TV programmatique : l’avis des professionnels du digital

À l’heure où la publicité TV connaît un bouleversement majeur grâce au programmatique et à la segmentation, comment les professionnels voient-ils ces changements ? Abderrahmane YACOUBI, Head of Ad Tech chez Altice Media Ads & Connect partage sa vision sur la digitalisation de la publicité. 

Homme qui tient une télécommande et s'apprête à regarder la télévision. Programmatique.
Homme qui s’apprête à regarder la télévision – Canva

Peux-tu me parler des modes de mesure d’audience traditionnelle et programmatique adressée ? 

« La principale problématique de la TV adressée par rapport à l‘audience c‘est que cela vient en confrontation frontale avec que fait Médiamétrie. Médiamétrie fait des estimations d’audiences sur la base de GRP en se basant sur des enquêtes, tout simplement la panel Médiamétrie que des gens remplissent (quels programmes je regarde, quel jour, quelle heure, sur quel Device ?).

Donc d’un côté, sur la télé linéaire classique, donc la TV hertzienne, on est sur de la pure extrapolation. Et ça, c’est ma position personnelle. Je ne suis pas seul à le penser sur le marché, mais je suis l’un des rares à le dire haut et fort. Mais ma parole n’engage que moi, elle n’engage pas mon employeur. La discussion que l’on a pu avoir avec Médiamétrie se portait sur l’évolution du mode de calcul, et je ne vois pas comment ils réussiraient à le faire. En tout cas à tes court terme. Leur posture est d’essayer de faire rentrer la TV segmentée et la diffusion en TV segmentée dans leur moule de calcul GRP. Cela reste très opaque. Pas complexe, mais compliqué. La méthodologie n’est pas claire, je ne comprends pas. Pour moi, il est impossible de s’intéresser à quelque chose qui a mon sens, est obligé de disparaitre.

A un moment donné, le GRP doit disparaître. Ce n’est pas possible de continuer avec. D’un côté il y a des extrapolations sur un panel représentatif. C’est de la pure méthodologie statistique par Médiamétrie pour calculer les audiences télé. Et de l’autre, en TV adressée, tu as du consommé réel. Tu vas pouvoir savoir réellement combien de fois ton spot a été diffusé à l’antenne. Et là ça change la manière de voir les choses. On part d’un modèle qui est statistique vers un autre modèle qui est réel. Chaque fois que le spot passe à la TV ça compte comme une impression. Et donc pour moi les deux modèles ne peuvent pas coexister . » 

Si nous ne sommes plus au GRP, à quoi passons nous avec la TV programmatique segmentée ? 

« Si on n’était plus au GRP, on serait au CPM.  Dans quelque chose de beaucoup plus digital. LA TV doit se digitalisé, et ce n’est pas le TV adressée qui doit se linéariser. Alors que Médiamétrie veut linéariser la TV adressée. »

Qu’est-ce qui a permis de passer légalement et juridiquement à la TV programmatique segmentée ? 

« La loi a autorisé le changement de flux linéaire. En gros, c’était ça le point bloquant. Avant, tu n’avais légalement pas le droit de modifier le flux de la TV, c’est-à-dire que si tu diffusais quelque chose, c’est ancré dans le marbre, ça ne change pas. Alors que le principe même de la TV segmentée implique le fait de découper ce flux et de pouvoir substituer un spot par un autre. Et donc tu modifies le contenu de ton flux. Ce qui jusqu’au décret du 5 aout 2020 n’était pas légal. Mais la loi a évolué, et tant mieux. »

Cet échange laisse peu de place au doute : le professionnel de la publicité digitale approuve ce changement de paradigme et va même plus loin ! Pour lui, il était indispensable que les modes de calcul d’audience soient revus, Médiamétrie ne proposant que de pures extrapolations. Et je partage totalement ce point de vue ! Pourquoi se contenter d’estimations quand la technologie permet d’avoir des chiffres exacts ? D’autant plus que les modes de calcul de Médiamétrie restent très opaques… En autorisant la publicité segmentée, l’Etat garantit en plus l’entrée de nouveaux annonceurs sur le marché de la publicité, et participe ainsi à la libre concurrence.  Aussi était-il temps que le marché évolue !