Interview de Jordy Pommier, chargé de campagnes e-CRM chez Bandai Namco

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Alumni du MBA DMB Shanghai, Jordy Pommier a fait du CRM (Gestion de la relation client) son cœur de métier. Après un passage dans les rangs du producteur et éditeur de jeux vidéo français Ubisoft, il est resté dans l’industrie vidéoludique en rejoignant Bandai Namco Entertainment Europe. Durant cette interview, nous avons parlé data, marché asiatique, futur du jeu vidéo et télétravail.

Peux-tu décrire ton métier ?

Jordy Pommier : Le CRM pour une entreprise c’est un levier lui permettant de créer et de maintenir le contact avec ses clients grâce aux données que ces derniers leur communique. Cela peut passer par des canaux physiques avec les courriers et les magazines. Mais aussi par des canaux digitaux tel que

les e-mails, les sms, les notifications push, on parle alors de e-CRM. A la différence de la communication via les réseaux sociaux ou bien via la presse, je dirais que le CRM s’inscrit dans une registre plus personnel. Le but principal étant de fidéliser sa clientèle, voir même de faire de ses clients des ambassadeurs de la marque. Au quotidien mon métier repose sur trois piliers et pose les questions suivantes :

  • Marketing : comment attirer l’attention du client ?
  • Data : quelle données choisir pour être percutant ?
  • Communication : quel message diffuser pour convaincre son ou ses segments ?

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Le jeu vidéo peut viser des cibles très larges. Comment dans ton métier fais-tu pour t’adapter à ces cibles qui ont des utilisations très différentes du numérique ?

Jordy Pommier : Le CRM s’est déjà bien développé ces dix dernières année, notamment grâce à l’essor du numérique. La récolte de données utilisateurs permet aujourd’hui de personnaliser ses messages. Pour prendre l’exemple de l’univers vidéoludique, les producteurs de jeux vidéo disposent des données in-game de leurs clients. Permettant ainsi d’accompagner les joueurs tout au long de leur parcours en leur donnant leurs statistiques ou bien des bonus, des astuces, des informations sur les niveaux suivant. En d’autres termes, les comportements des joueurs permettent de dresser différents profils que nous classons ensuite en segments.

Quelles sont les données que tu utilises le plus ?

Jordy Pommier : Cela dépend des données dont dispose l’entreprise mais généralement le score d’appétence des licences (indicateur définissant la probabilité qu’un prospect soit attiré par tel ou tel jeu) afin de faire du recrutement pour de nouveaux jeux ou bien de booster les ventes de jeux dont les objectifs n’ont pas été atteints entre autre. Ce type de donnée peut être déterminé selon le type de jeu joué habituellement, selon les pages web consultées par le joueur.

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Cela ne va pas pousser les éditeurs à produire leurs propres jeux ?

Jordy Pommier : Totalement ! Je pense que c’est la vision que tous les acteurs ont. Cependant, développer un jeu demande du temps et de la ressource. Donc ce changement de stratégie va venir mais il va falloir encore attendre.

Quelles tendances vois-tu émerger dans le secteur du jeu vidéo ? Est-ce qu’on se tourne vers un secteur 100% dans le digital à l’avenir ?

Jordy Pommier : Le physique a encore une importance, cela représente encore une majorité des ventes. La tendance se tend tout de même vers le digital, encore plus avec le confinement ! Il y a eu beaucoup plus de ventes digitales. Les entreprises, qui pouvaient vendre en digital, faisaient la promotion du digital et non du physique durant la période du confinement.

Les éditeurs de jeux vidéo comptent énormément sur l’événement pour communiquer auprès des joueurs. Comment vont-ils s’adapter à la situation ?

Jordy Pommier : Je suis sûr que les entreprises du secteur vont se débrouiller par elles-mêmes et organiser leurs propres événements digitaux que ce soit sur Twitch ou d’autres plateformes en ligne. Elles vont créer leurs propres émissions directement.

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N’y a-t-il pas un risque de voir une multiplication des événements et de perdre le public face à toute cette offre ?

Jordy Pommier : Effectivement, je pense qu’il y a un risque car les personnes qui ne sont pas réceptives à une marque ne vont pas aller chercher à regarder le stream (diffusion d’un contenu en direct sur internet). En revanche, je pense que c’est une aubaine pour les entreprises dans le sens où on va voir que ce jeu-là est affilié à cette entreprise-là. Je dis ça car la plupart du temps la marque des éditeurs n’est pas, voir peu connue du grand public. Le grand public n’assimile pas l’éditeur à la franchise. Ce sont plutôt les franchises qui ont une marque forte.

