La transformation digitale en Industrie

« Comment accroître les performances de l’entreprise ? Mais par le digital, bien sûr ». Vous avez tous entendu au moins une fois cette question-réponse. Comme une évidence. Un miracle de notre société connectée.

  • Trois industries avec le même constat

Car accroître la performance, c’est aussi accroître la vitesse et l’efficacité, avec comme seul moteur la concurrence. Renault, pour l’industrie automobile a intérêt à gérer efficacement sa supply chain pour maitriser ses coûts dans ses usines situées un peu partout dans le monde, La Poste a formé ses facteurs aux outils digitaux pour lutter contre une concurrence accrue, teste actuellement une ligne de livraison par drone dans le Var, Air France Industries utilise la réalité virtuelle dans une entreprise globalisée et mondiale pour lutter contre son concurrent allemand, à la pointe de la technologie. Mais la vraie question est comment on accroit les performances quand les outils digitaux sont les mêmes pour tous ?

La transformation digitale constitue en fait deux enjeux majeurs : la transformation de l’existant et le lancement de nouvelles activités qui reste, excepté pour certaines entreprises qui ont un pôle « startup » au sein de leur organisation, à la marge dans le paysage industriel français. De plus, beaucoup d’entreprises rachètent des startups et comptent autant sur ce rachat que sur le développement des activités. On constate donc que l’essentiel de la transformation digitale, c’est l’amélioration de l’existant. Est-ce moins innovant ? Non, au contraire.

  • L’innovation

L’innovation, ce n’est pas de l’invention. Inventer, c’est créer quelque chose de nouveau. Innover est une façon nouvelle de régler un problème. Or si l’on veut transformer l’existant en innovant, on doit se demander quel problème on résout ? Celui de la performance ? Non. Car la performance est un problème corporate et non d’innovation. Les problèmes d’innovation sont bien des problèmes d’usage, ceux des clients, mais aussi des problèmes des opérationnels. Comment le digital peut-il faciliter le parcours client comme le quotidien des salariés ? L’entreprise se retrouve balancée entre les coûts, les performances et la qualité d’écoute des opérationnels et leur satisfaction. On ne peut pas innover pour améliorer la performance sans comprendre les problématiques du terrain.

Quelles sont les façons de faire ? Les industriels ont un certain nombre de boites à outils : le lean management, le design thinking, etc. La seconde approche est basée sur l’humain comme acteur du digital : le directeur d’usine pour Renault qui fait des choix stratégiques, La Poste qui demande à ses facteurs la traçabilité des informations et Michelin qui compte sur ses salariés pour partager, grâce à des outils digitaux, les bonnes pratiques dans ses différents sites. Pour développer les relations avec le terrain, le co-développement et le participatif sont les seuls leviers pour récolter l’information et les problématiques qui peuvent ensuite trouver des solutions dans le digital. C’est pour cette raison que des entreprises ont fait le choix de décentraliser la transformation digitale. Le cas de Renault est frappant. La maison-mère laisse la possibilité aux différents directeurs d’entreprise de jouir des outils mis à disposition sans imposer… Une manière d’adapter la politique au terrain.

  • La Technologie

Par ailleurs, l’innovation drivée par la technologie ouvre d’autres champs possibles. La technologie étant plus un e-nabler qu’un guide. Et la question qui se pose autour des nouvelles technologies et de la DATA en particulier, c’est : est-ce que l’innovation digitale est la meilleure façon de résoudre les problèmes. A titre d’anecdote, Renault assure que la maintenance prédictive par les humains est aujourd’hui plus efficace et plus rentable. Est-ce pourtant la meilleure option ? Le retour sur investissement est-il bien réel ? Voire pertinent ? Les innovations de terrains sont-elles rentables quand on les développe ? Est-ce que la technologie est au point ?

Persuadée que la réalité augmentée allait faire des merveilles, Air France Industries, par exemple, a énormément investi sans que la technologie soit performante. Il y a donc un certain nombre de facteurs qui se transforment en usage. Il existe un enjeu SI dans l’industrialisation de l’innovation, un enjeu d’open innovation. Comprenons pas là que les entreprises doivent faire face à de nouveaux métiers peu familiers. Souvent, elles s’ouvrent à des partenaires extérieurs ou travaillent les best practice. Pour que l’innovation délivre des résultats, il ne faut pas la plaquer sur des process existants, mais simplifier les process. La transformation digitale est d’abord un changement dans la façon de faire.

  • Un enjeu culturel

Le dernier enjeu et non des moindres puisqu’il est décisif est l’enjeu culturel. Renault assure que les usines les plus performantes ne sont pas les plus technologiques. Le principal est le management qui est pratiqué dans l’entité. Michelin a réduit ses coûts de 25% grâce à l’excellence opérationnelle portée par les managers. Pour réussir l’innovation, il faut donc intégrer les process, la technologie, et enfin le mode de travail. Air France industries, par exemple, fait certes confiance à la génération X et Y, mais mélange dans ses groupes « digital innovation », un ESCY, un agent de production et un jeune talent. Cette génération est en effet extrêmement fluide. Elle a de grandes attentes en matière d’autonomie. On peut d’ailleurs être frappé par le parallèle entre l’entreprise telle qu’elle doit évoluer plus agile, plus opportuniste et la façon de travailler et de penser des générations actuelles.

  • Un échec comme un début de réussite

C’est pour cette raison que l’entrée sur le marché de l’emploi des générations X et Y va favoriser la transformation digitale. Comment être plus agile, plus rapide, plus entreprenant, jusqu’à favoriser l’erreur ? Air France Industries récompense d’ailleurs une fois par an le prix de l’échec. Hier encore, l’échec était une faute. On a tous tendance à penser que lorsque l’on vit un échec, il y a un fautif. On sanctionne. Or, toute la problématique de l’innovation, c’est qu’il n’y a pas d’innovation sans risques puisque l’on fait quelque chose de nouveau. Et qu’est-ce que le risque ? Le risque est une forte probabilité d’échec. Comment peut-on innover si l’on affirme que l’on ne peut pas échouer ? C’est impossible. Il s’agit donc d’innover en réduisant le risque. Faire un POC est une démonstration de la faisabilité, une expérimentation qui va réduire le coût de l’échec. C’est pour cette raison que l’on favorise le partage entre collaborateurs pour capitaliser les échecs et développer les bonnes pratiques.

La transformation digitale est une transformation organisationnelle. Le digital s’inscrit dans un cadre global d’agilité et de performance. Il n’est pas un objet en soit, il s’intègre dans une logique et une stratégie d’entreprise. Chaque jour, on crée de nouvelles façons de faire. Ce qui est terriblement difficile pour l’industrie qui a comme genèse la standardisation et les normes. Le pilier de cette transformation est le management, plus basé vers l’humain qui fera bouger les mentalités. La courbe d’apprentissage de la transformation digitale des entreprises est la conciliation de ces deux besoins contradictoires.