La transformation digitale de l’endoctrinement

Très heureuse de vous partager mon entretien avec monsieur X, intervenant au Y au sein du module techniques et stratégie d’influence par le discours. Il a très gentiment accepté de répondre à mes questions sur le rôle du digital dans le processus d’endoctrinement d’une personne qui sera mon sujet de thèse.

Bonjour X, je suis ravie de faire cet entretien avec vous aujourd’hui. Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter et expliquer votre métier ? 

Oui bien sûr, je suis issue d’une formation littéraire, j’ai fais hypokhâgnes pour ensuite faire Normale Sup en philosophie à Lyon. Ensuite, j’ai fais HEC à Paris, j’ai été consultant dans un premier temps, pour une avocate spécialisée dans la déontologie des ONG et des entreprises. Entre temps,  j’ai également gagné un certain nombre de concours d’éloquence. A l’issue de l’un d’entre eux, j’ai été repéré par des politiques, notamment par un ministre qui m’a donc sollicité pour écrire et former des personnalités sur la méthode de restitution d’un discours qui s’appelle l’art oratoire. Dans toutes mes expériences, je n’ai jamais cessé d’avoir un axe central qui est le pouvoir des mots. Aujourd’hui, je dispense un cours auprès de mes étudiants qui sont les MBA DMB de Lyon. Je leur enseigne les techniques d’influence par le discours.

Comment s’appelle votre module avec les MBA DMB de Lyon ? 

Avec les DMB, c’est un module purement stratégie d’influence, c’est à dire les techniques qu’on utilise pour construire des campagnes et des stratégies d’influence pour des clients. 

Rentrons dans le vif du sujet, pouvez-vous me donner à chaud votre propre définition du mot endoctrinement ?

Vous savez, je suis quelqu’un qui travaille beaucoup avec l’étymologie et le sens réel des mots. Pour moi, à l’intérieur du mot endoctrinement, il y a le mot doctrine, qui représente ce qui est dicté.  On ne parle pas de quelque chose qui est réfléchi, c’est plutôt quelque chose qui est imposé. Par conséquent, l’endoctrinement vient de la volonté d’une personne ou d’un groupe de personnes de faire adhérer sans réserve une personne ou un groupe de personnes à un certain nombre de règles pré-écrites. 

Pour vous, existe t-il une différence de sens entre les mots : endoctrinement, manipulation et influence ?

Le mot endoctrinement est beaucoup plus fort. Il induit le fait de suivre un certain nombre de règles, il y a aussi cette notion d’idéologie. Il va toucher la pensée paradigmatique, cette pensée qui conditionne nos autres pensées. Par exemple, la religion est une idéologie et la manipulation ça peut être très facile, si j’ai envie de vous vendre un objet dont je sais pertinemment qu’il est cassé, mais que j’ai envie de vous cacher ce vice et de faire en sorte que vous l’achetiez malgré tout, je vais pouvoir utiliser des techniques de manipulation, mais qui ne vont pas modifier votre superstructure. L’endoctrinement quant à lui va toujours modifier votre superstructure de la pensée et l’influence, c’est le nom général de la modification volontaire des comportements d’autrui et la manipulation comporte une connotation négative alors que l’influence peut-être une bonne influence. 

Pensez-vous que la manipulation positive existe ? 

La connotation de ce mot est devenue tellement prépondérante qu’elle fait partie prenante de la définition. Je pense qu’il existe uniquement de la manipulation négative. 

Aujourd’hui, existe t’il des techniques d’influence ou de manipulation qui a pour but de nuire à autrui ? 

Je pense qu’il ne s’agit pas là d’une question de technique mais plutôt de vocabulaire. C’est purement de la psychologie sociale. On ne fait jamais rien qui ne soit pas dans notre intérêt. Si notre souhait est de détruire ou abîmer une personne, c’est que derrière nous allons en tirer bénéfice. Donc pour moi, il n’existe pas des techniques qui sont strictement faites pour nuire à autrui.

Pour vous, est-il plus facile de manipuler une personne en étant avec elle ou avec l’ensemble des moyens digitaux (réseaux sociaux, messagerie instantanée, SMS, internet) ?

Et bien, cela va dépendre. Certaines personnes sont plus sensibles à l’oral d’autres aux moyens digitaux. 

Aujourd’hui, les plateformes de type Facebook ou Instagram ont-elles une part de responsabilité dans les groupes d’extrémistes qui s’y forment comme par exemple des groupes terroristes ? 

Entre les années 80, 90 et aujourd’hui, l’apparition du digital 2.0 à donner lieu à une quasi-suppression des gardiens de la porte, ceux qui géraient quelles informations sont utiles et avérées. Tout ceci à volé en éclats, les fakes news ont existées, mais elles avaient une durée de vie très limitées. Aujourd’hui, l’impact est démesuré et le danger tellement grand qu’on viendrait presque à regretter ce contrôle de l’information. Internet est venu aussi révolutionner nos vies avec cette liberté d’expression, de vivre dans une espèce de démocratie augmentée. Il est très difficile pour nous de notre point de vue d’avoir un discours sur la régulation des contenus sur internet. La première responsabilité, c’est la responsabilité éducative. 

Le rôle de l’état est très important également, il doit s’emparer de la thématique de la régulation beaucoup plus que les plateformes elles-mêmes pour moi. Néanmoins, ce sont uniquement les plateformes qui ont accès à la technique de la régulation. Pour cela, il faudrait que l’état puisse imposer aux plateformes l’idée de réguler et de pouvoir les sanctionner en cas de non-respect de cette régulation des contenus. 

Le rôle des plateformes, c’est de faire de l’argent, c’est l’unique raison d’être d’une plateforme numérique comme toute entreprise. Le débat a été très intéressant autour du débat de Donald Trump, est-ce qu’une plateforme peut s’autoriser, sous quels motifs à interdire l’accès à des contenus et des publications à un certain nombre de personnes ? 

Avez-vous déjà été manipulé par autrui à travers des plateformes digitales ? 

Rarement par les mots car j’en ai fait mon métier, c’est donc quelque chose que je maîtrise. Néanmoins, pour vous répondre très honnêtement les situations personnelles donne lieu immanquablement à des situations de manipulation. C’est à dire qu’il y a des situations où certaines personnes pensent avoir une sorte de contrôle. 

Je ne me suis jamais senti manipulé ou endoctriné d’un point de vue politique ou idéologique sur les réseaux sociaux par exemple car je pense que mon métier m’apporte un certain nombre de garanties.