Les franchises de jeux vidéo s’ouvrent à de nombreux supports (courts-métrage, livres, concerts…) pour concurrencer tous les acteurs de l’entertainment. Comment gère-t-on des licences aussi larges ?

Jordy Pommier : Tout démarre de la direction de la licence. Elle a la main sur tout, mais les départements sont divisés : il y a un département jeu vidéo, un département cinéma, un département goodies etc. Tous les départements font des demandes à ce directoire et accorde ou non le lancement d’un projet. Donc chaque département se concentre sur son projet, ils n’ont pas une vision globale de la licence (qui est le rôle du Brand Manager) mais une plus vision individuelle.

Tu as fait le DMB Shanghai. Comment fonctionne le marché du jeu vidéo en Chine ? Est-il si différent du marché occidental ?

Jordy Pommier : Le marché asiatique est tourné vers le jeu mobile mais également PC. La majorité des jeux vidéo en Chine proviennent de Tencent. Ils détiennent de manière très importante le marché. Mais il y a quand même des jeux occidentaux qui arrivent sur le marché chinois. Ubisoft a notamment offert un Assassin’s Creed en Chine qui a extrêmement bien marché ! En Chine, pour fonctionner, il faut plus proposer un jeu gratuit que tu peux monétiser de l’intérieur. Néanmoins, il faut tout de même que les jeux soient adaptés aux législations du pays. Les jeux ne doivent pas montrer de sang, il est même interdit de faire passer une voiture à un feu rouge par exemple. Du coup tous les feux sont verts ! (rires)

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Pas de sang dans la version chinoise de PUBG, supprimée des stores nationaux depuis.

Beaucoup d’entreprises ont maintenu un certain niveau de productivité grâce au télétravail. Faisant partie des entreprises les plus digitalisées, le télétravail dans le monde du jeu vidéo était-il déjà présent ?

Jordy Pommier : Je ne peux pas parler au nom de toutes les entreprises mais en ce qui concerne celles pour lesquelles j’ai travaillé le télétravail n’est pas ancré depuis très longtemps. Avant la période de confinement il était limité à une journée par semaine voir une journée toutes les deux semaines.

Comment l’industrie du jeu vidéo a réagi à cette crise ? Comment ces boîtes digitalisées se sont adaptées ?

Jordy Pommier : J’ai intégré mon entreprise juste avant le confinement. J’ai donc réalisé mon intégration directement en télétravail mais je n’ai pas ressenti de difficulté d’adaptation. Le retour que j’ai eu de mes collègues, est qu’il y avait de moins en moins d’échanges entre eux. Cela n’affectait pas l’efficacité du travail, mais il y avait beaucoup moins de dialogue. Les relations se sont distancées.

Jack Dorsey, le PDG de Twitter, a annoncé autoriser ses employés à faire du télétravail à vie. Mark Zuckerberg a quant à lui déclaré que 50% des employés de Facebook seront en télétravail à plein temps d’ici 10 ans. Comment vois-tu l’avenir du travail ?

Jordy Pommier : Je n’imagine pas du tout une entreprise fonctionnant entièrement en télétravail. Certes le télétravail permet un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso mais nous avons tous besoin d’un minimum de contact au travail. Le bureau crée du lien social, il permet de s’imprégner de la culture d’entreprise et de débattre d’idées en face à face. Les deux modes de travail ont leurs avantages et inconvénients, pour moi il faut trouver l’équilibre.

Les entreprises de jeux vidéo font partie des entreprises les plus digitalisées. Comment les autres entreprises pourraient-elles s’inspirer de leur fonctionnement ?

Jordy Pommier : Évidemment cela repose sur une question de budget mais je dirais qu’il faut apporter une grande importance à la récolte de données clients, et ce avec leur consentement bien sûr. Tout cela dans le but de leur proposer le contenu le plus pertinent possible pour eux. C’est beaucoup plus bénéfique pour l’entreprise qui réduit ainsi son besoin en recrutement, et pour le client qui ne se retrouve pas importuné par du contenu auquel il n’est pas réceptif.