaines rencontres de baseball et de hockey sur glace. Un moyen judicieux pour satisfaire ses utilisateurs toujours en quête d’instantanéité ?

Facebook contre-attaque

Dans ce « match du live streaming » très contesté, Facebook est loin d’avoir dit son dernier mot. Face à la stratégie très agressive de son rival numéro 1, le réseau de Mark Zuckerberg n’est pas en reste. Orphelin des droit TV remporté par twitter, Facebook a choisi de manœuvrer plus subtilement en misant sur ses utilisateurs les plus influents. Pourquoi débourser des millions pour des droits de diffusions quand on détient une communauté aussi active en interne qui peut le faire pour vous.

Dans un premier temps Mark Zuckerberg et son équipe ont fait le maximum pour pousser les utilisateurs à diffuser du contenu live streaming. Cela s’est avéré efficace puisque la liste des événements diffusés en direct sur Facebook et non pas par Facebook se sont multipliés. Des championnats d’Europe et du monde junior de handball, à l’ensemble des matchs amicaux de l’équipe US de basket, en passant par un match amical de Manchester United. De nombreux lives sportifs ont alors fleuris sur la plateforme, avec des moyens important mis dans la production pour assurer des expériences de qualité.

Pour citer quelques chiffres, le match de présaison Manchester United-Everton FC a réuni 3,7 millions d’internautes soit une audience équivalente à celle de twitter pour l’ensemble des matchs NFL diffusés jusqu’à présent. Malgré cela Facebook a décidé d’adopter une approche différente.

En s’appuyant sur ses 650 millions d’utilisateurs suivant des pages en lien avec le sport, le réseau social a décidé de miser sur sa fan-base, qui représente un potentiel énorme pour les clubs, les athlètes et les diffuseurs. Le partenariat est naturellement devenu l’option la plus rentable.

Aux États-Unis, Fox Sports a par exemple travaillé main dans la main avec Facebook lors de la dernière Copa America. Sur la finale, le réseau social a ainsi proposé des analyses d’avant-match et une émission à la mi-temps. Un contenu qui aurait eu une répercussion sur les audiences de la chaîne (3,7 millions de téléspectateurs contre 2,9 millions en 2015).

Résultat : Facebook lance le 20 janvier 2016 « Sport Stadium », une nouvelle fonctionnalité pour smartphones permettant de suivre des matchs et de les commenter en direct. Pour ce faire, quatre onglets. Le premier donne les dernières avancées, actions et scores de la rencontre. Le second agrège les contenus publiés par ses amis sur le match. Le troisième propose des publications et des commentaires. Le dernier affiche des statistiques concernant le match.

Pour le moment, l’application ne fonctionne qu’aux Etats-Unis sur iPhone et uniquement pour le football américain. Mais Facebook compte bientôt étendre « Sports Stadium » à d’autres sports.

Quel sera le meilleur positionnement pour les réseaux sociaux ?

Aujourd’hui, Twitter ne dispose pas de l’exclusivité sur ses événements sportifs retransmis et doit donc partager l’ensemble de ces diffusions avec les médias traditionnels. Dans un contexte où 96 % des fans préfèrent toujours visionner un événement sportif à la télévision, cette stratégie peut paraître fragile. Cependant l’étude de eMarketer, selon laquelle les personnes âgées de dix-huit ans et plus passeront davantage de temps sur les médias numériques que devant la télévision dès 2017 (3 h 58 par jour contre 3 h 51) laisse à Jack Dorsey un motif d’espoir.

Pour le moment l’audience très grand public concernant le suivi des événements sportif se trouve bien sur Facebook. Si l’on revient simplement à la nature même du média social dans le sport, à savoir un échange direct entre une équipe et ses fans, on comprend bien que ce moyen de diffusion « identifié et certifié » a beaucoup plus d’impact.

Malheureusement pour Facebook et Twitter, ce duel qui s’apparentait à une « bataille rangée » risque fort de se transformer en lutte à quatre ou cinq. En effet d’autres géants du net comptent bien tirer leur épingle du jeu. Sur l’offre baseball et hockey, Yahoo a comme Twitter, passé un accord avec la MLB et la NHL pour la retransmission de certaines rencontres. Amazon devrait suivre, sans oublier snapchat de plus en plus présent sur les événements sportifs.

Enfin l’arrivée de la télé connectée pourrait définitivement bouleverser la donne, selon Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport.

« L’arrivée d’un géant comme Google révolutionnerait la consommation médias du sport, et de façon bien plus rapide que peuvent le faire Facebook et Twitter aujourd’hui. »

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