Ce mercredi 1er février, j’ai effectué ma soutenance de thèse professionnelle. Merci à Olivier Laborde d’avoir lu ma thèse et d’avoir été présent, ainsi qu’Audrey Brière, qui présentait également son travail. Pendant ma soutenance, j’ai pu rappeler mon parcours, mon profil 100% industrie et les raisons pour lesquelles j’ai choisi d’effectuer ma thèse professionnelle sur la désinformation et les réseaux sociaux. En voici un résumé, bien qu’il ne soit pas simple de résumer plusieurs mois de travail, et une centaine de pages, en quelques centaines de mots ….
Revenir aux sources
Au commencement, il y a la déferlante digitale qui est venue bousculer bien des domaines, dont celui des médias au sens large. Pour appréhender la façon dont la désinformation s’est répandue sur les réseaux sociaux, il faut revenir aux sources et comprendre comment le digital a modifié le fonctionnement des médias.
Ces modifications ont induit une évolution des usages et des habitudes de consommation de l’information par les utilisateurs. L’accélération de la circulation de l’information, propulsée par le digital, a provoqué une surcharge informationnelle : nous sommes noyés d’informations, elles sont partout, tout le temps. Laquelle choisir, qui croire à l’heure où le doute et la méfiance se généralisent ? Pas de panique pourrait-on dire, les algorithmes sont là pour personnaliser nos flux d’information, et optimiser notre temps d’attention. Savons-nous vraiment comment ces derniers fonctionnent ? Les plateformes sont-elles transparentes à ce sujet ?
En parallèle de ces données factuelles, mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau et les biais qui nous poussent à prendre nos décisions est primordial. Notre cerveau peut nous jouer des tours et nous induire en erreur, reprenons le contrôle !
Se constituer une immunité intellectuelle
Dès lors, et pour qui souhaite prendre du recul et ne pas croire la première information venue, il existe de nombreux moyens pour démêler le vrai du faux. Vérifier les faits, les sources, l’authenticité d’une vidéo ou d’une image, sont le premier fondement de ce qu’on appelle la constitution d’une immunité intellectuelle, indispensable à la prise de recul et au renforcement de l’esprit critique. Selon le 21e baromètre de confiance Edelman paru le 15 janvier 2022, les citoyens français seraient, seulement 26 % à avoir une bonne « hygiène informationnelle » définie par Edelman comme « l’intérêt pour l’actualité (lire, regarder ou écouter l’actualité), la consultation de plusieurs sources d’information, la vérification systématique des informations et de l’intégrité de la source, et le partage d’informations vérifiées.»
L’éducation aux médias et à l’information : l’exemple du module de Rose Marie Farinella
Véritable pierre angulaire de ma thèse professionnelle, l’éducation aux médias et à l’information y est mise en exergue. Il s’agit d’un incontournable pour apprendre, dès le plus jeune âge, à comprendre le fonctionnement des médias, à savoir reconnaître les fausses informations et à vérifier ses sources, à l’aune des réseaux sociaux et leur instantanéité.
Rose Marie Farinella est une ancienne journaliste de la presse écrite et enseignante. Depuis 2014, elle dispense des ateliers au sein de classes de CM2 à Taninges dans la région de Grenoble, intitulés « Info ou intox, comment faire la différence sur internet dès l’école primaire ». Son travail a été primé plusieurs fois, notamment par l’UNESCO et la Commission européenne. L’ex-journaliste a opéré ce virage, lassée de voir son mur Facebook ou d’entendre des proches et connaissances relayer de fausses informations, et surtout de constater qu’ils affirmaient que cela était vrai, sans argumentaire réel. Son module consiste à apprendre aux enfants comment reconnaitre les hoax, les canulars, et désinformation. Des séances ont été filmés par l’auteur de la chaine YouTube Hygiène mentale :
https://youtu.be/__DVwG9oiuU?list=PL8kpTYGNfAcbVL-wbRm65_YRhols6n2ha
https://youtu.be/0ig87rUmwc8?list=PL8kpTYGNfAcbVL-wbRm65_YRhols6n2ha
Ce module est découpé en huit séances et les aspects sont abordés sous différents angles :
– Analyser les images : comment le choix du cadrage peut modifier le sens de l’image
– Remonter à la source de l’information : l’importance de retrouver la source d’une information, sa date, son auteur, les détails à regarder sur une photo
– Le fonctionnement de la propagation des rumeurs
– Savoir reconnaitre les hoax pour apprendre à les différencier d’une vraie information
A l’issue du module, les enfants se voient discerner un diplôme de « hoaxbuster ».
Ce module mériterait d’être plus largement connu et utilisé.
Baguette magique ?
Il n’existe pas de solution toute faite ou magique, la désinformation ne sera jamais réellement complètement éradiquée des réseaux sociaux, et plus largement de nos sociétés, mais nous avons devant nous toute une marge de progression. Une marge de progression qui passe par une nécessaire prise de conscience, une prise de recul également, mais surtout un besoin urgent d’agir et d’encadrer davantage les choses.
Certains secteurs se sont fait prendre de vitesse par la déferlante digitale et n’ont pas réagi assez vite. C’est sans conteste le cas des médias au sens large, qui peinent encore aujourd’hui à trouver un business model efficace. On tente des solutions pêle-mêle, chacun essaye de trouver sa recette miracle. Aujourd’hui, certains médias considèrent avoir pris le virage du digital simplement parce qu’ils proposent une application. Pour autant, l’application seule ne suffit pas à répondre à l’évolution des habitudes de consommation de l’information, aux nouveaux formats courts, impactants, ludiques, ou encore à l’ascension fulgurante des podcasts qui devrait davantage être étudiée.
La sensation que nous pourrions avoir aujourd’hui, c’est que nous tâtonnons, nous essayons des solutions ici et là, les essais fleurissent mais rien ne semble correspondre vraiment aux besoins des utilisateurs, friands d’applications mobiles intuitives, pratiques et orientées mobile first.
Avant de conclure, je veux remercier chaque professionnel que j’ai sollicité dans le cadre de cette thèse professionnelle. Je sais à quel point votre temps était précieux ! Merci à vous de m’avoir répondu, de m’avoir orientée, de m’avoir nourrie de vos expertises respectives et de vos points de vue qui ont permis d’étayer ma réflexion.
Le chapitre « Thèse professionnelle » de mon MBA DMB est aujourd’hui clos, avec ma soutenance réalisée ce 1er février. Clos, oui, mais j’en ressors grandie et riche des divers apprentissages que j’ai pu faire au gré des ces plusieurs mois de travail, avec la ferme conviction que nous avons devant nous une marge de progression formidable pour apprendre à démêler le vrai du faux, au cœur de la guerre de l’information.