
La réalité virtuelle pourrait bien venir bousculer les procédés dans le domaine de la santé. Sur le papier, le métavers offre de nombreuses possibilités, si bien qu’une formation universitaire spécifique doit être lancée à partir du printemps.
Le 19 octobre dernier, la clinique des Champs-Elysées organisait une journée portes ouvertes pas comme les autres : consacrée au surpoids et à l’obésité, celle-ci prenait place dans Decentraland, une des plateformes les plus visitées du métavers.
Pour les non initiés, le métavers est la contraction de “méta” et “univers”, un terme utilisé pour la première fois dans le roman “le Samouraï virtuel” de Neal Stephenson en 1992.
Aujourd’hui, ce mot désigne l’ensemble des mondes virtuels connectés à Internet, à l’intersection entre un monde physique amélioré grâce aux technologies et un autre totalement numérique. L’idée est d’y façonner son propre avatar pour pouvoir s’y déplacer et interagir socialement et professionnellement avec les autres utilisateurs.
C’est donc dans cet univers virtuel que la Clinique des Champs-Elysées a implanté mi-octobre son établissement tout aussi virtuel, afin que chacun puisse assister gratuitement, depuis chez soi, à une journée de prévention, d’information et d’échange avec des experts du surpoids et de l’obésité.

Pour ce faire, il suffisait de suivre un lien Internet, de créer son avatar et de rentrer dans la clinique qui se matérialise alors sur l’écran.
Depuis le hall d’entrée, un grand écran installé sur une estrade retransmet les prises de parole des experts intervenant en visioconférence, chaque utilisateur pouvant participer grâce à un salon de discussion prévu.
Dans la pratique, l’expérience n’a pas montré sa plus-value, le monde virtuel étant encore limité sur le plan technique – la prise en main de l’avatar n’était pas des plus faciles.
Un simulateur d’opération

Pour ses défenseurs, le métavers est voué à avoir une influence majeure sur l’ensemble des sphères de nos vies, la santé en faisant partie.
“C’est un chamboulement dont on ne perçoit pas encore bien les implications totales, bien que l’on en voit déjà quelques lueurs notamment dans les domaines de la chirurgie, de la psychiatrie et de l’organisation des soins”, affirme le professeurs Boris Hansel, exerçant à l’hôpital Bichat-Claude Bernard, à Paris.
Parmi les possibilités offertes par le métavers, le professionnel évoque notamment celle de simuler des opérations chirurgicales pour mieux en maîtriser les techniques.
Un peu à la manière dont les pilotes d’avion s’entraînent sur des simulations de vols.
“Cela peut servir notamment à guider des étudiants ou des chirurgiens moins expérimentés pour pratiquer une intervention. En équipant, par exemple, les deux parties d’un casque de réalité mixte, la personne en formation va voir directement ce que fait l’expert et pourra superposer ses mains sur les siennes pour apprendre les bons gestes”.
Dans le domaine de la psychiatrie, la réalité virtuelle est déjà utilisée par certains praticiens pour surmonter les phobies.
Celle-ci a aussi vocation à optimiser la coopération entre professionnels en allant plus loin que la visioconférence : les réunions pourront se dérouler dans un environnement virtuel afin de créer plus de proximité entre les participants, les simples images radiologiques étant remplacées par le patient lui-même.
En allant encore plus loin dans la réfléxion, le professeur Boris Hansel imagine aussi pouvoir trouver le traitement le plus adapté pour un patient en se basant sur son jugement numérique, produit à partir du décryptage de ses gênes, de radios et de questionnaires : “Cela a du sens notamment dans le domaine de la cancérologie, où l’on se dirige vers une médecine personnalisée et où les traitements sont efficaces sur certains patients, sur certaines tumeurs, à certains moments”.
Réhumaniser la profession
Signe que le métavers se fait une place de plus en plus grande dans le domaine de la santé, un diplôme universitaire Métavers en santé ouvre au mois de mars prochain à l’université Paris Cité. Dirigée par les professeurs Boris Hansel et Patrick Nataf, cette formation unique dans le monde francophone a pour objectif d’amener à la création ou au développement de projets en santé utilisant les outils numériques actuels.
Les enseignements vont s’articuler autour de quatres modules, dont les trois premiers sont en distanciel et obligatoires : introduction à la réalité mixte, jumeaux numérique, Internet 3.0 et ses questions sécuritaires et éthiques, et ateliers pratiques avec visites de laboratoires et manipulation des outils numériques.
“Je fais toujours la distinction entre les maladies et le fait de s’occuper des malades. Ce que va changer le métavers, c’est qu’il apporte des évolutions dans les méthodes de travail. D’ailleurs, certains craignent une certaine déshumanisation de la profession mais,pour moi, c’est tout le contraire” affirme le professeur Boris Hansel.
Pour l’heure, le métavers n’en est qu’à ses balbutiements.